Stasis
6.8
Stasis

Jeu de The Brotherhood (2015PC)

L'histoire horrible et quelconque de John Maracheck

Durant les mois précédant sa sortie, Stasis ne me tentait guère. Rien dans ce que j'en voyais ne m'enchantait plus que ça et je n'étais pas beaucoup plus charmé par les dires et la personnalité d'un de ses principaux créateurs, qui a cependant le bon gout de trainer ses guêtres sur RPG codex. Puis Stasis sortit, et l'internet s'enthousiasma ; même le codex, le oh si critique codex, s'enflamma pour ce qu'on présentait presque comme le nouveau Sanitarium. Fidèle à l'esprit philosophique, je mettais alors mes préjugés de coté et m'essayait à ce Point'n Click. Au final, Stasis est un jeu bourré de défauts, clairement surestimé, mais pas nul pour autant. Car derrière les clichés et la banalité se cachent quelques vraies qualités. Ces qualités, je m'en fais le devoir de vous les exposer, mais vous n'échapperez pas pour autant à de longs développements sur la nature des problèmes gâtant l'expérience. Venez vite découvrir toutes ces merveilles dans cette superbe critique en trois parties !


NIVEAU HISTOIRE ET ÉCRITURE : C'EST NAZE MAIS PAS MAL QUAND MÊME


L'écriture est inégale. Elle n'est jamais ni virtuose ni originale, mais alors que les poncifs qu'elle ressasse sont ridicules lors des dialogues (qui ne sont pas si nombreux cependant), ils sont beaucoup plus supportables dans les textes écrits (les comptes rendus dans les pda et les mails principalement). Ces derniers sont même très plaisants à lire. Je les considère à vrai dire comme la principale source d'amusement du jeu. On s'intéresse à ce qu'il s'est passé, aux relations entre les personnages, à leur façon de gérer les évènements survenus. Je crois que ce qui me les a rendus aussi appréciables, ce sont leurs multiples petites idiosyncrasies. J'ai beaucoup aimé par exemple la minutieuse attention portée à la sexualité des femmes de l'équipage, souvent plus ou moins nymphomanes. Je suis aussi sûr que le fait que la seule féministe soit très antipathique alors que la religieuse est ce qui s'approche le plus d'un personnage positif aurait plu à Anita. Enfin, certains personnages sont vraiment touchants. À titre personnel, je me suis senti très proche du docteur Backman, mais presque tous sont sympathiques d'une manière ou d'une autre.


L'histoire, quant à elle, n'est guère passionnante. Il me parait difficile d'écrire quelque chose de plus rebattu. Le seul point qui la distingue est sa fin, plus noire qu'à l'accoutumée. La façon dont elle est narrée est elle aussi d'une confondante banalité : l'essentiel des évènements se sont déroulés avant notre arrivée, et on les découvre par l'intermédiaire d'archives, comme dans Amnésia et les 40 millions autres jeux de ce type.
Au-delà de son manque d’originalité, le problème de ce type de narration, c’est qu’elle tend à rendre l'expérience plate. Pendant 90% du jeu, on ne fait qu'une seule chose : essayer de se rendre au point Y pour trouver sa fille. L'essentiel de l'aventure consiste de la sorte à se frayer un chemin en outrepassant des obstacles environnementaux peu trépidants. Aucune péripétie ne sera plus excitante que "cette route est bloquée par un gros caillou, il faut trouver un autre moyen pour avancer". Durant ces 90%, les actions de notre personnage n'auront aucune importance scénaristique et il ne sera pas témoin de quoi que ce soit de significatif. Ceci a un impact très fort sur la façon de vivre le jeu et de s'en souvenir. J'ai presque joué 10 heures à Stasis. C’est long 10 heures. Pourtant, j'ai l'impression d'avoir vécu quelque chose de très bref, de très sommaire ; quelque chose qui aurait pu aussi bien être raconté en quelques minutes.


NIVEAU VISUEL ET AUDIO : C'EST RÉUSSI MAIS FADASSE


Visuellement, le rendu est chouette. On sent bien que le gars est doué. Les décors sont très bien modélisés, les animations sont bien faites. Vu le budget, relativement modeste il me semble, le résultat est techniquement spectaculaire. On dirait vraiment un jeu AAA des années 90. Et puis, il y a le plaisir de revoir surgir ce style graphique qui avait presque disparu. Du coup, c'est dommage que ces prouesses techniques soient au service de graphismes aussi peu inspirés. Car les visuels sont ennuyeux. À part le choix du rendu, il n'y a rien d'intéressant à regarder. C'est juste un autre vaisseau spatial idiot.


Au niveau de l'audio, pas grand-chose de marquant. Il y a un cri féminin strident qui revient très régulièrement. Il marche plutôt bien la première fois, moins la cinquième, ce qui n'est pas plus mal vu que ça rend le jeu jouable par un gros trouillard dans mon genre. Les musiques quant à elles sont très convenues dans leur composition et grossières dans leur usage - à l'image du reste du jeu, notez.


NIVEAU GAMEPLAY : C'EST NUL MAIS PAS TROP PÉNIBLE


Les énigmes ne sont pas satisfaisantes. Comme souvent avec ces jeux d'aventure modernes faits par des gens n'appréciant pas le genre au-delà des possibilités narratives qu'il offre, elles sont simplistes au possible. On a peu d'objets dans l'inventaire, il y a peu d'éléments avec lesquels on peut interagir, et les solutions sont "logiques" (ce qui plait généralement aux critiques), c'est-à-dire qu'elles impliquent des actions à la fois peu complexes et évidentes (du moins, dans la plupart des cas).


Pour autant, le jeu n'est pas forcément facile. Il y a deux sources de difficulté.


La première et la principale, c'est qu'on ne remarque parfois pas les objets à récupérer ou les éléments avec lesquels on peut interagir. Le rendu graphique, bien qu'agréable à regarder, est mal adapté à un jeu d'aventure où il est très problématique de passer à côté de quelque chose. Or, la combinaison d'une vue isométrique éloignée, de visuels ultra-détaillés et d'une pénombre permanente fait qu'il est difficile d'identifier ce qui importe au niveau du gameplay. Certains objets sont signalés par une petite lumière, mais celle-ci est parfois assez faible, et certains items n'en bénéficient de toute façon pas. Un marquage bourrin à la Daedalic m'aurait plus convenu.


La seconde source de difficulté, c'est que le jeu ne donne que très peu d'informations sur les caractéristiques des objets que l'on récupère. Souvent, c'est évident, parfois ça ne l'est pas. Heureusement, ce n'est pas un grave problème, car il y a très peu d'objets à ramasser et très peu d'éléments avec lesquels interagir. Stasis est un jeu d'aventure que l'on peut « forcebruter » rapidement en cas de blocage.


Un dernier souci : il m'est arrivé régulièrement de ne pas piger à priori l'utilité de mes actions. Ce n'est pas réellement une source de difficulté car, là encore, le faible nombre d'éléments à prendre en compte couplé à une méta-connaissance sur le fonctionnement des jeux d'aventure fait qu'il est facile de comprendre ce que le jeu attend de nous. Il n'empêche que cela contribue à rendre l'expérience moins immersive.


Pour conclure, je me suis plutôt amusé devant Stasis. Aucun des défauts n'est vraiment rébarbatif, et à l'inverse, ses quelques qualités sont accrocheuses. Ceci étant, si vous cherchez un jeu d'aventure horrifique, je vous conseillerais plutôt Fran Bow.

GéhenneFleurie
5
Écrit par

Créée

le 14 oct. 2015

Critique lue 417 fois

GéhenneFleurie

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