Super Mario World 2: Yoshi's Island
8.1
Super Mario World 2: Yoshi's Island

Jeu de Nintendo EAD, SRD et Nintendo (1995Super Nintendo)

Comment passer après « Super Mario World » premier du nom ?
Parce que oui, « Super Mario World » premier du nom, pour moi, ce n’est rien de plus rien de moins que l’aboutissement du jeu de plateformes 2D. (Et oui : encore aujourd’hui.)
Je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet car je me suis déjà très largement exprimé sur ce jeu dans la critique que je lui ai consacrée, mais si je me permets de préciser cela dès le départ concernant cet opus 2, c’est parce que, pour moi, cela représentait un sacré défi que de vouloir faire une suite, sur la même machine, à ce qui reste pour moi un jeu presque indépassable. Faire un 2 c’était prendre le risque de la redite. Faire un 2 c’était prendre le risque de faire moins bien. Et pourtant…


Ce que j’admire avec les gars de chez Nintendo, c’est leur capacité à faire des pas-de-côté quand un challenge de taille se pose à eux. Et ce qui est fort avec eux c’est que, quasiment à chaque fois, ce pas-de-côté se révèle pertinent et audacieux. Pour moi, le parti-pris de « Yoshi’s Island » c’est ça. On a conscience qu’avec « Super Mario World » on a créé un monstre qu’on ne pourra jamais égaler alors du coup il s’agit de ne pas chercher à le reproduire. Certes on va respecter le matériau de base, c’est-à-dire le challenge d’un platformer accessible à tous mais riche dans son gameplay et évolutif dans sa difficulté, mais d’un autre côté on va faire quelques choix forts pour que la comparaison devienne difficile. Et là, pour moi, des choix (très) forts, il y a en clairement trois.


Le premier choix tient incontestablement dans son gameplay. Et je trouve ça même incroyablement malin d’avoir fait de Yoshi l’élément central de ce changement de gameplay. Yoshi, c’était le « plus » du premier « Super Mario World ». C’était celui qui enrichissait la palette d’actions de Mario. Avec lui on pouvait sauter plus haut ; on pouvait tuer certains ennemis invulnérables aux attaques du petit plombier ; on pouvait avaler des carapaces et choper des capacités nouvelles. Les plus filous retiendront aussi que Yoshi c’était celui qu’on pouvait abandonner lâchement à la fin d’un saut pour se garantir une deuxième impulsion. Un coup traitre mais un coup parfois salvateur. Bref, Yoshi c’était déjà en soi une réinvention du gameplay d’un « Mario ». Eh bien voila que dans cet opus 2 c’est Yoshi qu’on contrôle. Et ça change tout.


Alors oui, c’est vrai, jouer Yoshi c’est jouer un personnage plus lent et qui a un peu plus d’inertie. Mais jouer Yoshi c’est aussi jouer un personnage qui peut mouliner des pieds dans l’air afin d’allonger sa trajectoire en distance et en temps ; c’est aussi jouer un personnage qui peut avaler ses ennemis pour les transformer en œufs ; c’est pouvoir abattre des cibles en balançant des œufs à l’aide d’une cible mobile. En somme, ça a l’air d’être pareil que « Super Mario World » mais en fait ça n’a rien à voir. On est en terrain connu, mais on doit tout réapprendre. Ce jeu est une suite et en même temps une toute nouvelle franchise. Balèze les gars…


Le second choix tient quant à lui à la finalité du jeu. Il ne s’agit plus d’éviter de mourir (quoi que, un précipice et c'est une vie en moins !), il s’agit d’éviter de se faire prendre le bébé qu’on a sur le dos. Cela peut sembler un détail mais, l’air de rien, cela ajoute une part d’imprévisibilité dans la manière de jouer. Bim, une erreur et il va falloir se montrer très réactif et habile pour récupérer le loulou à temps. Du coup ça nous amène parfois à vouloir anticiper les problèmes, notamment en se faisant quelques œufs au cas où. Mais c’est parfois en voulant avaler les ennemis plutôt que de les tuer qu’on se retrouve à se faire toucher, à perdre le gamin et à cravacher pour le récupérer.
C’est assez pervers mais c’est malin, surtout que le jeu sait se faire de plus en plus retors avec le temps, imposant parfois un rythme soutenu et appelant à une vraie technicité de notre part pour franchir certaines séquences.
Sur cet aspect-là « Yoshi » reste un « Mario », avec tout le soin d'orfèvre et la science de l'équilibre que ça implique en terme de level design.
Vraiment, chapeau…


Et enfin, le troisième choix fort, il tient dans l’univers de ce jeu.
C’est d’ailleurs celui qui m’a le plus interpelé en 1995 au moment de la sa sortie. Ce jeu est juste… choupi tout plein.
Non mais rien que cette introduction appuyée par une petite musique mimi qui rappelle les boites à musique pour enfant, c’est juste irrésistible.
Et ces petites bouilles de Yoshi et de bébé ! Et ces jolies couleurs pastelles ! Et ces décors qui semblent dessinés au crayon… Ah mais moi, de tout ça, j’en suis totalement gaga.
Il y a un aspect comptine mielleuse que je valide totalement. D’ailleurs, dans un souci de cohérence – mais peut-être aussi de rupture – ce « Yoshi’s Island » abandonne la logique de carte à explorer comme dans « Super Mario World » et cela au profit d’une narration plus linéaire. Les niveaux s’enchainant les uns après les autres en suivant un chemin filé. C’est logique. C’est même culotté. Mais c’est peut-être aussi là que se trouvent les quelques limites de ce jeu.


La carte à explorer : c’était quand même vraiment l’un des gros points forts de « Super Mario World ». La finalité n’était plus seulement de retrouver la princesse. La finalité c’était de poncer les niveaux – les retourner de fond en comble – pour trouver ces foutues sorties alternatives.
Or, là, plus de carte. La motivation pour retourner les niveaux n’est plus la même. Les collectibles n’ont pas la même force d’attraction que la possibilité d’un monde nouveau.
Alors d’accord, il est vrai que si on chope suffisamment de points dans les niveaux du monde on se retrouve avec des niveaux bonus mais – je chipote sûrement – ça n’a clairement pas la même saveur que de découvrir un raccourci ou un recoin secret de ce monde.
D’ailleurs, puisqu’on parle des mondes, je ne peux m’empêcher de noter que ceux-ci sont tout de même beaucoup moins marquants que ceux du volet précédent. Certes, ils ont une capacité à renouveler le gameplay avec une fréquence assez hallucinante (sur cet aspect-là, difficile de ne pas voir dans chaque stage une nouveauté), mais en terme d'identité, une certaine routine se met en place.
Couplée à la linéarité de la carte, l'impression d'exploration se perd au profit d'un sentiment de simple enchainement de défis - tout aussi qualitatifs soient-ils - si bien que, pour ma part, j'ai eu l'impression d'y perdre un peu…


Alors après, au-delà de ça, il n’empêche qu’il y a quand même quelques bons petits moments forts et mémorables qui viennent émailler l’aventure.
C’est le cas notamment de ces boss amusants, mais aussi de ces jeux habiles avec certains éléments 3D, de déformation et de rotation (la SNES a vraiment été poussée dans ses retranchements avec ce jeu) ou bien encore de ce merveilleux final contre Bowser.
Tout cela rappelle tout de même que ce « Yoshi’s Island » reste malgré tout un sacré jeu, remarquablement ouvragé, et qui n’a pas à rougir face à son ainé.


Malgré tout, l’un dans l’autre, et malgré le fait que je sois assez admiratif de la capacité qu’a eu ce « Yoshi’s Island » à se construire une véritable personnalité – qui plus est sur le domaine risqué et original pour l’époque du conte enfantin et poétique – je n’arrive malgré tout pas à lui mettre la note de 10/10.
Je lui avais mis pendant un temps, mais clairement c’était la nostalgie qui avait parlé.
9/10, au fond, c’est plus conforme au souvenir global que j’en ai et au plaisir que j’en garde. Un jeu proche de la perfection, c’est évident. Un jeu qui a du cachet, et c’est là toute sa force. Mais d’un autre côté, ce « Yoshi’s Island » est aussi clairement un jeu plus sage que les autres épisodes marquants de la saga.
Même si je l’adore, je ne sens pas ce côté jusqu’au-boutiste dans la volonté de repousser son concept jusqu’au bout.
C’est maitrisé certes. Mais c’est ce petit « plus » qui manque pour faire de ce jeu une pièce maitresse du genre.


Mais bon… Quand j’y réfléchis bien, ce « Yoshi’s Island » est quand-même le jeu qui est sorti entre les deux plus grandes références (à mon sens) du genre platformer : « Super Mario World » pour ce qui est de la 2D, « Super Mario 64 » pour ce qui est de la 3D.
Donc rien que d'être parvenu à survivre dans les mémoires entre ces deux géants – et qui plus est avec sa propre personnalité – c’est déjà une performance en soi…

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le 22 juin 2019

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