The Dream Machine
7.5
The Dream Machine

Jeu de Cockroach Inc. (2012PC)

On était sans doute pas loin d'un incontournable du point&click si le gameplay et l'exécution d'ensemble de ce titre indé (a priori développé par une toute petite équipe) avaient été totalement à la hauteur des idées souvent très intéressantes qui y sont développées et des étonnamment hautes ambitions narrativo-visuelles du soft. Mais en l'état, le décalage ressenti entre intentions et réalisation fut en certains passages, notamment dans les 2 derniers chapitres (sur 6 que comporte ce jeu initialement épisodique), trop important pour me convaincre sans retenues.


Mais fi des considérations d'ordre général et rentrons un peu plus dans le détail! A quoi a-t-on affaire?


Un couple s'installe dans son nouvel appartement, y fait de drôles de rêves, et va aller de découvertes étranges en découvertes étranges, le tout s'articulant autour d'une mystérieuse "dream machine" qui donne son titre au jeu. Ce qui frappe d'emblée, bien entendu, c'est l'aspect visuel, à base de cartons découpés pour les décors, et d'argile pour les personnages. Mais si les premiers sont globalement extrêmement réussis, le rendu esthétique des seconds est par contre, à mes yeux, beaucoup plus "discutable", pour ne pas dire hideux dans certains cas (cf. la femme du héros absolument difforme, 1er PNJ que l'on rencontrera au cours de notre aventure). Il faudra que le joueur motivé sache aller au-delà de ce premier écueil purement visuel et sensitif...


Après, on reste au niveau du gameplay dans du point & click archi-classique, sans grande originalité, les efforts des développeurs ayant surtout porté sur l'aspect visuel comme expliqué, le scénario et les thématiques abordées. Si les 2 premiers chapitres un peu introductifs ne poseront pas problème à grand monde, se focalisant avant tout sur la mise en place de l'univers et l'aspect narratif, les choses se complexifient un peu plus dans les chapitres 3 et 4, qui débouchent sur un équilibre gameplay/narration pour le moins agréable (culminant dans un chapitre 4 de haute volée sur le plan émotionnel - sans doute le meilleur de tout le jeu -, où le gameplay ludique porte et enrichit admirablement le propos - je n'en dis pas plus pour ne pas dénaturer l'expérience, mais ici l'exploitation des potentialités narratives offertes par l'interactivité vidéoludique est pour le moins admirable). On découvre également une des caractéristiques marquantes (et plaisante de mon point de vue) du titre, qui est son caractère ponctuellement (très) macabre qui tend à instaurer une atmosphère pour le moins torturée et dérangeante, qui est un des points forts de l'ensemble.


Ensuite, les choses se corsent fortement lors des derniers chapitres, les plus ambitieux de loin sur le plan narrativo-ludique, en particulier lors d'un chapitre 5 qui se révèle au final, du fait de maladresses malheureuses d'écriture et de gameplay (qui pour beaucoup auraient pu être largement évitées d'ailleurs, ce qui est frustrant...), assez crispant ; notamment, beaucoup d'énigmes tournant autour de mécanismes d'agrandissement et de rétrécissement du personnage m'ont quasiment fait m'arracher les cheveux, car très mal amenées pour certaines, m'obligeant à consulter à plusieurs reprises la soluce (avec ce douloureux sentiment d'échec que cela entraîne chez moi! lol). Alors que les auteurs avaient fait l'effort, dans les premiers chapitres, d'aider le joueur en lui donnant des indices sur les directions à investiguer et les pistes à suivre, notamment via certains dialogues avec des PNJ ou via des commentaires de notre personnage principal, on sent bien que l'accouchement pour les derniers chapitres a été plus long et difficile et que ces petits éléments de gameplay qui permettent souvent d'aplanir les pics de difficulté ont malheureusement fait l'objet de moins d'attention. Le chapitre 6 final est aussi l'occasion pour moi de souligner une des limites évidentes du soft: sans doute par manque de moyens, le jeu de manière générale s'appuie sur un cast de personnages extrêmement réduit (même si, par exemple, le jeu, dans son chapitre 3, et de nouveau dans son chapitre 6, tente de camoufler cet élément par des justifications narratives pas forcément inintéressantes, en multipliant les personnages ayant la même apparence que notre avatar...); de même, le chapitre 6 réexploite sans vergogne l'ensemble des environnements traversés lors des différents chapitres précédents, au risque véritablement de lasser le joueur (ce fut mon cas) qui doit de nouveau fouiller des tableaux déjà parcourus en long et en large auparavant.


S'ajoutant aux remarques précédentes et à leurs effets en matière de ressenti du joueur, un autre élément a fini par générer chez moi un vrai sentiment, assez malaisant, d'isolement et de solitude face à ce titre, évoquant l'errance solitaire qu'a pu ressentir le joueur d'un certain âge il y a des années dans les univers de Myst et de ses épigones vidéo-ludiques: l'absence totale de dialogues parlés (même pas des marmonnements pour donner le change (!), on n'aura droit jusqu'au bout qu'à des échanges écrits, souvent assez denses - et uniquement disponibles of course dans un anglais loin d'être basique, ce qui n'a sans doute rien arrangé pour moi) a fini un peu par miner mon moral et ma motivation face à un titre qui m'a donné - je vais faire dans l'imagé - un véritable sentiment "d'aridité" intellectuelle. Je me suis surpris moi-même à attacher à la longue une telle importance à ce "détail" (de tous les instants de l'aventure tout de même...) qui a contribué à me détacher du titre.


Pour conclure, et peut-être parce que je n'ai pas assez insisté sur les points forts du titre - c'est-à-dire ses thèmes (onirico-psychanalytiques) et ses ambiances hyper-imaginatives n'hésitant pas à verser dans le macabre -, nous avons de toute évidence affaire là à un jeu fait avec amour et application, avec d'énormes qualités, qui en feront une expérience marquante et pour une très large part appréciable pour les amateurs de point&click ouverts aux propositions un peu à la marge des chemins habituels (voire pour la proposition qui nous occupe ici, avec un vrai versant "intellectuel" allant au-delà de la pure recherche de divertissement). Cependant, le jeu et ses créateurs n'auraient-ils pas été un peu trop ambitieux pour leur propre bien? L'aventure, outre un certain manque de peaufinement (en particulier dans les 2 derniers chapitres), connaît des longueurs, encore plus soulignées par les limites intrinsèques du titre en termes de PNJ et d'environnements ; et l'absence de dialogues enregistrés s'est révélée, à ma propre surprise, une vraie limitation en termes d'implication et d'investissement émotionnel dans l'aventure. Un constat mitigé donc, pour un jeu qui m'a dans un premier temps enthousiasmé avant que mon intérêt ne finisse vers la fin par s'éroder du fait de limites de gameplay (sans doute évitables pour beaucoup), mais également du fait des moyens limités des développeurs.

Tibulle85
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le 25 mars 2020

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Tibulle85

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