Il y a une manière infaillible de savoir si vous allez aimer Surviving Mars : votre compteur de temps sur Planetbase. Ce petit jeu de gestion dans lequel on établit une colonie humaine sur une planète éloignée, quoique simpliste et très imparfait, m'a volé des dizaines d'heures de ma vie. Des dizaines d'heures passées à observer mes colons construire des dômes, produire du bioplastique, faire pousser des tomates OGM, entretenir des appareils, produire de l'oxygène, éviter des pluies de météorites, accueillir des réfugiés, bâtir des monolithes, exploiter des mines, stocker de la nourriture, colmater des brèches, fabriquer des robots, placer des lits, des fontaines, des distributeurs, des plantes, des écrans, des salles de sport, des tables, des machines, et c'était à peu près tout et je tournais très vite en rond mais ça ne m'empêchait pas de recommencer des parties à l'infini pour le seul plaisir de voir ces petits bonshommes s'activer, construire des trucs, entretenir des bidules, courir comme des hamsters dans leurs roues et se promener sur la surface de Mars avec leurs petits scaphandres de petits explorateurs de l'espace et prendre avec leurs petites mains des petites ressources qu'ils allaient entreposer avec leur petite vitesse dans des petits entrepôts en passant dans des petits couloirs en respirant leur petit oxygène, trop mignon. Planetbase, ce jeu de gestion de colonie spatiale tout mimi, très répétitif, mais tellement sympa et reposant à regarder que ça a failli finir en drogue dure.


Eh bien Surviving Mars, c'est Planetbase puissance 10. On retrouve tout ce qui fait le charme du jeu de Madruga Works, la même philosophie, mais enrobé dans un gameplay infiniment plus précis, varié, équilibré. On y retrouve le même côté contemplatif, avec un rythme assez lent qui laisse le temps d'observer l'évolution de sa colonie, les allées et venues de ses drones ou de ses colons. On y retrouve le même plaisir à construire des choses, à relier des trucs, à alimenter des réseaux d'eau ou d'électricité, à simuler sous de grands dômes une vie la plus terrestre possible, avec ses maisons, ses bureaux et ses bars, entrecoupée des contraintes de la vie dans l'espace : maintien d'un réseau d'oxygène stable, récolte de matières premières par des robots, communications radio avec la Terre... c'est très agréable à regarder et à prendre en main, mais là où Surviving Mars devient juste passionnant et chronophage jusqu'à la nuit blanche, c'est dans sa difficulté extrêmement bien gérée, couplée à un gameplay particulièrement riche qui demande de toucher à bien plus de choses, à prendre en compte bien plus de paramètres pour bâtir une colonie harmonieuse, que le fameux Planetbase.


On peut passer des heures sans le moindre humain à gérer. Dans Surviving Mars, on commence avec seulement des drones, qui doivent préparer le terrain avant l'arrivée des premiers colons sur Mars. La construction des réseaux d'alimentation en électricité, air et eau procure déjà un plaisir infini, car on a toute latitude pour donner à sa base la forme et la taille que l'on souhaite. Calculer sa zone d'atterrissage pour avoir le plus de ressources à proximité, poser ses premiers panneaux solaires et câbles, cela annonce déjà une expérience agréable. Après un long moment, on a produit des ressources et on peut se permettre de tenter d'accueillir les premiers colons, logés dans un dôme rudimentaire qui a pourtant coûté les yeux de la tête. Alors, le véritable défi peut commencer. Il faut autant veiller à maintenir une production ou un approvisionnement constant pour les 8 ressources du jeu, que gérer l'activité humaine dans les dômes à la façon d'un city builder plus classique. Ce téléscopage de genres est sûrement le principal délice de Surviving Mars, qui réussit à reproduire le feeling si particulier d'un jeu de gestion spatiale tout en glissant à l'intérieur un véritable challenge de gestion traditionnel, à la Anno ou à la Banished, avec gestion de la faim, du bonheur, optimisation des professions, dans de véritables villes à l'intérieur de dômes. On joue sur deux fronts : l'exploration de la planète, avec tous les défis que cela implique (scan de zones inconnues, exploitation de ressources, gestion des drones, ravitaillements avec la Terre...) et la vie dans des petits havres de paix terrestres, fragiles et attachants, qu'on observe à travers la paroi des dômes et qui reproduisent brillamment le fourmillement d'activité de la vie humaine.


Entre la gestion des ressources, l'équilibre des finances, le micro-management des drones ou des humains, le jeu a légèrement tendance à submerger le joueur sous les tâches, ce qui est une chouette idée : on ne cède que rarement à la tentation d'augmenter la vitesse du jeu, sans cesse occupé que l'on est à vérifier que tout tourne correctement. Il faut précisément planifier ses actions, anticiper les ruptures de stock, avoir une excellente gestion de l'espace disponible. Tout est à prendre en compte : la distance requise pour aller chercher une ressource, l'approvisionnement d'une zone particulière en matières permettant d'entretenir certains bâtiments, l'affectation des colons à certaines professions... on peut très bien en même temps demander à un drône de réparer un câble brisé par une météorite tout en étant alerté de l'alcoolisme de Lazslo R., dont le moral est en berne car il est ouvrier mais travaille dans une galerie d'art. Ou donner l'ordre à son rover de récupérer des métaux rares près d'un cratère tant que la tranquillité d'un quartier résidentiel le permet. Surviving Mars recèle de ce genre de situations foutraques, qui mélangent contexte spatial et classique jeu de construction de ville. Après une vingtaine d'heures passées à percer ses nombreux secrets, optimiser mes routes de transport, gérer mon réseau de drones et construire des lacs et des jardins pour tranquilliser mes colons dépaysés, je continue de me faire cueillir par des erreurs de gestion, des fautes d'inattention qui causent la perte de ma colonie. Et je recommence une partie, parce que je sais qu'il reste encore tant à découvrir, entre la recherche et le développement, les spécificités des citoyens, la perspective de découvrir une zone riche en matières premières... et Surviving Mars se pose en mélange providentiel de deux de mes jeux préférés dans le genre : Planetbase donc, mais aussi Banished, dont il partage le rythme et la profondeur tout en les améliorant. Ses quelques ratés d'ergonomie ou obscurités de game design méritent bien d'être pardonnées : accessible et exigeant, riche et contemplatif, Surviving Mars coche toutes les cases du très bon jeu de gestion, au point de rouler sur les Tropico eux-mêmes, signe que les développeurs ont vraiment bien fait de passer à autre chose.

boulingrin87
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le 17 mars 2018

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Seb C.

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