The Evil Within, c’est d’abord une excellente surprise durant les salons de jeux vidéo de l’été, à l’E3 comme à la Gamescom. L’occasion de voir refaire surface un des genres les plus spectaculaires et parfois les plus artistiques du monde du jeu vidéo, le survival horror. Les espoirs placés dans cette sortie un peu particulière entre les Call of Duty et FIFA sont d’autant plus grands que c’est Shinji Mikami, responsable des Resident Evil, qui se charge de la réalisation.
Tango Gameworks et Bethesda ont la charge d’emmener The Evil Within là où personne ne l’attend. Profitant de line-up assez pauvres des consoles next-gen (hors grandes franchises), le développeur et l’éditeur ont leur carte à jouer pour s’emparer des consoles de salon de chez Sony et Microsoft.
Savoir se placer avec un titre indépendant de qualité dans ce genre d’environnement enrichit à la fois l’expérience de jeu des utilisateurs autant que la crédibilité de toute une génération de consoles. Jusque là, très peu de titres ont su faire écarter nos pupilles, que ce soit dans l’originalité du gameplay ou la qualité graphique. La peur est-elle l’ultime moyen de faire avancer les choses ?
LES GREFFES DE LA NUIT
Très stylisé et assurément risqué dans sa prise de partie de mise en scène, The Evil Within séduit aux premiers abords par une caméra à la troisième personne au style très cinématographique, à tel point que scènes de jeu et scènes de narration sont souvent entremêlées. Une sensation étrange de confusion autant que de continuité qui sied parfaitement aux tortueux chemin spirituel que subit Sebastian Castellanos, flic au charisme premièrement quelconque qui va se former au gré d’une fâcheuse rencontre. L’inspecteur au trench coat reconnaissable entre mille croise la route de Ruvik, énigmatique meurtrier échappé d’un asile psychiatrique.
Voici que Sebastian est attaqué et plongé dans la torpeur par son fantomatique nemesis. Une parfaite excuse pour un voyage jusqu’au bout de l’occiput dérangé d’un policier qui en a trop vu, autant que d’un sadique de l’hallucination. Au gré de douze chapitres bouclés entre 20 et 30 heures de jeu suivant votre capacité à vous faire discret et échapper à vos ennemis et aux pièges qui sont tendus devant vous, The Evil Within transporte le joueur de la claustrophobie aux attaques de masses, en passant par la réflexion et l’infiltration.
Un grand pot-pourri de procédés vidéoludiques auxquelles se joignent avec horreur toutes les images traditionnelles de l’épouvante, dans le jeu vidéo comme dans le cinéma. Du grand costaud à la tronçonneuse (ben tiens…) à la fille-araignée en passant par l’image de l’infirmière trop sympa pour être vraiment à vos petits soins, tous les clichés (car c’en est) y passent. A la fois enfermé dans la tête de Sebastian et libre comme l’air dans les hasardeuses plaines arides que composent certains figements de son imagination, le joueur fait davantage face à un tribut qu’à une expérience originale.
Toutes ces références se croisent et se recoupent. Parfois à travers les poncifs du genre, avec couloirs sombres, mécanismes de dissimulation et phases d’infiltration. Parfois, grâce à des systèmes originaux et plus alambiqués, comme l’arbre de compétences (dispensable, soit-dit en passant) sous la forme d’une auto-mutilation bien pensée ou le fait d’enflammer ses ennemis pour éviter qu’ils ne se relèvent. Cette dernière idée est peut-être la meilleure du jeu, permettant à la fois un défoulement bienvenu et une élimination stratégique.
MEURS, ET NE REVIENS JAMAIS
Un hommage d’autant plus fortement ressenti que les références vidéoludiques sont nombreuses, de Resident Evil, paternité oblige, au plus récent et excellent The Last Of Us dans sa dimension de gameplay. Malheureusement pour lui, The Evil Within fait également référence au jeu de Naughty Dog par sa qualité graphique, plus encline à l’ancienne génération de consoles de salon qu’à la nouvelle. Encore une fois, la claque graphique attendra et c’est bien dommage tant le panel de monstruosités est large et aurait pu être exploité à merveille.
Au lieu des textures, c’est les lumières auxquelles Tango apporte le plus grand soin. Un souci de mise en scène un peu oblitéré par un choix de caméra certes original, mais techniquement beaucoup plus discutable. La difficulté normale suffit pour ne laisser que très peu de répit à un Sebastian bien faiblard quand il s’agit de faire face à ses démons, et rend d’autant plus frustrantes les spectaculaires cinématiques de mort. A moins de baisser drastiquement la capacité de vos ennemis à venir s’empaler vers vous, l’infiltration est la meilleure solution.
Quand les choses tournent mal, soyez sûrs de viser la tête : les munitions se comptent sur les doigts d’une seule main. Cette maxime, soyez sûrs que vous finirez, malgré toute votre précaution, par l’appliquer à un moment crucial : celui des boss. Si le travail sur leur charisme est indéniable, les combattre relève rapidement de la frustration à son paroxysme – mourrez, recommencez. Trépasser n’est pas une fin en soi, mais la répétition des combats entame fortement l’atmosphère effrayante des situations : difficile de sursauter au cinquième grognement.
Les belles promesses de l’été ont peut être été de trop. The Evil Within possède un caractère bien trempé, sait prendre quelques risques – deux qualités déjà bienvenues faces aux dernières sorties. Il n’empêche qu’avec une réalisation graphique banale et quelques redondances agaçantes, le jeu de Mikami rate une belle occasion. Certes, par son genre forcément clivant, il n’aurait jamais pu devenir une référence de line-up, mais ni les fans ni les enthousiastes ne peuvent réellement prendre du plaisir sans oblitérer quelques détails agaçants. The Evil Within s’adresse aux amoureux du gore et du survival. Ce sera à peu près tout, et c’est bien dommage
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