Silent Hill 3
7.8
Silent Hill 3

Jeu de KCET, Akira Yamaoka, Team Silent et Konami (2003PlayStation 2)

Moins profond mais plus violent, plus angoissant et plus exigeant

Après que Silent Hill 1 ait offert à sa console un survival-horror abouti techniquement au concept terriblement angoissant et que Silent Hill 2 en ait repris la formule pour y greffer une narration exemplaire et une ambiance incroyable, Kazuhide Nakazawa, chara-designer de SH 2 mais aussi de Shadow of Memories, avait fort à faire pour me convaincre d’aboutir à un titre à la hauteur de ses aînés pour sa première fois en tant que game-director. Voyons donc si les aventures d’Heather ont su valoir à mes yeux celles d’Harry et de James. Je vous propose l’écoute de Letter from the lost days pendant la lecture, ce n’est pas pas la musique la plus populaire de cette OST mais moi je l’aime beaucoup.



SCENARIO / NARRATION : 6 / 10



Si Silent Hill 2 était presque un spin-off quant à son scénario en développant une histoire dans Silent Hill mais sans lien véritable avec le premier épisode, Silent Hill 3 est une suite directe des mésaventures d’Harry Mason et mieux vaut les avoir vécues pour bien tout comprendre. C’est plutôt une chose intéressante en soi mais par contre ce choix s’accompagne d’un écueil inévitable : c’est de considérer arbitrairement l’une des fins du premier jeu comme officielle et d’écarter les autres. Ça m’est pas mal regrettable pour le coup vu tout le sens que l’on peut octroyer à telle ou telle fin par rapport à son interprétation personnelle de l’histoire, mais je comprends cette nécessité.


Pour la première fois dans la saga c’est une héroïne au féminin donc que l’on incarne, mais surtout c’est un personnage beaucoup plus expressif qu’Harry ou James qui étaient plus passifs je trouve. Heather est pleine d’assurance et s’énerve de ne rien comprendre à ce qui se passe comme le joueur, d’avoir l’impression de tourner en rond dans un labyrinthe comme le joueur, de se retrouver impuissante face à certaines situations tragiques comme le joueur... Je pense que plutôt que de nous laisser nous impliquer dans un personnage assez silencieux dont on doit imaginer les réactions, le scénariste Hiroyuki Owaku, qui occupait déjà ce rôle dans SH 2, a préféré changer un peu la formule avec cette héroïne et j’apprécie plutôt ce changement qui se prête bien au jeu, même si le côté taciturne de James notamment était pleinement justifié dans le deuxième opus.


En revanche, les pointes d’humour qu’elle peut lâcher de façon ultra-désinvolte sont plutôt efficaces pour être honnête mais je les trouve hors-sujet vu l’ambiance du titre, j’ai un peu plus de mal avec ça d’autant que là il y avait moyen de raconter une histoire très sombre et mature autour de ce personnage. Un autre parti pris du jeu c’est qu’il y a moins d’interprétation en règle générale au profit d’explications plus détaillées qui m’ont un peu surpris pour la série qui jusque là expliquait peu explicitement et demandait de prêter attention aux décors, aux animations, aux notes... pour les mettre en lien et faire presque sa propre histoire.


Là, les choses sont beaucoup plus expliquées directement dans les cinématiques de la trame principale, seul un dialogue met le doute et pourrait remettre en cause tout ça mais c’est pas grand chose et je pense même que c’est un petit troll des développeurs. J’ai trouvé le prétexte de l’intrigue de la première moitié du jeu assez peu évident et ça m’a même paru pas très cohérent à certains moments, ça prendrait son sens avec une toute autre explication du scénario mais j’ai du mal à y croire. Des révélations à la moitié du jeu arrivent avec efficacité et ont pleinement relancé mon intérêt mais elles ne sont pas très bien amenées donc même-là ça a du mal à me satisfaire.


L’une des théories veut que la révélation de Vincent, qu’il prétend n’être qu’une plaisanterie juste après, sur le fait que les monstres que l’on tue depuis le début soit en fait des êtres humains me semble rentrer en contradiction avec trop de choix esthétiques tout au long du jeu et de la fin normale très légère pour s’avérer exacte. Ça aurait été une excellente idée mais je pense qu’il aurait fallu beaucoup plus de cohérence de la même manière que pour Silent Hill 2 afin de valider cette hypothèse mais si elle s’avère exacte, pour moi elle a été mal narrée.


La fin est plutôt bonne mais pas formidable, sa dimension multiple est très forcée et les conditions pour les débloquer sont très en deçà de ce que la série a fait jusque là, en particulier le deuxième épisode. Je suis assez déçu par l’idée de base de l’intrigue que je trouve géniale et finalement le peu de choses qui en est fait. Il y a plusieurs bonnes scènes, l’intrigue a captivité mon intérêt au bout d’un moment donc c’est pas mal du tout mais je reste sur ma faim et c’est malheureusement la première fois que ça m’arrive devant un Silent Hill qui jusque-là réussissait très bien, voire extra-ordinairement bien, sa dimension narrative. Heureusement, le jeu se rattrape très bien sur le reste.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 9 / 10



J’adore la cinématique d’introduction du premier Silent Hill qui fait partie de mes introductions préférées, j’apprécie celle du deuxième épisode qui m’a tout de même moins marqué, mais alors la cinématique d’introduction de ce Silent Hill 3 ne m’a pas du tout plus. Je la trouve très étrange avec une musique qui semble n’avoir rien à faire là et sans véritablement d’intérêt quant à son degré de relecture une fois le jeu fini. J’ai été très étonné de l’apprendre aussi populaire, moi je ne l’aime pas du tout mais pour ce qui est de la réalisation, de l’ambiance... c’est bien la seule chose qui ne m’a pas convaincu en fait parce que le reste est juste formidable.


Le jeu est bien plus solide graphiquement que son aîné qui n’est apparu qu’au début de vie de la Playstation 2, l’évolution en seulement 2 ans est très nette (niveau de détails, effets de lumière...), à tel point que la plupart des cinématiques sont faites avec le moteur du jeu plutôt qu’en images de synthèse et j’ai été bluffé par ce rendu. L’animation faciale durant les cinématiques, particulièrement sur Heather, est très détaillée pour un jeu PS2 et le jeu l’exploite plus d’une fois, pour un jeu de 2003 c’est assez impressionnant. Ces cinématiques prennent d’ailleurs en compte le changement de costume de notre personnage apparu dans cet épisode, rien de révolutionnaire mais j’aime bien ce soin du détail.


Les environnements sont plus diversifiés que d’habitude et bien que certains pourraient sembler étranges sur le papier dans un Silent Hill, j’ai trouvé que ça allait bien avec l’ambiance cauchemardesque du titre notamment grâce au retour en force du monde alterné, assez en retrait dans le deuxième épisode, qui est ici une source d’angoisse que je pense jamais atteint dans la saga à ce moment-là. Si un Silent Hill ne devait être jugé que sur son angoisse et sa violence, c’est ce troisième épisode qui m’a le plus convaincu de cette saga pourtant bien effrayante en règle générale.


L’hôpital alterné est mon passage préféré du jeu car son environnement, bien qu’il soit déjà vu regorge d’idées ultra-intéressantes visuellement et la scène du miroir m’a traumatisé sur le coup et laissé très pensif par la suite à tel point que rien qu’avec cette scène on peut y voir plein de choses au niveau du scénario juste en observant le décor, comme ça aurait pu être le cas par exemple dans un Silent Hill 2. Finalement le scénario ne l’exploite pas du tout et c’est bien dommage mais ce passage reste mémorable et c’est l’esthétisme et l’ambiance qui s’en dégagent qui en constituent la source.


Des aspects techniques bluffants et une ambiance cauchemardesque à souhait sont donc au rendez-vous, c’était déjà le cas dans les épisodes précédents, ça l’est encore avec ce Silent Hill 3 qui assume clairement son héritage sur ce point, à l’exception de l’intro en ce qui me concerne mais il semblerait que ce soit très personnel pour le coup vu sa popularité ne serait-ce que sur ce site, mais s’il est dans la continuité sur ce point, il ne l’est pas forcément sur son gameplay sans que ça soit une mauvaise chose.



GAMEPLAY / CONTENU : 9 / 10



Si Silent Hill 2 prenait son temps avant de multiplier les ennemis, environnements terrifiants et situations de jeux délicates sans jamais être très difficiles, Silent Hill 3 démarre directement avec plein d’ennemis rapides et dangereux dans une ambiance cauchemardesque sans mauvais jeu de mot. L’état d’esprit du jeu est donné, plus gore et plus difficile, ce n’est pas une suite au premier opus seulement sur un plan scénaristique, ça l’est aussi sur un plan spirituel et c’est pas plus mal. Le gameplay arrive à maturité et la plupart des joueurs ont déjà joué à un Silent Hill avant celui-ci donc accroître le challenge me semble pertinent d’autant qu’il reste le mode facile pour les moins courageux et même un mode encore plus facile si on crève trop souvent.


Cet épisode est plus difficile également pour les nerfs car même sur Playstation 1 on avait le temps de respirer un peu entre deux donjons alors que là ça s’enchaîne très vite sans possibilité de se balader librement dans un environnement relativement tranquille pour y récolter des ressources et se reposer un peu mentalement. Là le jeu prive dès le début le joueur de cette possibilité, ce qui a pour conséquence d’en accroître évidemment le rythme mais surtout l’aspect anxiogène qui ne lâche jamais le joueur bien longtemps.


Beaucoup de bonnes idées sont reprises telles quelles de Silent Hill 2 (plusieurs niveaux de difficulté distincts pour les combats et les énigmes, des contrôles 2D ou 3D, regard du personnage pour indiquer un objet à ramasser...) et contrairement à lui il n’y a pas une génération de différence avec son prédécesseur donc pour moi ce n’est pas un problème qu’il n’innove pas trop. D’autant qu’il y a des améliorations ici et là propres à ce troisième opus avec un gilet pare-balles qui protège mieux mais ralentit, des moyens de distraire l’attention des ennemis, trois catégories différentes pour l’inventaire, plus de bonus pour motiver la rejouabilité...


On a plus d’armes pour faire face à toutes ces atrocités et même le corps-à-corps a été enrichi. Là où il était injouable de prendre plusieurs ennemis au corps-à-corps simultanément par le passé, ici une arme le permet une fois maîtrisée, ce qui permet d’économiser des munitions très précieuses car si les armes et les ennemis ont augmenté, les munitions ne sont pas très nombreuses. C’est ce qui garantit pour moi que le tournant action de la saga avec cet épisode ne se fait pas sans rester ancré dans une expérience survival-horror intense et véritable.


Les boss font partie des plus intéressants de la saga également en se protégeant des attaques de face, en évitant de se faire enchaîner... pas moyen de les passer sans être un peu technique et ça fait du bien parce que les boss des précédents Silent Hill étaient vraiment trop faciles pour la plupart ou trop axés sur le bourrinage. Un tout petit écueil de la difficulté c’est les salles bourrées d’ennemis mais sans aucune récompenses, pas convaincu de l’intérêt. En dehors de ça, franchement le gameplay marche très bien en étant plus riche que jamais et le challenge est là sans devenir injuste, je ne m’attendais pas à bien aimer cet aspect-là à ce point.



CONCLUSION : 8 / 10



Déçu par le scénario qui a nourri des attentes qui resteront justement des attentes mais il y a tout de même d’excellentes idées et surtout l’expérience horrifique est d’une intensité proprement hallucinante autant par l’ambiance que par le gameplay et rien que pour ça Silent Hill 3 est un mastodonte du genre même en comparaison des autres épisodes de la saga. Il faut simplement savoir à quoi s’attendre et accepter de ne pas jouer à la suite de Silent Hill 2 comme pourrait laisser penser son titre.

Créée

le 14 juil. 2017

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damon8671

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