Super Mario Odyssey
7.8
Super Mario Odyssey

Jeu de Nintendo EPD et Nintendo (2017Nintendo Switch)

Après deux opus de Mario Galaxy, Nintendo revient (pour moi, j'entends) avec un des plus célèbres moustachus avec un jeu de plateforme en 3D en monde semi-ouvert. L’action prend aussi place dans l’espace, même si on quitte les niveaux d’étoiles du précédent pour l’exploration de planètes thématiques. Dans quel but ? Evidemment sauver la princesse Peach kidnappée une nouvelle fois par l’infâme Bowser pour se marier avec elle (mariage forcé, évidemment). Peach a donc toujours bien son rôle de femme faible-objet (au moins Nintendo est fidèle à sa série !).


Le déroulement du jeu s’avère fort simple, le joueur enchaine à la suite les différents niveaux. Les marges de manoeuvre du joueur sont quasiment inexistantes et en tout cas superficielles. Le joueur se contentant à deux ou trois moments de choisir sa prochaine destination mais devra dans tous les cas effectuer un passage sur toutes les planètes prévues. On se demande même l’intérêt de ces faux-non choix, plus superfétatoires qu’autre chose. Le déroulé de l’aventure est des plus basiques : on enchaine depuis une ligne de sélection horizontale les différents environnements successivement. Difficile de faire plus rudimentaire. Au moins Mario Galaxy avec son petit hub essayait de mettre en scène un minimum la chose …
En tout, une quinzaine de mondes sont à explorer. La diversité des environnement est en tout cas au rendez-vous (la moindre des choses) : monde de glace, aquatique, forestier, urbain, etc. Le plus décevant finalement pour moi est que mes niveaux esthétiquement les plus réussis sont les plus courts voire ceux qui ne permettent aucune (!) « exploration » (cf le niveau liminaire des « chapeaux », la planète « ruines » ou encore l’environnement lunaire). Je préfère bien entendu, pour ceux ayant mis la main sur le jeu, ne pas évoquer l’aspect immonde du pays de la cuisine, qui est ratage complet au moins esthétiquement parlant …
Très hétérogène de ce point de vue là donc.
Le terme d’exploration susmentionné est d’ailleurs sans doute un peu fort, mais on va dire que les niveaux ne sont pas forcément agencés selon une linéarité stricte mais prennent la forme de petites zones « ouvertes » où les déambulations sont permises. Cela reste assez léger mais le sentiment d’une relative liberté de déplacement est plutôt plaisant. Néanmoins, si on veut être un peu taquin, cette « liberté » de mouvement demeure spécieuse dans le sens où le joueur sera un peu cantonné à une exploration dans le vide (pas de chemins annexes, de quêtes annexes, etc.).
Le principal problème selon moi est que le travail du level design me laisse architecturalement parlant sur ma faim. Par exemple, je n’ai pas le souvenir d’avoir été véritablement impressionné ou transporté par la construction d’un niveau dans Mario Odyssey. Le tout reste finalement classique même si les niveaux disposent chacun de petits passages annexes (si on peut les appeler comme ça, donnant l’illusion d’une complexification du level design). Cette déception se renforce je trouve vers la fin du jeu, en particulier avec le pays de Bowser (qui m’a fait penser à un niveau de Tom Raider) et l’intérieur du pays de la Lune où on abandonne en grande partie l’idée d’une relative exploration (et même du point de vue stylistique je les ai trouvé en retrait) au bénéfice d’une forte linéarité. Ceci dit, quelques niveaux émergent tout de même, comme le pays des grattes ciels qui je trouve est particulièrement intéressant et visuellement et de part sa verticalité ou encore le pays de la mer et sa circularité.
Malgré ma déception, je pense qu’on peut tout de même louer Nintendo d’avoir tenté, notamment après Mario Galaxy, d’offrir des aires de déplacement plus conséquentes. Certes, je n’ai pas été charmé, mais à voir l’avis de la majorité des joueurs, cette recette a l’air de plutôt fonctionner.


Néanmoins, là où on attendait davantage cette nouvelle fournée, l’argument marketing de Nintendo et ciment de la promesse de ce Mario Odyssey, c’est du point de vue de son game design. Le principal point mis en avant était cette capacité pour Mario de prendre possession de certains ennemis et PNJ afin de bénéficier de compétences spécifiques. Autant le dire tout de suite, cette promesse est certes tenue, mais sa concrétisation demeure loin des potentielles attentes. Certes, il peut être amusant (au départ) de prendre possession des différents ennemis pour passer tel ou tel obstacle (une boule de feu pour traverser la lave, un poisson pour nager sans limitation de temps, etc.), sauf qu’on constate rapidement les limitations qu’offrent cette possibilité. Pour résumer, un ennemi que l’on peut contrôler est placé à 2 mètres de l’obstacle que l’on ne peut franchir que grâce à lui. Cette possibilité de gameplay limite donc toute expérimentation, recherche personnelle du joueur pour utiliser telle ou telle capacité dans différentes situations et un environnement ouvert - si ce n’est qu'on peut être tenté de dénicher une lune cachée à droite ou à gauche grâce à ces nouvelles capacité. Point de tout ça ici donc, le didactisme à l’extrême domine donc tout le long du jeu … Un peu dommage de constater que l’argument numéro 1 du jeu s’effondre de lui même derrière sa facticité.
Du côté des éléments eux plaisants on peut mettre en avant le travail sur la fibre nostalgique des joueurs avec l’incorporation récurrente de petites épreuves de Mario en 2D bien incrustées aux environnements des différents niveaux. Toujours amusant et efficace même si cela reste anecdotique par rapport au reste de l’aventure.
Plus globalement, j’ai aussi l’impression qu’en termes de pure plateforme et de gameplay Nintendo a fourni quelque chose de plus consistant et diversifié que Mario Galaxy. J’ai l’impression que certaines phases de plateforme y demandent plus de doigté (même si globalement le challenge est aux abonnés absents …) et que Mario dispose d’une palette de mouvements plus ample, pas forcément indispensables mais qui permettent de fluidifier l’aventure (plusieurs types de sauts, différentes manière d’attaquer les ennemis, possibilité de se rouler en boule, etc.). Mais quitte à rénover un peu le gameplay, il aurait été intéressant d’envisager une modification des capacités de Mario, un peu sur le modèle d’un RPG, ce qui aurait d’ailleurs pu entrainer des modifications du point de vue du level design (et donner une utilité pratique aux différents costumes à débloquer).


Finalement, un des points les plus lassants du jeu demeure la structure même d’avancement. Outre que les étapes de progression du joueur s’avèrent plus répétitives - le joueur arrivant dans un niveau avec son véhicule volant, mais celui-ci ne pouvant pas décoller avant d’être suffisamment réparé pour repartir dans un autre environnement après avoir raté Bowser de peu (on se croirait dans la quête principale de The Witcher avec cette course après Ciri …) - ce sont mêmes les objectifs à remplir permettant au joueur de « terminer » un niveau qui barbent (vous me direz, comme pour les autres Mario ?). Dans chaque niveau, il faut dénicher X lunes pour passer au suivant, en sachant qu’il est possible de rester dans chaque environnement pour trouver davantage de lunes. Ce procédé est ici sujet à au moins deux soucis. Tout d’abord, les lunes se trouvent en quantité astronomique, c’est littéralement un pullulement orgiaque de lunes qui est offert au joueur. Et comme toute orgie (enfin je suppute), généralement, il y a un moment où ça en devient écoeurant (des centaines à collectionner !). A mon avis il aurait été bien plus stimulant et récompensant d’en mettre moins (mais bon, tout dépend de la cible principale que l’éditeur/développeurs vise …). En parlant de récompense, de satisfaction du joueur, les bras m’en sont tombés quand on constate à quel point des lunes sont attribuées pour tout et n’importe quoi ! Entre dénicher une lune cachée derrière un décor, une partie d’escalade ou un défi et une lune trouvée après avoir effectué un saut chargé au sol ou achetée dans un magasin quasiment gratuitement, on se pose des questions sur un certain équilibrage à trouver … Tout ça pour dire qu’à moins d’être un chasseur de drapeaux dans Assassin’s Creed je trouve que ce système craqué de lunes ne (me) motive clairement pas à tenter de tout dénicher.
Dans le même ordre d’idées, de le collectionnite aiguë, de cette volonté d’accumulation, on se retrouve à amasser les pièces d’or qui pullulent dans les niveaux pour … acheter des costumes à Mario - à la vocation strictement visuelle car ils ne disposent, évidemment, d’aucune capacité propre - ou des éléments de décors pour son véhicule volant (!) qui n’a strictement aucune utilité et avec lequel les interactions sont inexistantes. Encore une fois, de la pure cosmétique. Mais heureusement pourrait on arguer, on évite le DLC superfétatoire.


Pour terminer, je pense qu’une des forces de ce Mario est finalement son adaptation avec son support de jeu. En effet, je trouve qu’il est parfaitement adapté à l'usage de la Switch, notamment en mode (semi) nomade (j’ai du faire 80% du jeu de la sorte). Chaque niveau étant construit pour durer - à la louche - entre 30 minutes et 1h, le jeu est typiquement construit pour être joué sur des petits sessions, voire des micro sessions du fait découpage de chaque niveau en plusieurs zones. Je pense d’ailleurs que cette manière de jouer m’a permis de prendre du plaisir malgré les reproches que j’ai envers le jeu.


En espérant tout de même quelque chose de plus poussé pour la suite. Un équivalent de Breath of the Wild pour la saga Mario ? On espère.

Créée

le 1 août 2018

Critique lue 505 fois

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