Au début des années 2000, une de mes activités préférées d'écolier de village landais était de traîner en forêt. Le reste du temps, une autre de mes activités préférées était de traîner toujours, mais dans des jeux Playstation invivables que je ne comprenais qu'à moitié.
Ainsi, c'est après avoir subtilisé à un cousin peu soigneux de ses affaires le troisième épisode de la série que je me suis fadé un certain nombre de fois la trilogie Spyro.

Pour les trois du fond qui se seraient contentés d'une Game Boy à l'époque où l'arrivée de la 3D crevait nos écrans, Spyro, c'est un jeu de plateforme de type collectathon (comprenez "demander au joueur de ramasser plein de trucs pour lui faire croire que le jeu est bien rempli et que le level design est bien pensé").
On y contrôle un dragon violet et rachitique qui doit planer de royaume en royaume pour y cramer les miches de bestioles mal dégrossies qui l'empêchent de poser ses RTT.

Le mot Remastered, c'est à la base un truc qui ne me chatouille pas plus que ça la gâchette.
Aussi quand Spyro : Reignited Trilogy est sorti, il y a bientôt deux ans, j'ai dû l'accueillir par un "ah cool" endormi avant de retourner me touiller l'âme dans Dieu sait quel jeu narratif pour branlos arty.
Mais bon, en ce début d'année, je l'avais sous les yeux, il traînait sur Steam, j'avais envie de stream une aventure suivie (abonnez-vous) et, croyez-le ou non, j'avais surtout envie d'un jeu de plateforme réconfortant. L'expérience allait me dire si le jeu tenait toujours la route et si la nostalgie landaise me ferait pardonner les maladresses que j'y pourrais croiser.

Techniquement et à première vue, le jeu est assez impeccable. Malgré des temps de chargements parfois longs et quelques instabilités, il faut avouer que le jeu est beau, que les niveaux sont joliment réalisés et que les palettes sont plaisantes.
Les thèmes composés à l'époque par Steward Copeland sont toujours accrocheurs mais leurs remix se contentent de coller aux originaux.
La conception sonore est claire et la spatialisation assez impeccable.
Malheureusement, il n'y a pas que les gemmes qui chatoient dans Spyro.
Tout brille trop.
Tout est trop lisse et brillant, et il devient parfois impossible de faire la différence entre un collectible et un élément de décor.

Ce qui faisait pour moi le charme de Spyro, c'était surtout ces palettes grises et vertes, un peu crades, un peu marécageuses et métalliques, et cette impression de crapahuter dans des mondes magiques et inconnus. Ici, j'ai juste eu l'impression de me balader dans un spin-off de Skylanders diffusé sur Gulli pendant trente heures.
Le nouveau chara-design quitte l'aspect cartoon pour un autre fade et lisse, et la localisation française est complètement à la masse ; les voix sont monocordes et ne caractérisent plus avec autant de justesse et de drôlerie les personnages.
On voyait, dans la trilogie originale, une bouillie de pixel parler comme un bonze, on se disait "ah c'est un bonze" et c'était caricatural, mais drôle.
Maintenant, on voit une biquette parler comme un concessionnaire automobile au milieu des Alpes, on se demande ce qu'elle fout là et on est à deux doigts de se poser la même question pour soi.
La série d'origine semblait porter en elle un humour poil à gratter qui trouvait en partie son sel dans l'aspect minimaliste des personnages principaux, dont les réactions étaient lisibles malgré un minimum d'animations (je pense notamment aux sourcils de Spyro, qui lui donnaient une palette d'émotions hilarantes).
Ici, rien ne transpire sinon le joueur, les gags en 4K 1080p tombent tous à plat, les angles des cinématiques sont mous. du. cul.

La caméra, parlons-en.
Elle fait sa vie, refuse de se tourner vers le haut, oblige constamment le joueur à utiliser la vue subjective d'une pression de bouton.
Dans un jeu de plateforme vertical de type collectathon dans lequel on doit faire gaffe à son environnement le plus proche, s'imposer une vue subjective qui resserre la vision et immobilise le personnage toutes les trente secondes, c'est infernal.

Le nouveau moteur de jeu rend les contrôles moins pointus, voire approximatifs (hommage au mini-jeu de skateboard complètement salopé) :
Le saut est mou, la charge est molle, le saut après une charge est mou et re-mou...
Dans un jeu dont le core gameplay repose sur ces deux mécaniques, être obligé de s'y reprendre à plusieurs fois si l'on veut exécuter une action aussi rapidement qu'on aurait pu le faire sur Playstation relève du mauvais gag.
Seul phare dans la molle nuit de ce Remastered : les gameplay alternatifs des six personnages jouables de Spyro : Year of the Dragon sont toujours aussi fumés et mal branlés.
Mention spéciale aux niveaux rail-shooter de l'Agent 9, qui sont presque devenus agréables.

Le level design n'a pas changé, il est le plus souvent simple et agréable à parcourir. Les phases de plateforme sont rarement exigeantes et les vrais sauts au poil de derche se comptent sur ces derniers.
Des niveaux labyrinthiques de Spyro the Dragon aux niveaux plus structurés des deux suivants, le voyage est profitable, même s'il arrive que le deuxième épisode, Gateway to Glimmer, souffre mal la comparaison ; la différence de qualité entre ses niveaux mais surtout ses mini-jeux obsolètes rendent l'exploration désagréable.
Si Spyro : Year of the Dragon ne nous inflige plus sur la durée autant de maladresses de conception, certains niveaux font grincer des dents par l'absence de raccourcis.
Les boss, eux, sont clairement tous éclatés.
Spyro n'est pas pensé pour s'infliger des combats à rallonge, et les boss des deux derniers jeux le font sentir.
Au moins, les boss du premier épisode ne s'encombraient pas de patterns, d'armes spéciales ou de points de vie pour faire comme les grands.
Tu fonces et tu casses tout : voilà la force du jeu.
La fausse diversification de gameplay, les mini-missions et toutes ces astuces qui rallongent la durée de vie d'un niveau et que je ne garde en mémoire que pour leur difficulté et leur artificialité m'ont souvent sorti du jeu, et parfois de mes gonds.

Quitte à faire un Remastered, pourquoi avoir gardé de telles rigidités sur le contrôle des niveaux de course et des véhicules ?
Pourquoi ne pas avoir actualisé ces mécaniques désuètes qui ne sont que souffrance pour les gens qui ont envie de s'amuser et de cracher du feu sur des éléments du décor pour voir s'ils brûlent ?
Spyro : Reignited Trilogy est plus rond, plus lent, plus fade, plus lisse, plus uniforme que le matériau de base. Il met en lumière (mais dans une belle lumière, satinée, dorée sur tranche) les mécaniques claquées au sol des platformers 3D des 90's, ceux dans lesquels difficulté rime avec saut au pixel, cachettes secrètes dans les murs et mini-jeux bêtes et méchants.
Les vases qui disparaissent quand on les frappe et font faire tout le niveau à l'envers pour vingt pesetas, ça n'amuse personne. Les coffres à clefs qui ne forcent pas l'exploration et laissent profiter de la conception du niveau et de son humour, c'est amusant, on peut le garder.
Le reste, c'est relou, c'était plus la peine.

MathieuAubry
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le 5 févr. 2023

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Zeph' Hareng

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