Souvenez-vous, une vive polémique est apparue lors de la sortie de Battlefront II concernant son système de microtransactions. Véritable fléau du monde vidéoludique, les microtransactions correspondent à une pratique honteuse qui permettent de gagner plus rapidement des éléments virtuels avec de l’argent bien réel. Dans le cas de Battlefront II, le gain de ces éléments en jouant simplement au jeu était si long et fastidieux que les microtransactions s’imposaient comme une étape incontournable pour incarner nos héros préférés. Mais voilà, à cause de cette mentalité Electronic Arts a non seulement subis une très mauvaise publicité, mais a aussi subis les foudres de certains gouvernements qui estimaient que son système de microtransactions s’apparentait à un casino qui piégeait les joueurs tel un véritable jeu d’argent.


Dans la foulée, Electronic Arts a également affirmé que l’avenir du jeu vidéo résidait dans les jeux multi-joueurs tandis que les jeux vidéo solos n’avaient plus rien à offrir. Une affirmation maintenue en dépit du succès de certains grands jeux solos comme God of War, Death Stranding, Spider-Man, Sekiro, ou encore Red Dead Redemption II. Retournement de veste donc, car le studio propose enfin à la licence Star Wars un jeu solo : Jedi Fallen Order. De quoi faire à nouveau mentir EA ?



Le Joker s’est calmé



La franchise a déjà connu de belles percées vidéoludiques. En effet, on sait grâce à d’illustres représentants que le jeu vidéo est parfaitement capable d’embrasser l’univers imaginé par George Lucas afin d’en faire l’éloge. En guise d’exemples, il est aisé de penser à Rogue Squadron qui a redéfini les jeux de simulateur de vol, le Pouvoir de la Force qui nous met dans la peau d’un Sith surpuissant, ou encore le populaire Knight of the Republic pour des raisons évidentes. Mais concernant l’œuvre qui nous intéresse, il est question de savoir si elle restitue également tout l’ADN de Star Wars à travers ses sensations, ses bruits, et tous ces éléments qui font que l’on aime cet univers incroyablement original, dense, et complexe.


Jedi Fallen Order prend sa place entre la chute de l’Ordre des Jedi et l’avènement de l’Empire et s’intègre donc parfaitement à la chronologie Star Wars entre l’épisode III et IV. Dans cette époque tourmentée, nous incarnons Cal Kestis (interprété par l’acteur Cameron Monaghan grâce à la motion capture) , un jeune Jedi qui vit désormais dans la clandestinité après avoir survécu à l’Ordre 66 décrété par l’Empereur Palpatine. A cause de la purge des Jedi, Cal s’est reconverti en ferrailleur et dissimule sa véritable identité en espérant que l’Empire ne le débusque pas. Si le contexte de l’intrigue a de quoi être accrocheur, il s’avère que l’ensemble de l’écriture du jeu est un peu plus schizophrène. En effet, la plupart des personnages et Cal lui-même ne gagnent en charisme que lors de rebondissements qui surviennent entre de longues sessions mollassonnes. Dans une même idée, Cal est souvent un personnage pâlot au point que les différents antagonistes du jeu lui volent régulièrement la vedette avec une histoire plus passionnante. Nous ne sommes finalement qu’en présence d’un personnage qui s’apparente énormément à Luke Skywalker, car comme ce personnage emblématique de l’univers Cal n’est finalement qu’un infime espoir caché, mais destiné à défier l’Empire alors qu’absolument tout le rend perdant d’avance. Une fâcheuse impression de recyclage donc, doublée d’un personnage qui témoigne d’une incapacité presque constante à faire véhiculer des émotions et qui peine à susciter l’attachement.


Malgré ces quelques défaillances, Jedi Fallen Order a un sens de l’épique parfois ébouriffant. Le scénario simpliste à première vue progresse lentement mais surement afin de gagner en profondeur et en intensité. Certes, il y a toujours ces longs moments plats à franchir avant d’atteindre un rebondissement qui décroche la mâchoire, mais dans l’ensemble Jedi Fallen Order n’arrête jamais de faire évoluer sa narration. On commence avec une narration bien trop simple et classique, puis on acquiert au fil du temps une histoire qui se construit brillamment avec ce que la trilogie originale et la prélogie lui donnent et avec ce que Jedi Fallen Order peut apporter à toute la saga culte. Vieilles références et nouvelles trouvailles sont au programme dans la quête intrigante de ce jeune Jedi. Assurément, c’est une volonté de surprendre le fan et d’enrichir la saga que l’on aurait bien aimé trouver dans la dernière trilogie made in Disney au cinéma.



Vers l’infini et l’au-delà



Durant son long périple, Cal va avoir l’occasion de se rendre sur des planètes plus intrigantes les unes des autres. L’aventure prend de l’ampleur et pousse au maximum son potentiel artistique à travers la biodiversité et le charme de ses planètes. On ne regrettera jamais assez combien Star Wars pouvait jadis faire voyager et être doué dans la création de mondes originaux. Jedi Fallen Order renoue avec ces principes initiaux car chaque planète se veut unique et dégage de la magnificence. Que ce soit la planète méconnue de Dathomir aussi hostile que merveilleuse, l’exploration des sites impériaux qui exploitent les ressources de planètes luxuriantes comme celle de Kashyyyk, ou encore des planètes où des temples anciens énigmatiques et des épaves de vaisseaux gigantesques se partagent la vue. Le fait est que le sentiment d’immensité vertigineuse est une partie omniprésente au sein de l’histoire de Jedi Fallen Order.


Au-delà du souffle épique qui s’impose tout au long de nos explorations, notre aventure est magnifiée par les musiques. Les symphonies qui accompagnent progressivement notre parcours s’immiscent en profondeur et en intensité lors de chaque admiration de paysage. De même, le design sonore se veut fidèle à la trilogie originale. On pense évidemment au sabre laser et à la façon dont l’arme se dégaine jusqu’au choc contre nos adversaires. Il y a aussi des friandises auditives très appréciables, comme la façon dont notre compagnon robotique BD-1 est accompagné de bruitages réussis, ou encore les parades et les renvois des tirs de blasters de l’Empire. Tous ces éléments participent à l’immersion de nos explorations, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est très plaisant de retrouver ce sentiment d’émerveillement durant nos balades musclées sur des planètes pour la plupart inconnues et nouvelles.



Jedi of War



Jedi Fallen Order correspond aussi à une lourde drague de plusieurs jeux appréciés par la critique et par les joueurs afin de s’en inspirer sans remords et sans honte. Pour cette raison, il est fort possible que certains éléments de gameplay rappellent Dark Souls, God of War, ou encore Uncharted. Respawn (l’équipe derrière le jeu) clone donc ces concurrents et puise allégrement dans l’expertise de ces jeux saisissants. C’est notamment le cas du système de parcours qui n’est ni plus ni moins qu’un clonage de la façon de faire de la licence Uncharted.


On évoquait plus haut le pouvoir des décors, la façon dont ils sont capables de nous faire ressentir des émotions fortes. Vous serez heureux d’apprendre qu’à l’instar de Dark Souls ou de God of War, ces zones ont plusieurs vies d’explorations pour décupler encore davantage la sidération de certains décors. En effet, vos planètes ne peuvent pas être explorées entièrement en une seule fois, car certaines parties ne sont pas accessibles et réclament l’acquisition d’un nouveau pouvoir pour y accéder. L’architecture des planètes se transforment donc en immense rubik’s cubes qui ne veut que nous apporter le plaisir de revenir sur des lieux déjà visités pour en découvrir de nouveaux éléments.


En termes de combats, le jeu reprend aussi les mécaniques de God of War et de Dark Souls. Pensez-y, la plupart des joueurs accordent le statut de « Souls-like » sous prétexte qu’un jeu est difficile. Toutefois, le fait est que Dark Souls ce n’est pas que la difficulté, c’est aussi des mécaniques indémodables de gameplay. Certes, si la difficulté maximale vous fera sans doute cracher du sang, le principe de l’inspiration de Dark Souls et de God of War réside dans les combats de Jedi Fallen Order. Le jeu reprend l’idée des combats présentés sous la forme d’une arène illusoire, mais bien présente, qui oblige le joueur à adopter des attitudes organisationnelles pour sortir vainqueur d’un rude combat. Il est impératif pour le joueur de jauger ses attaques, de calculer quel adversaire vaincre en premier, et de maitriser les aptitudes d’esquives et d’attaques opportunes. C’est au final la base du gameplay d’un Dark Souls, et Jedi Fallen Order s’en inspire merveilleusement bien notamment lors des duels avec les différents boss de l’aventure.



Les plaisirs simples de la Force



Un défi de taille lors de la création d’un jeu Star Wars comme celui-ci réside dans l’agencement terriblement complexe des actions du héros incarné. Star Wars le Pouvoir de la Force était lui aussi un jeu qui se déroulait entre l’épisode III et l’épisode IV, sauf que notre personnage possédait une puissance incroyable que l’on ressentait énormément lors du gameplay. Néanmoins, ce jeu avait réussi à créer un avatar suffisamment léger pour garantir une bonne fluidité des combats tout en étant suffisamment lourd pour ressentir toute la puissance des coups et des chocs que nous donnions ou que nous recevions. Dans le cas de Jedi Fallen Order, il s’avère malheureusement que la mollesse des mécaniques est à l’image du personnage que nous incarnons. Au fil de nos sessions, Jedi Fallen Order montre ses limites et prouve qu’il n’a pas réussi à trouver la formule du parfait avatar pour ce type de jeu. On subit régulièrement un déséquilibre fâcheux car soit Cal est d’une rapidité ahurissante lors des séquences d’escalade, soit les affrontements sont malmenés par une certaine lenteur la faute à un pas trop mollasson et très incertain. Plus simplement, le jeu ne parvient pas à trouver l’équilibre juste entre rigidité et fluidité, et c’est le rythme des combats qui en paye le prix fort.


Cela dit, malgré quelques lacunes parfois handicapantes Jedi Fallen Order est très souvent jouissif. Une fois quelques nouveaux pouvoirs en notre possession, on peut enfin vivre le bonheur simple de détruire du stormtroopers. C’est véritablement amusant à la rencontre d’un groupe ennemi d’avoir à disposition une large quantité d’offres pour mener la vie dure aux troupes de l’Empire. Nous pouvons arrêter le temps et nous en prendre à un ennemi de ce fait vulnérable, renvoyer un tir de roquette sur un groupe ennemi, transformer un trooper en véritable sashimis, ou encore utiliser la répulsion de Force pour que nos adversaires fassent le grand saut idéalement dans une cuve nocive. Le fait est que Jedi Fallen Order procure vraiment un plaisir simple de massacre gratuit, et cela au point de basculer régulièrement vers le côté obscur de la Force durant nos tueries de masse. Rarement en position de faiblesse, le jeu est toutefois parsemé de secrets et cache un bestiaire qui pourra cependant facilement inverser les rôles et se montrer très cruel pour plus de challenge.



Un Nouvel Espoir



Avant de faire une conclusion de Jedi Fallen Order, il est important de rappeler le nom d’un regretté disparu : Star Wars 1313. Un projet de jeu vidéo d'action du studio LucasArts dont le développement fut suspendu à la suite de la fermeture du studio et qui devait nous permettre d’incarner un chasseur de prime. Un jeu intrigant et prometteur auquel nous ne jouerons sans doute jamais, à moins que Jedi Fallen Order ne procure une prise de conscience.


Loin des récentes productions Star Wars que ce soit dans l’univers cinématographique ou vidéoludique, le fait est que Jedi Fallen Order est un jeu admirable qui se veut respectueux de la trilogie originale tout en offrant de nouveaux éléments. Certes, le jeu n’est pas sans défauts mais il correspond à un effort salutaire en proposant pour la première fois depuis longtemps un jeu solo Star Wars. Malgré un académisme prononcé, le jeu est assurément sympathique, parfois impressionnant, et souvent jubilatoire.

Créée

le 28 avr. 2020

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Death Watch

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