Syberia 3
5.2
Syberia 3

Jeu de Microids (2017PC)

Comme un goût de neige fondue en travers de la gorge

(Aucun spoil, vous pouvez lire sans crainte)


Que me réjouissais-je de retrouver Kate Walker dans de nouvelles aventures aux confins d’une Sibérie aussi belle qu’hostile, de poursuivre un voyage extraordinaire qui a débuté il y a près de 15 ans en compagnie d’un vieux monsieur dont les rêves n’avaient d’égales que ses talents d’inventeurs et son âge disons-le, particulièrement avancé.


Afin d’être parfaitement honnête avec vous, je dois admettre que mes attentes étaient grandes. Non pas car je suis un féru du genre Aventure Point’n Click – loin s’en faut – mais parce que la saga Syberia a toujours eu une place particulière dans mon cœur, place méritée par la qualité des précédents épisodes. Force m’est de constater que cet épisode-ci n’aura pas sa place avec ses deux grands frères. Il attendra loin, très loin dans un tiroir qu’il ne faut pas ouvrir à moins de vouloir s’offrir un grand moment d’ardente désillusion.
Je ne parlerai pas ici des innombrables bugs qui sont pour autant inacceptables pour une licence et un studio de cette envergure. Il est inconcevable de livrer un jeu d’aventure sous une forme beta, qui plus est avec plusieurs mois de retard. Un fan de la licence ou quiconque ayant envie de prendre part à l’aventure ne va pas attendre un voire plusieurs patchs pour continuer de jouer, le jeu ne devrait pas souffrir de problèmes qui empêchent parfois même de terminer l’aventure et obligent occasionnellement à relancer une sauvegarde car il est impossible de poursuivre. Non, je vais m’arrêter là sur les bugs et m’intéresser à plusieurs soucis liés à la narration et au design.


Narration


Les deux premiers épisodes se concentraient sur la poursuite d’un rêve à l’image d’un To the Moon et proposaient une épopée qui nous faisait découvrir une autre culture et nous invitaient à l’exploration de paysages d’une région peu représentée dans les médias occidentaux.
Syberia 3 est bien plus classique et chatouille de trop près un manichéisme bien trop grossier pour être crédible. D’aucuns diront qu’il s’agit d’une critique de la modernité, ce à quoi je répondrais que nous n’avons rien eu de plus fin depuis la critique du colonialisme d’Avatar. Si seulement Benoit Sokal avait eu l’intelligence de ne pas nous prendre pour des idiots, peut-être aurait-il préféré des dialogues plus soignés, plus ambiguës et surtout aurait donné de la personnalité à ses personnages.
A notre grand désarroi, les pauvres n’ont que très peu d’envergure, ils ne sont que des objets permettant de débloquer le prochain chapitre. Ils sont d’abord desservis par un doublage abominable mais pas que, ils n’ont aucune motivation intrinsèque si ce n’est la quête de la transhumance. Aucun personnage n’existe en tant qu’individu qui a ses propres motivations d’agir de telle ou telle façon – sauf peut-être le capitaine Obbo -.
L’émotion ne peut venir que de l’individu, un groupe n’a qu’une fonction.
Pour une œuvre dont la richesse de l’expérience repose essentiellement sur les échanges entre les personnages et leur évolution, on aurait aimé mieux, beaucoup mieux.


Design


Pour faire un jeu, il faut certes des artistes mais il faut aussi des designers. Je crois qu’il en manquait quelques-uns car il y a des choix dramatiques – au sens premier du terme – qui ont été fait ou n’ont pas été fait d’ailleurs, dans Syberia 3.


Tout d’abord le déplacement car si j’en comprends l’intérêt afin de pouvoir sortir le jeu sur consoles, j’ai beaucoup plus de mal à comprendre la raison qui les ont poussés à créer un controller et une caméra, tous deux aussi bancales, en 2017. Si le choix d’une caméra fixe est parfaitement logique pour un Point’n Click en 2D, il l’est moins pour un décor 3D en temps réel dans lequel la caméra fixe devient un obstacle dans l’observation de l’environnement. D’autant plus que la camera n’est pas vraiment fixe, c’est là tout le piège, ils ont dû sentir que cela allait poser des problèmes alors le cul entre deux chaises ils se sont dit qu’ils allaient régler cela en proposant une camera follow character mais sur pivot, de sorte que le joueur ne puisse pas la contrôler ou à peine.
Un autre problème récurrent est celui des objets qui ne sont disponibles qu’après avoir enclenché un dialogue ou réalisé des actions spécifiques.


Dès les premières minutes, il est demandé au joueur de trouver un objet permettant d’ouvrir un boitier sur un mur. Bien que j’avais personnellement deviné quel objet je devais utiliser, il m’était impossible de le récupérer sans avoir cliquer au préalable sur le côté du boitier afin d’enclencher une phrase de Kate. Ce genre d’erreur tue le flow et empêche toute immersion.



  • Incohérences *


Les phénomènes d’incohérences sont difficiles à juger dans une œuvre de fiction car l’univers de l’œuvre définie ses propres lois physiques, sociales etc. Néanmoins les lois qui régissent l’univers de Syberia sont peu ou proues similaires aux nôtres. Il est donc inconcevable de réaliser des scènes telles que le


bateau tiré sur la terre ferme par un tout petit véhicule


ou que nous ayons besoin d’un objet spécifique pour briser des lampes alors qu’il y a un atelier à disposition avec des marteaux.


Conclusion Aka ceux qui n’ont pas le courage de tout lire


Syberia 3 me fait beaucoup de peine car c’est un jeu qui a été fait avec amour et cela se voit, il y a de superbes scènes qui l’espace d’un instant font parfois oublier tous ses défauts, la bande originale signée Inon Zur - le même compositeur que pour les deux premiers épisodes – est somptueuse mais malgré tout il est impossible de passer outre les problèmes liés aux déplacement, à la camera, aux animations et aux doublages. Sans oublier une narration en retrait qui ne fait plus rêver et des lieux qui sont loin d’être aussi beaux et originaux que ne pouvaient l’être ceux des précédents opus.


Syberia 3, c’est un peu comme la saison 9 de Scrubs, on sait que cela existe mais on sait aussi que cela n’aurait jamais dû voir le jour.

Atomka
4
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le 8 mai 2017

Critique lue 884 fois

4 j'aime

Atomka

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