Il est des jeux qui remettent en question la conception qu'on se fait du jeu vidéo, Tearaway est l'un d'eux, et pour cette raison il ne pourra pas plaire à tout le monde.

Parce que Tearaway propose une aventure originale, surprenante, folle et bien rythmée, mais que l'on parcourt d'une manière si fluide qu'elle en devient proche ... d'un film. Un ennemi un peu coriace vient d'abattre froidement Iota (le sympathique héros de cette aventure) ? Pas de souci, il réapparaît tout ragaillardi au même endroit, et les ennemis éliminés le restent ! Une séquence de plate-forme un peu délicate ? Soit Iota réapparaît sur la dernière plate-forme atteinte, soit il arrive carrément à l'endroit où vous deviez le conduire, mais que vous aviez manqué ! Le jeu ne s'encombre donc d'aucune difficulté, et déroule ses idées les unes après les autres dans le seul but d'en mettre plein la vue au joueur.

Et ça marche, parce que Tearaway est l'un des jeux au gameplay le plus original sorti ces dernières années, et il exploite à merveille les fonctionnalités de la Vita : micro, caméra, écrans tactiles, gyroscopie, tout y passe. Et contrairement à un Little Deviants qui ne faisait que proposer des mini-jeux de moindre intérêt, l'ensemble est parfaitement intégré au level-design global et ne semble même pas forcé ! Iota est sur un tambour ? Donner un petit coup à l'arrière de la console devrait logiquement le propulser en hauteur, et c'est exactement ce qui se passe. Le jeu est une merveille d'intuitivité et ne cesse de surprendre par son inventivité. Chaque concept est chaque fois poussé à l'extrême et éprouvé par le level design, puis combiné à d'autres de sorte qu'on ne s'ennuie (presque) jamais et qu'on a sans cesse l'impression de découvrir des nouvelles possibilités ou combinaisons.

Mais l'une des idées géniale de Tearaway, c'est évidemment la démolition du 4ème mur entre avatar et joueur. Quelque peu forcée au début avec toutes les photos que le jeu nous demande de prendre, peu à peu l'ensemble prend corps et se justifie amplement. Il est en effet assez savoureux de retrouver des photos "du monde réel" placardées un peu partout dans le jeu, ou d'assigner des textures prises en photos sur les différents personnages du jeu, et la mention permanente du joueur en tant qu'objectif de la quête de Iota (il doit nous remettre un message) lui donne une importance quasi religieuse. Représenté par le soleil, le joueur contemplera donc toujours les actions de son petit protégé, et devra lui venir en aide en déroulant des stickers, tuant des monstres ou arrêtant les flots tumultueux avec ses doigts. Tel Moïse.

Et malgré le ton très enfantin des dialogues (un peu ennuyeux quelques fois il est vrai), on se prend au jeu, on rentre dans ce délire total entre le monde de papier et le monde réel, et on s'émerveille. Non, le rendu "papercraft" n'est pas le plus abouti, ni le plus audacieux vu dans un jeu vidéo (Paper Mario conserve une longueur d'avance), mais la possibilité de customiser un peu tout et n'importe quoi, de dessiner ses propres décos et surtout de prendre des photos à l'intérieur du jeu avec une pléthore de filtres et effets rigolos donne un charme indéniable au jeu. Je n'avais pas pris autant de photos dans un jeu depuis Beyond Good & Evil, et le simple fait de les revoir une fois le jeu terminé m'a plongé dans la douce mélancolie post-oeuvre marquante : un peu comme quand on revient de vacances et qu'on revit ses émotions les plus fortes au travers de simples clichés, même mal pris. Et c'est très fort pour un jeu vidéo.

Si je devais évoquer un défaut qui m'a un peu ennuyé dans le jeu, c'est justement l'absence de "monde propre" : le jeu tente tellement d'incorporer le joueur à son univers qu'au final on retient peu les gens qu'on rencontre, et qu'on ne s'attache pas vraiment à cet univers, sans doute trop ... générique ? Le mot est fort, mais quand on repense aux LittleBigPlanet, on se rend compte que le côté "bricolage farfelu/dessins" n'est pas vraiment nouveau, et que comme son illustre ainé, aucun PNJ ne se détache et l'ensemble semble n'être au fond qu'un de ces décors en carton qui fait bien illusion de loin, mais qu'une légère brise peut éventer.

Il serait triste de finir sur une mauvaise note, alors j'évoquerai finalement l'OST, variée, rigolote et bien adaptée aux différentes phases de jeu et qui correspond parfaitement à l'ambiance guillerette et légère du jeu.

Peut-être pas le meilleur jeu sorti en 2013, mais mon préféré assurément.
Floax
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le 26 nov. 2013

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Floax

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