Super Mario Odyssey
7.8
Super Mario Odyssey

Jeu de Nintendo EPD et Nintendo (2017Nintendo Switch)

Magie unique, savoir-faire inimitable et overdose de lunes...

Ah ! Mario ! Pour moi, cette franchise, c’est la quintessence même du jeu vidéo ! Le gameplay le plus simple et le plus intuitif qui soit. On pense qu’on a tout compris au bout de cinq minutes (ce qui est d’ailleurs souvent le cas) et pourtant, le jeu a toujours cette capacité à proposer un enchainement de niveaux tellement bien pensés qu’on se retrouve toujours à pousser ce gameplay au-delà de toute limite. Accessible mais complexe. Epuré mais riche. Simple mais jamais répétitif. Pour moi cette franchise a un tel niveau d’exigence et surtout une telle légende derrière elle que chaque sortie d’un nouvel épisode est à mes yeux un incroyable challenge pour Nintendo. Et ce « Super Mario Odyssey » n’y a pas échappé. Annoncé en grandes pompes. Attendu avec impatience. C’était après « Breath of the Wild » une deuxième claque d’attendue sur la Switch.


Honnêtement, quand j’ai déballé ce jeu l’hiver dernier, j’étais plus que confiant. Nintendo ne s’est jamais vraiment planté sur un Mario, et cette promesse de pouvoir capturer les capacités des ennemis me paraissait largement suffisante pour garantir une nouvelle révolution dans la manière d’appréhender le jeu de plateforme. Premier constat : l’introduction est des plus efficaces. Cinématique courte qui pose les personnages et le prétexte, on ne s’y attarde pas plus qu’il ne faut. Tout de suite on se retrouve dans un monde qui a tout d’une surface d’entrainement (et qu’elle est d’ailleurs) où on va pouvoir découvrir facilement et rapidement toutes les bases et nouveautés du gameplay. C’est limpide et efficace. En plus de cela toute cette phase se déroule dans un univers remarquablement enjôleur. La musique comme l’esthétique globale posent tout de suite une magie. Aaaah ! L’extase quoi ! En même pas vingt minutes le tuto est fini, on a touché à tout, de la chapimorphose au combat de boss, si bien que lorsque le titre apparait au moment du passer au niveau 2, moi j’étais déjà à fond ! Ah ça ! Un grand Mario s’offrait à moi…


Pour ma part, l’extase a duré une bonne demi-douzaine d’heures, le temps de passer du monde des chutes jusqu’au Royaume Ifézec. Le premier est certes classique, mais il fait son boulot de premier vrai niveau qui pose les bases. Il n’est pas trop long, bien scripté. Il remet en place les mécaniques de recherche propres à tout Mario. Sans être sensationnel, il fait néanmoins le métier : celui de ne pas trop prendre les joueurs au dépourvu en attendant de passer à plus nerveux. Et pour le coup, la transition vers Ifézec s’opère totalement dans cet état d’esprit là : monde plus grand, plus riche, plus imprégné d’un semblant de narration (à la Mario hein : toujours quelque chose de très simple mais d’efficace). Moi en tout cas, plus je fouillais ce niveau plus je sentais l’extase monter en moi. Cette montée en puissance rapide du titre, à la fois en densité, en richesse et en diversité, ça m’a totalement émoustillé. J’imaginais déjà ce qui allait suivre. J’attendais d’être encore davantage surpris… Et paradoxalement, c’est là que j’ai commencé à redescendre. A peine arrivé aux niveaux 4 et 5, les premières tares de ce titre se sont progressivement mises à faire surface.


Vous allez me demander : c’est quoi le problème avec ces deux niveaux ? Eh bien à dire vrai, le problème ne vient pas des niveaux en eux-mêmes, mais bien de la mécanique qu’ils révèlent. Premier souci, quand on arrive dans ces niveaux et qu’on se décide à les retourner de fond en comble (bah comme pour tout un Mario quoi…) – surprise – c’est vide. Atrocement vide même… On fait les rebords du lac ou de l'écorce. On grimpe sur les plateformes. On tombe dans la forêt de l’oubli…. Pas grand-chose. Vraiment pas folichon. Pas digne d’un Mario. Alors on finit par tracer jusqu’à l’événement auquel on nous invite à participer. On y participe. On gagne. Et quand on revient dans le niveau pour rechercher les quelques lunes supplémentaires qui nous permettront d’aller plus loin – ô mystère ! – certains endroits du niveau se sont remplis ! D’autres se sont même ouverts ! Alors on ponce de plus belle le niveau jusqu’à arriver au deuxième événement mis en avant. On se dit que c’est déjà plus sympa mais pas extra. Lunes choppées. On y retourne pour une troisième fois – et bim ! – encore plus de nouveaux trucs ! Stooooooooop ! Non mais oh ! C’est quoi cette logique à la con ?


D’habitude dans Mario, pour choper des étoiles, on suivait certes un chemin indiqué pour une récompense spécifique bien mise en avant, mais quand on prenait la peine de fouiller le niveau, on découvrait de sacrés trucs, et parfois même des étoiles cachées ! Mario, dans ses épisodes précédents, récompensait donc à la fois la dextérité mais aussi la malice du regard. Dans « Mario Odyssey », le jeu nous fait perdre notre temps à fouiller des choses inutilement. La fouille, elle n’aura vraiment de sens qu’une fois tous les événements contextuels accomplis… En attendant, il faut juste avancer sans fouiller. Il faut juste attendre avant de se balader. Non mais oh ! Le temps de comprendre la logique du truc mais on perd des plombes ! Et quand bien même, quand on le comprend, c’est juste naze de se dire : « ça a l’air sympa là-bas mais il ne faut surtout pas que j’y aille. Il faut que j’attende… » Woh ! Mais c’est con ça ! C’est contre-intuitif à mort ! Pire, c’est même contre la philosophie Mario !


Bon alors après – c’est vrai – une fois qu’on a vraiment compris la logique, ça reste un moindre mal. Seulement deux autres problèmes vont très vite se greffer à ça. L’un d’eux est merveilleusement bien expliqué par « Game Next Door » donc je ne reviendrai pas dessus : c’est le système de récompense qui, dans ce jeu, est totalement craqué. Pour cet épisode-ci ce n’est pas 120 étoiles qu’il faut collecter mais 999 putain de lunes. 999… Non mais les gars… C’est pas la quantité qui fait la qualité. Et pour le coup, à vouloir en proposer plein, on en planque partout comme on peut, si bien qu’il suffit parfois de marcher au hasard pour en débusquer une sans trop d’effort. Il y a tellement d’acquisition de lunes dans ce jeu que le challenge d’en chercher et le plaisir d’en trouver s’éventent vite. Et c’est bête parce qu’il y a souvent des challenges super-intéressants à résoudre mais finalement, au bout du compte, je suis récompensé de la même manière qu’en faisant un saut rodéo sur un simple petite bute qui vibre. Et si la plupart de ces épreuves sont super intéressantes et répondent aux exigences standard de Nintendo, d’autres sont beaucoup plus anecdotiques et relèvent clairement du remplissage. Au bout d’un moment on commence par enfiler ça comme des perles, au point que ça en rende certains niveaux purement anecdotiques. Et… Et non, ça ce n’est pas possible… Non, on n’a pas le droit de retrouver de l’anecdotique dans un Mario, c’est juste impensable ! Pour le coup c’est vraiment la lose !


Et ça fait franchement chier de se dire qu’un Mario puisse avoir un intérêt assez aléatoire, parce que pour tout le reste, le jeu fait un sans faute et respecte le niveau hallucinant d’exigence de sa franchise. Le gameplay est d’une remarquable fluidité. Ça répond au doigt et à l’œil. On n’est jamais pris au dépourvu. Les changements de maniabilité liés aux chapimorphoses sont ultra accessibles et très instinctifs. Bref, ça coule comme du petit lait. C’est beau. Les musiques sont d’excellentes qualités et certaines sont même déjà devenues mythiques pour moi. De même le jeu est gorgé de bonnes idées, avec notamment des niveaux remarquablement ficelés. Je parlais d’Ifézec, mais New Donk City et le Palais de Bowser font aussi incroyablement bien le job. D’ailleurs, pour ces niveaux à la fois grands et riches, tous les problèmes évoqués plus tôt ne se ressentent pas (ou moins). Au contraire, dans certains cas ça se retourne même en véritable force. Dans ce cas de figure, New Donk City est un cas d’école. Entre l’entrée dans la ville de nuit, sous la pluie et en pleine occupation militaire de Bowser et le final grandiose à base de chants, de lumières et d’hommage aux origines de notre Mario international, on touche vraiment selon moi au sans faute. Du coup ça n’en est que d’autant plus rageant de ressentir les choses retomber par la suite comme un soufflet lors de niveaux carrément plats et peu inspirés. Rocambelle, Flonflon, l’île perdue et surtout l’hideux monde de la cuisine : voilà quatre exemples de ce que ce jeu est capable de fournir de pire. Au mieux c’est anecdotique, au pire ce sont des verrues qu’on regrette de voir dans un titre de ce niveau. Pour le coup c’est désarmant…


Malgré tout, l’un dans l’autre, ce titre en garde quand même sous le coude. Car après un niveau final fort malin...


(conclure sur la lune avec un changement de gravité : c’est juste vraiment bien trouvé)


...on commence alors un tout nouveau jeu. Des épreuves supplémentaires sont alors réparties dans tous les niveaux et Peach en profite pour prendre des vacances. En plus d’apporter une atmosphère nouvelle et assez sympa de monde apaisé et accompli, on se retrouve avec une partie de jeu plus corsée, réservée aux joueurs davantage exigeants. Et pour le coup, ce « Super Mario Odyssey » a vraiment su relancer mon intérêt grâce à cette deuxième vague. Les challenges se révèlent parfois vraiment ardus, à tel point qu’on a vraiment de quoi se réjouir quand on parvient à les accomplir (Je pense notamment aux deux épreuves bonus sur la lune : woh ! Là on se fout vraiment pas de nous ! Il y a de quoi s’y reprendre pendant des heures entières avant de passer le cap attendu.) C’est tendu mais c’est jouissif. Pour le coup, j’avoue que cette petite surprise vraiment bien pensée vaut à ce Mario un point de plus par rapport à ce que je comptais lui mettre juste après la défaite de l’ami Bowser.


Seulement voilà, ce jeu était décidément voué à me faire connaitre des montagnes russes jusqu’au bout. Après le plaisir de la surprise, on retombe encore une fois dans une forme de répétition - mal dont Mario avait réussi à se prémunir jusqu’à présent – au point même qu’on en arrive à des situations absurdes. La petite Toadette qui nous lâche lune sur lune pour certains défis réussis, c’est juste d’une logique affligeante. On te donne des lunes parce que tu as eu des lunes ? Non mais oh ! Là il faut arrêter ! C’est à ce moment là, les gars, que vous auriez dû vous rendre compte qu’il y avait un problème avec ces foutues 999 lunes !


Mais bon, malgré tout, même si j’ai fini par jeter l’éponge autour de 750 lunes parce que clairement ça me gonflait, cela ne parvient pas à ternir l’image vraiment positive que je retire de ce titre. Alors c’est vrai, pour quelqu’un qui a apprécié ce titre, je me suis quand même beaucoup attardé sur ses défauts. C’est vrai. Mais encore une fois, je pense qu’avec un Mario on est incroyablement exigeant et, forcément, ce genre d’erreurs, quand ça pollue à ce point le plaisir, c’est quelque chose qui passe très mal. Malgré tout, cela n’empêche pas ce titre d’être encore un remarquable tour de force ; un titre vraiment plaisant qui peut se vanter d’avoir une identité forte. C’est donc un Mario perfectible certes, mais cela reste un Mario de très haute volée ; un jeu à la richesse et à la qualité de réalisation dont peu de concurrents peuvent se vanter. Donc sur ce niveau là, je pense qu’il faut quand même savoir rendre à César ce qui est à César. « Super Mario Odyssey » n’est peut-être pas un remarquable chef d’œuvre, mais il est quand même un chef d’œuvre qui mérite d’être remarqué. Comme quoi, finalement Mario a su rester Mario. Rien que pour cela bravo et merci à lui…

Créée

le 22 déc. 2018

Critique lue 603 fois

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