Une proposition immersive qui finit par prendre l’eau

Principalement connu pour son travail sur la saga Natural Selection, Unknown Worlds, petit studio indé américain, proposa une expérience très différente de ses productions habituelles à la fin des années 2010 avec un jeu de survie et d’exploration en milieu subaquatique : Subnautica. Bénéficiant d’un long développement comprenant 3 ans d’accès anticipé pendant lesquels le studio y était intégralement dédié, l’ambition affichée est grande et saluée par la critique. Pour information, j’ai joué au jeu pour la première fois sur PC plus de 2 ans après sa sortie dans sa version finale commercialisée, c’est donc de cette version dont je vais parler, pas de celle durant son early access.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★☆☆☆☆



Subnautica est clairement un jeu avec un budget limité pour rendre un environnement immense et tout en 3D, il va donc il y a voir un problème : les compromis techniques. J’ai joué au jeu sur PC dans les meilleures conditions possibles et malgré cela la distance d’affichage était perfectible avec plein de textures et éclairages qui apparaissent à 50 mètres d’un large horizon, j’ai eu pas mal de bugs visuels assez grossiers avec des créatures qui passent régulièrement à travers des parois et des morceaux de décors entiers qui clignotent, j’ai rencontré de très gros freezes lors de certains passages, j’ai été un peu choqué par l’austérité de certaines animations ou leur absence, je suis tombé sur pas mal de textures très peu détaillées… et ce n’est pourtant rien face aux versions consoles très mal optimisées, même sur les modèles les plus puissants qui amplifient tous ces problèmes et en ajoutent de nouveaux comme le champ de vision très limité.


Maintenant que ça c’est acté, il y a tout de même une grande force technique qui justifie un petit peu ça c’est que le jeu garde en mémoire pendant longtemps les objets qu’on peut déposer, ce qui peut devenir un élément de gameplay à part entière de par la gestion des ressources. C’est bien la seule chose qui justifie les faiblesses techniques précédemment citées, clairement les développeurs ont été un peu trop ambitieux à mon sens. Ils ont du faire une tonne de compromis pour que leur proposition fonctionne malgré leur manque de moyens. Le bilan technique est trop lourd pour que je passe à côté même si heureusement des forces esthétiques viennent compenser.


Si le design des créatures et des environnements m’a un peu déçu au début, faisant simplement penser aux fonds marins générique de la Terre sur lesquels on aurait appliquer quelques variations pour faire Alien, le design fut de plus en plus exotique et élaboré au fil de la progression. On se retrouve vraiment avec des créatures colossales au design original, mais elles ne sont pas si nombreuses que ça au final et plusieurs créatures communes seront déclinées en différentes versions et finiront par lasser, ce n’est donc pas un si gros point positif que ça malgré ses fulgurances passagères, notamment en fin de jeu.


Le sound design appuie très bien le sentiment d’immersion sous ces eaux, du splash des éclaboussures lors d’une plongée en surface au silence absolue des abysses perturbé subitement par le cri terrifiant d’une créature encore inconnue. Il peut aussi servir le gameplay avec ces cris très identifiés pour chaque créature importante ou encore la gestion du son dans le comportement de certaines IA. Cet aspect-là du titre est pour le coup très solide, je n’ai pas grand-chose à en redire et ce n’est pas rien pour une petite production en terme de moyens.


Les musiques constituent également un point relativement positif, assez en retrait elles arrivent pour marquer assez efficacement un dépaysement avec des chants ou une angoisse avec de lourdes pulsations faisant comme des battements de cœur par exemple, plusieurs grands moments que j’ai en tête me semblent indissociables de leur musique. En revanche, elles peuvent vite s’enclencher sans grande logique apparente et partir dans des registres très inattendus avec des partitions technos qui me semblent un peu hors-sujet, y compris pour le générique de fin que je n’apprécie pas du tout, dommage. Et si je ne suis pas emballé par ce bilan technique et esthétique malgré les qualités évidentes ici et là, il en sera de même pour le gameplay.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆



Nous plongeant dans un monde immense qu’il faudra explorer tout en survivant à ces multiples dangers, la proposition est aussi singulière que complexe. L’une des plus grandes réussites du système de jeu c’est de toujours imposer de nouvelles limites à l’exploration avant de les faire sauter par ce qui est débloqué, pour une progression assez addictive pendant une large partie de l’expérience de jeu, sauf vers la fin en ce qui me concerne où les dernières séances de farming entre des expéditions d’une heure totalement infructueuses ont fini par me gaver. De plus, le rythme lent du mode survie, mode de jeu par défaut, aurait pu être évité à mon sens, beaucoup trop de séquences de jeu répétitives et peu intéressantes pour gérer faim et soif.


Un autre problème c’est aussi que beaucoup d’objets ne sont que très peu utiles dans l’ensemble du jeu mais indispensables dans des situations bien spécifiques, sans jamais qu’on puisse anticiper leur utilité sans aller regarder une solution. Donc, soit on fait le jeu avec tout l’équipement dans l’inventaire et ça induit plus d’allers-retours frustrants, soit on les stocke à notre base au risque d’être d’un coup bloqué dans notre progression et de voir une expédition manquée à cause de ça, dans les deux cas, le jeu nous fait perdre notre temps. J’ai mis presque 50 heures pour finir le jeu mais je n’ose même pas pensé aux temps de jeu perdus dans ce décompte tant elles doivent être nombreuses.


Les combats souffrent d’une ergonomie très moyenne avec un système de sous-menus et de raccourcis inadapté au pad comme au couple au clavier/souris, d’un moteur de collision un peu hasardeux et d’une IA au comportement simpliste et au cône de vision souvent curieux, trahissant une approche de la survie bien particulière. Le fait de ne jamais pouvoir être très offensif par les améliorations, au profit d’être plus résistant, plus habile ou plus rapide, tout en ne récompensant jamais le fait de tuer une créature implique une manière de jouer très unique à la survie, non pas en se défendant mais en évitant les conflits avec intelligence et subtilité. Si ce n’est pas toujours passionnant, ça a au moins le mérite d’être assez singulier.


Le hasard des schémas trouvés dans ma première run m’a fait débloquer assez tard des équipements et outils qui sont très vite devenus obsolètes, conséquence directe de cette philosophie de liberté absolue et de la mise en retrait des objectifs pouvant guider a minima la progression. J’aurais aimé qu’il existe un mode qui guide davantage le joueur vers les objectifs assurant une progression cohérente. De la même manière, l’absence de ces indicateurs m’a bloqué plusieurs fois dans ma progression car j’avais fouillé toute une zone en manquant le dernier truc indispensable à ramasser, je ne serai jamais retourné fouiller la zone si je n’avais pas consulté une solution m’indiquant qu’un PDA était caché sous le lit de la base que j’avais fouillé de fond en comble.


Le housing est quant à lui tout à fait sympathique avec beaucoup d’éléments à débloquer et une bonne implémentation dans l’expérience de jeu. Ce n’est pas non plus parfait, je trouve que certaines règles ne sont pas très bien expliquées, qu’il est très laborieux de réaménager un espace existant, que les sympathiques options de personnalisation ne sont pas très développées… Comme beaucoup de mécaniques du jeu, on a une bonne idée exécutée de façon assez bancale, mais c’est peut-être ce que je trouve le plus réussi sur le plan ludique.


Quelques bugs occasionnels, notamment des dédoublements d’objets dans mon inventaire sans que je ne comprenne pourquoi, l’animation de nage alors qu’on est hors de l’eau, des actions contextuelles qui ne s’enclenchent que difficilement... finissent de me convaincre qu’après des années d’accès anticipé, de patchs et de mises à jour : Subnautica n’est pas un jeu fini, c’est assez triste. Au final, le bilan ludique est le même que le bilan technique, de l’ambition mais trop peu de maîtrise pour un jeu très riche en contenu mais finalement très frustrant et ennuyeux pour ma part. Terminons tout de même sur une note positive.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Si le scénario de Subnautica est assez en retrait, il est tout à fait existant et loin de se contenter de fournir un contexte au principe du jeu, à savoir notre isolement dans un monde hostile. Pour être en adéquation avec l’immersion promis à tout instant, nous resterons toujours au contrôle de notre protagoniste lors des événements scénarisés, ce qui est tout à fait plaisant. D’ailleurs, certains événements scriptés seront déclinés en différentes versions selon notre position au moment du script et les actions que l’on a pu ou non accomplir jusqu’ici, ce qui est vraiment élaboré et appréciable.


La narration environnementale est très importante pour apporter les informations enrichissant l’univers, à la manière d’un Métroid Prime il nous faudra scanner faune, flore et architecture pour glaner des textes nous renseignant sur le monde que nous explorons petit à petit. Le jeu est assez malin pour donner envie de les lire car ceux-ci révèlent aussi des informations ludiques de première importance comme à quoi sert tel matériau collecté, qu’est-ce qui rend un animal particulièrement agressif…


Tout ceci sert un propos écologique certes prévisible mais bienveillant et bien amené. Si l’on peut vite se planter à vouloir véhiculer un message écologique sur le respect de l’écosystème dans un jeu où on lutte constamment pour y survivre avec une dissonance majeure entre nos actions en jeu et le propos du scénario, Subnautica évite ce piège grâce à son concept nous privant d’options offensives. Comme on ne devient jamais maître de l’environnement mais qu’on arrive simplement à y survivre, le discours du jeu est pleinement cohérent avec sa philosophie de jeu, c’est d’ailleurs pour moi là où le jeu fait preuve de la plus grande maîtrise.


Par ailleurs, pas mal d’humour noir est saupoudré à tout ça avec l’IA qui apporte des commentaires rationnels assez décalés par rapport à la situation : elle étudie que notre activité favorite est la nage après quelques heures de jeu et que c’est une très bonne activité physique, la première fois qu’on trouve du diamant elle rappelle que tout ce qu’on trouve appartient à l’entreprise, à notre première découverte d’un environnement particulièrement anxiogène elle nous informe que 7 des 9 conditions pour une terreur absolue sont remplies dans cette zone… ça ajoute un petit plus.


C’est là où j’attendais le moins le jeu que je suis le plus convaincu de sa réussite avec une narration efficace au profit d’un scénario bien sympathique, mais rien d’extra-ordinaire là-dedans pour venir compenser tous les défauts majeurs cités précédemment. Le jeu ne propose aucun mode de jeu permettant de se concentrer réellement sur l’histoire en mettant de côté les longues et fastidieuses séances de farming et de gestion de ressources, elles viendront bien au contraire forcément ruiner le rythme de cette intrigue que l’on sera contraint d’interrompre tout du long, sa principale faiblesse.



CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆



Ambitieux à bien des égards, ce monde ouvert où survie et exploration sont authentiques à l’ambiance réussie, au scénario intelligent et bien narré… est finalement une expérience très bancale pour ma part. Entre les nombreux et sérieux défauts techniques, les longues et fastidieuses phases de farming et de gestion des ressources manquant d’ergonomie, les erreurs d’équilibrages dus à la liberté laissée, la multitude de bugs en tout genre bien après son accès anticipé et ses mises à jour… je ne partage pas l’engouement de la critique comme du public pour ce Subnautica même si je respecte la singularité de sa proposition et ses quelques fulgurances.

damon8671
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le 1 juin 2020

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