Silent Hill 2
8.6
Silent Hill 2

Jeu de KCET, Team Silent et Konami (2001PC)

In my restless dreams, I see that town. Silent Hill.

Pour commencer, je n’aurais jamais cru finir Silent Hill 2 un jour. Il faut savoir que je crains vraiment tout ce qui fait peur : j’ai notamment développé une extrême méfiance face à tout contenu sur le Net susceptible de contenir un jump scare ou n’importe quel creepypasta. Je savais bien que Silent Hill était une série de jeu qui vaut le coup, donc je me disais vaguement qu’il faudrait que j’y joue un jour, mais dans mon aversion à me faire peur, je ne mettais pas vraiment d’énergie dans cette entreprise.

Et puis il y a quelque temps, lors d’une soirée un ami m’a proposé d’y jouer, chez lui, sur vidéoprojecteur. Au départ, j’étais plutôt réticent (« Va te faire foutre mec, y’a pas moyen que je joue à un Silent Hill ! ») mais le confort du vidéoprojecteur couplé au fait que j’étais bien bourré ont fini par me convaincre. Je me suis donc retrouvé dans la peau de James Sunderland.

Je vais être honnête : j’ai eu peur. La première heure de jeu, disons, j’étais terrifié par ce que je pouvais potentiellement trouver dans ce putain de bordel de saloperie de brouillard à la con, ou dans ces saloperies d’immeubles super mal éclairés de merde qui a eu l’idée de construire une ville pareille bon sang. Faut dire que c’est quand même l’un des intérêt du jeu, se faire peur, donc c’est la moindre des choses qu’il le réussisse. Au départ, c’était le fait d’ouvrir une porte pour soudain entendre la radio grésiller, signe que des monstres sont tout proches, qui me faisait flipper (plus bien sûr les monstres en eux-mêmes, puisqu’ils sont, effectivement, monstrueux). Et puis, au fil du temps, j’ai fini par m’habituer. J’avais toujours peur, mais plus de la même façon. Au lieu d’être tout tremblant à l’idée de croiser Pyramid Head et ses joyeux compagnons, je me suis plutôt laissé pénétrer par le malaise créé par une ville où rien ne fonctionne comme il le devrait, où tout est une déformation perverse de la réalité, tout existe pour tourmenter James et le joueur. Et j’ai adoré. Oh bon sang que j’ai adoré l’ambiance de cette ville, le frisson d’y être, la terreur qu’elle inspire, le travail d’orfèvre des concepteurs pour créer cette parcelle d’Enfer terrestre. Car Silent Hill 2 est une œuvre d’art du malsain, du tordu, révélant et exploitant la veulerie humaine la plus basse et ses tendances les plus crasseuses. Tout ce que j’aime en fait. J’étais juste trop intimidé par l’aspect « Bouh ça fait peur ! » pour m’intéresser à ce qu’il y avait derrière. Maintenant, j’ai très envie de jouer à d’autres Silent Hill (le 1 et le 3 m’ont été recommandés) pour prolonger l’expérience et même d’une manière générale, de découvrir d’autres œuvres d’horreur (BD notamment), car je me doute bien que toutes fonctionnent sur un principe similaire.

Aussi, tant que je suis à parler de la peur, un moyen que j’ai développé pour y résister ou tout du moins minimiser ses effets est un qui a fait ses preuves : le recours à la violence. Rien de tel pour oublier à quel point ce Lying Figure vous terrifie que de s’en approcher avec une planche cloutée en beuglant « CRÈVE, CHAROGNE, CRÈÈÈÈÈÈÈÈÈÈÈVE ! » Certes, ça défoule et ça utilise toute cette adrénaline que l’apparition du monstre a sécrété, mais se la jouer bourrin dans un survival horror, c’est le genre de dissonance qui peut ruiner l’immersion. Et même si comme je jouais en normal, j’avais des munitions et des soins comme s’il en pleuvait et que j’aurais probablement pu nettoyer la population restante de Silent Hill si j’avais voulu, quand je m’en suis rendu compte, je me suis calmé et j’ai joué de façon moins violente, plus calculée, acceptant le malaise et la peur plutôt que luttant contre pour une meilleure immersion.

D’ailleurs l’abondance de balles & soin m’a fait un peu regretter de jouer en normal. Sauf que quand mon ami m’a dit que les combats contre les boss sont beaucoup plus durs, voire chiants, en hard, je n’ai plus regretté. Parce que bon, même si le gameplay est bien, juste assez rigide pour mettre en stress en situation normale et que la gestion de la caméra est pas trop mauvaise, avec des angles de vue bien pensés dans les couloirs, dans les combats contre les boss, elle est ho-rrible. D’accord, ça colle avec le thème de la ville, mais bon sang, qu’est-ce que c’est chiant à jouer. L’apothéose est atteinte lors de l’avant-dernier combat, j’ai dû avoir le boss visible à l’écran à peine 50 % du temps ET MON PERSONNAGE À PEINE PLUS ! Sérieusement.

Autre chose qui m’a aidé à lutter contre la peur, mais pas seulement. Comme mentionnée précédemment, j’ai joué chez un ami, donc je n’étais jamais seul pour jouer. Forcément ça rassure et ça aide à ne pas trop flipper (j’insiste sur le « pas trop » parce que bon, hein, ça fait flipper malgré tout) mais surtout, partager cette expérience avec quelqu’un qui apprécie le jeu (mon ami l’avait déjà fini 4 fois, en le faisant jouer à d’autres personnes, je n’étais pas sa première victime) était en soi une expérience géniale. Je veux dire, hier soir, après avoir fini le jeu, on est resté plus d’une heure à discuter dessus, à regarder toutes les fins possibles, à discuter dessus encore, à visiter le wiki pour regarder le design et le concept des monstres, des trivias… Silent Hill 2 est un jeu qui vous happe et qui vous hante, c’est donc une bonne chose de se décharger de cette tension mentale en en discutant. La preuve que se déverser est nécessaire, ce que je suis en train d’écrire.

Un bref mot sur les fins aussi. Déjà le fait qu’il existe plusieurs fins mutuellement exclusives mais aucune d’officielle sert bien l’ambiance du jeu (moins son propos puisque chaque fin modifie l’interprétation de ce qui s’est passé avant, mais c’est un autre débat). Silent Hill est une ville basée sur l’illusion, voire même sur l’illusion d’une illusion, sur de multiples réalités qui se superposent (la dernière scène avec Angela est particulièrement explicite là-dessus et est d’ailleurs saisissante). Quoi de plus normal donc que la réalité du jeu branche à la fin pour devenir multiple. Après avoir vu toutes les fins, je n’en ai pas vraiment de préférée. Je dirais juste que les fins-blagues sont tellement stupides, c’en est délicieux. La fin « Rebirth » est intéressante, elle révèle des influences Lovecraftiennes par sa mention d’ « Anciens Dieux » de Silent Hill. Certes, tout le monde jusqu’au caniche de ta grand-mère est influencé par Lovecraft de nos jours, mais pour une ville qui au final reste incompréhensible, aux motifs indéchiffrables et terrifiante à cause de cela, rien de plus logique.

En parlant des motifs de Silent Hill : quels sont ils ? Attirer des pécheurs, apparemment, mais pourquoi faire ? Pour les punir (les tuer) ? Elle leur balance bien à la gueule un gros paquets d’abominations toutes plus létales les unes que les autres. Pour qu’ils expient leurs crimes/pêchés par la souffrance sans forcément les tuer ? Le sort d’Angela et celui (possible) de James peuvent le laisser à penser. Encore qu’ils peuvent rester prisonnier à jamais de leur souffrance sans jamais trouver le repos, qui est une punition au même titre que la mort. Il y a là tout un terreau à fanfictions que je me garderai bien de cultiver, mais c’est intéressant de voir qu’il est là.

Un dernier mot, sur la musique. Ça va aller très vite : putain de bon boulot de la part d’Akira Yamaoka. Des musiques par particulièrement flippantes, mais d’un pouvoir d’ambiance indiscutable, d’une mélancolie totale, parfaitement en accord avec les sentiments de James. Elle est très bien gérée aussi. Tout comme les bruitages d’ailleurs (avec mon ami, l’un des moments qui nous a le fait le plus flipper est un simple « James. » étouffé prononcé au bon moment dans le dernier niveau).

Bon, je crois que j’arrive au bout de ce que j’avais à dire et vu la taille de mon texte, c’est déjà pas mal. Je finis toujours mes critiques par ces mêmes mots, mais c’est bien parce qu’elles servent à ça : échanger sur des trucs qui valent le coup pour une multiplication des expériences. Donc : jouez à Silent Hill 2.

There was a hole in this wall. Now it is gone.
Arthur_Besson
10
Écrit par

Créée

le 11 janv. 2014

Critique lue 557 fois

6 j'aime

Arthur Besson

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