Tout le monde sait que Kickstarter a déjà aidé à produire de nombreux jeux de qualité, mais par manque de temps c'est la première fois que je peux véritablement me consacrer à l'un d'entre eux. Et dire que cela augure du bon pour les autres jeux est un euphémisme, car The Banner Saga est une réussite presque totale !
Graphiquement le jeu est magnifique, avec un côté dessin simple, mais agréable à l'oeil. Les personnages sont variés et leurs animations sont très réussies, que ce soit en combat ou pendant les dialogues (même si elles se réduisent alors au strict minimum). Mais surtout, ce sont les paysages qui sortent du lot. Ils sont grandioses. Notre caravane va traverser des toundras désolées, des montagnes acérées, des forêts épaisses, un lac asséché,... où tout est plus ou moins recouvert de neige. On passera de temps en temps devant des Pierres Divines, des stèles gigantesques érigées à la gloire des dieux, par qui, par quoi, on ne le sait pas : cela remonte à trop longtemps.
Devant ces pierres, on se sent vraiment tout petit, et c'est une des forces de Banner Saga : il impose sans problème, au travers de ses graphismes, de ses dialogues, et de sa bande son, un univers cohérent, toute une mythologie exotique qui laisse le joueur rêveur. Rien que les noms des lieux (Einatorft, Grofheim, Boersgard, ...) ne sont-ils pas évocateurs ?
C'est dans ce cadre parfaitement installé que se déroule une histoire, certes simple, mais très efficace et qui voit la tension monter crescendo. Les hommes et les Varls se retrouvent confrontés à une Troisième Grande Guerre sans même savoir pourquoi et à un soleil qui a arrêté sa course dans le ciel sans raison apparentes. Les caravanes fuient les conflits mais aucun havre de paix ne les attend nulle part. La nourriture se fait rare, et il est compliqué de garder un bon moral au sein des groupes... bref, c'est la panade, et si ce premier épisode se termine sur une victoire significative, il n'empêche que ce n'était qu'une bataille et que rien n'est gagné. Cet état d'esprit m'a beaucoup fait penser au Seigneur des Anneaux, dans lequel le Mordor est inéluctablement amené à dominer la Terre du Milieu si rien n'est fait, en dépit de quelques victoires majeures comme celle de la bataille des champs du Pelennor. D'ailleurs la relation Varl/Hommes n'est pas sans faire penser les liens entre Elfes et Humains, et les compositions musicales à base de cuivres évoquent elles aussi l'univers de Tolkien.
La conclusion du jeu est très soudaine et en a déçu plus d'un (ne s'attendant pas à une trilogie), mais au final c'est une bonne nouvelle pour moi car je me replongerai avec grand plaisir dans des suites, pourvu que je puisse importer mes personnages depuis Banner Saga premier du nom. De nombreux mystères planent encore sur la situation, et il me tarde qu’ils soient éclairés.
Le gameplay est très agréable, tant dans les phases de combat (on a affaire à un tactical audacieux dans ses mécaniques, même si on regrettera le peu de variété dans les situations et les ennemis) que dans les phases de gestion où il faut maintenir notre caravane à flot et prendre des décisions qui peuvent avoir des conséquences désastreuses. Le fait que les sauvegardes soient automatiques et qu'on ne puisse pas revenir en arrière très facilement permet d'autant plus au joueur de s'immerger dans son rôle de leader. Ci-dessous (spoiler !) quelques situations qui m'ont marqué :
- Gunnulf emporté par un chariot qu'il essayait de retenir et à qui je n'ai pas demandé de lacher prise.
- La trahison d'Onef que je n'avais vraiment pas vu venir, mais je n'en ai pas fait plus confiance à Ekkil pour autant.
- La décision difficile de détruire le pont de Burra contre l'avis de Jorundr.
- etc
Au final l'histoire est très dirigiste, mais comme The Walking Dead de Telltale, les développeurs parviennent néanmoins à donner la ferme impression que nos décisions ont un véritable impact sur le jeu, et ça c'est très fort.
Bref, si vous aimez les jeux pour leur narration et leur univers, vous ne pourrez qu'aimer the Banner Saga, en dépit de quelques petits défauts que je n'ai pas encore mentionnés :
Tout d'abord le système de renom est assez mal pensé, car les upgrades coûtent cher, apportent peu, et surtout entrent en conflit avec la nécessité de se ravitailler en vivres. En effet, la caravane de Rook est perpétuellement au bord de la famine donc si vous êtes roleplay, vous ne pouvez que dépenser tout votre renom dans de la nourriture pour ne pas laisser tout le monde mourir de faim. Et cela alors même que la famine a en réalité des conséquences franchement négligeables ! J'imagine aisément certaines personnes complètement délaisser cet aspect du jeu pour se concentrer sur les upgrades, et je trouve ça dommage.
Ensuite, comme je l'ai déjà dit, les combats sont assez répétitifs, tout comme... la musique des dits combats. J'ai fini par la couper parce qu'elle bouclait un peu trop souvent à mon gout. J'ai également eu l'impression que la traduction française n'était pas top, donc j'ai joué intégralement en anglais (cela peut en bloquer certains). Enfin j'ai souffert d'un bug qui m'a forcé à recommencer un même combat trois fois, le jeu ne répondant plus du tout, mais c'était peut-être la faute à pas de chance.
Et voilà, en fait ce sont les seuls défauts qui me viennent à l'esprit. Nous sommes donc sans aucun doute à l'aune d'une grande oeuvre vidéoludique que je conseille à chacun d'essayer ! Quant à moi je vais essayer de m'attaquer à d'autres grands noms du jeu Kickstarter, je vous tiens au courant !