Après quelques moments de doutes sur la capacité de ce jeu à réitérer la performance de Lost Odyssey à la vue des premiers exposés sur le jeu, la bande-annonce de la sortie du jeu m'avait définitivement rassuré et rendu très enthousiaste à l'idée d'y jouer. Cependant, au lancement du jeu j'avoue avoir un peu pâli, je n'en croyais pas mes yeux, le jeu allait être injouable ! Mais là encore, après une demie-heure de jeu, j'ai commencé à vraiment maîtriser ce gameplay riche en mécaniques et très agressif sur le plan de l'innovation. Enfin, après des heures de jeux, j'ai comme d'habitude fini scotché devant les crédits du jeu avec l'impression d'avoir vécu une aventure intense et épique avec les personnages qu'il était dur de quitter.

Je vais commencer par parler d'un des défauts qui saute immédiatement aux yeux, d'une part parce qu'il estvoyants, d'autre part parce que forcément, plus l'on est immergé dans le jeu, moins on va y faire attention.
La plus grosse tare du jeu est, tout le monde le sait, technique. A de nombreux passages du jeu (parfois même de façon inexpliquée), le framerate s'écroule pour passer pratiquement parfois en diaporama. Si ce n'est pas spécialement gênant pendant des phases d'exploration ou de marche, cela le devient fortement quand ils surviennent en plein combat tendu, conduisant parfois au game over. Rassurez-vous cependant, ces ralentissements ne sont pas si fréquents que ça et ils ont aussi été très peu de fois al cause d'un game over pour moi. Ce défaut reste cependant à noter tant il peut être irritant.
Visuellement, le jeu est assez flou et n'a plus le travail graphique qu'il mérite sur le plan des détails notamment. Malheureusement (mais logiquement vu les ventes des jeux Mystwalker), Sakaguchi n'a plus les mêmes moyens qu'au temps de Final Fantasy, et cela se ressent dans certains décors très répétitifs et dépouillés dans les donjons. Le jeu reste néanmoins joli avec une patte artistique qui définit une véritable identité.

Après avoir vu son magnifique Lost Odyssey rabaissé pour cause de "trop grand classicisme", Sakaguchi s'est emballé et a décidé de montrer à la presse comment il pouvait innover. Si de prime abord j'ai trouvé le jeu limité au niveau du gameplay, ce dernier révèle progressivement un niveau d'innovation très impressionnant même s'il n'est pas exempt de défauts. Contrairement aux autres Kingdom Hearts, Final Fantasy XII, Final Fantasy XIII et consorts très peu profonds et très peu dynamiques, The Last Story propose un système de combat typé action/tactique de grande ampleur avec une équipe, un espace et des ennemis à gérer de façon assez fine. D'abord, les magies du jeu ont un effet de dégâts immédiats (jusque là, il n'y a rien de neuf), mais aussi, après avoir explosé, se répandent en un cercle que le jeu appelle "aura". Par exemple, un sort de feu frappera l'ennemi d'une boule de flamme et créera un cercle qui rembrasera les armes de notre équipe. Mais le jeu ne s'arrête pas encore là, parce qu'après avoir mis en place cette aura, on pourra la dissiper pour avoir un second effet ! Dans le cas de la magie de feu, disperser son aura brisera la garde ennemie les rendant plus vulnérables !
Ce système de magie très particulier, s'il ne s'appuie pas sur un nombre initial de sorts très élevé (cette carence est palliée par les effets cités qui font que chaque sort a trois effets), contribue à créer un système de combat reposant sur la gestion du terrain et du temps.
La maîtrise du terrain fait d'ailleurs intervenir d'autres mécanismes comme le rebond sur le mur, la couverture derrière des piliers/rochers/etc... ainsi que sur l'observation du terrain pour y trouver des stratégies (optionnelles) pour gagner plus facilement, comme par exemple la destruction d'un pont pour faire tomber les gêneurs ou lieu de les abattre un à un. Pour souligner cette profondeur tactique, le jeu montre dans la majorité des combats le dispositif de bataille, le placement des unités avec le commentaire des alliés et parfois même une possibilité de choisir entre deux approches.
Au niveau du combat principal (celui de son personnage), on retrouve des grands classiques de l'A-RPG occidental, à savoir la parade et la roulade, mais aussi des "limit break" (ici "attaque de tension") puissants et imparables que l'on peut lancer après avoir reçu beaucoup de coups ou après avoir tué du monde.
Vous l'aurez compris, le système de The Last Story est vraiment très innovant (malgré ce que certaines personnes ont pu dire, notamment en le qualifiant de "repompe de Final Fantasy XII"...), profond nativement et très jouissif. Le jeu allie en effet le sentiment de puissance (et de montée en puissance d'ailleurs) d'Infinite Undiscovery avec les possibilités d'un jeu d'action et la tactique d'un Game of Thrones/Dragon's Age. Une leçon de jeu vidéo, tout simplement.

Cependant, que serait un système de jeu profond face à des ennemis pas à la hauteur ? Un système non-exploité et donc gâché. A ce propos, je dirais que le jeu n'est pas tout à fait une réussite sur toute la ligne. Il est en effet regrettable que l'approche "bourrine" soit plus efficace que l'approche stratégique dans beaucoup de situations que l'on finit par débloquer en utilisant les deux limites cheatées du jeu : barrière des âges, qui vous rend invulnérable pendant un temps assez long, et célérité qui vous fait frapper à la vitesse de l'éclair (empêchant parfois l'ennemi d'agir). Outre la possible mauvaise volonté de ma part, les ralentissements et une absence de réactivité sur certaines actions poussent parfois le joueur à passer par cette méthode peu glorieuse. Par ailleurs, certains ennemis ne laissent pas tout à fait le choix, faisant descendre vos vies à un rythme effroyable même avec le soutien d'un halo de soin.
Mais heureusement jamais dans le jeu le champ de bataille devient un espace de figuration et globalement les ennemis sont bien organisés.
En groupe d'abord, les soigneurs, tireurs et autres mages seront souvent placés en arrière de la bataille, protégés par des ennemis qui réagissent plutôt intelligemment (globalement) et vous feront des histoires si vous essayez de passer. A ce propos, un combat peut rapidement changer complètement de tournure une fois une action primordiale accomplie, comme l'élimination des healers (qui sont très puissants dans le jeu) ou de tireurs violents. Une bonne tactique d'ensemble est donc requise même si l'on peut se relâcher sur de nombreuses situations
Au niveau individuel, outre les boss, les ennemis ne sont pas des sacs de frappe et n'hésitent pas à parer, contourner et frapper les bonnes cibles (sauf dans le cas où on reprend l'aggro avec le "pouvoir de l'Etranger" intégré au scénario).Les combats sont donc actifs et même un ennemi de base peut se révéler difficile à battre si l'on s'acharne, par exemple, à frapper sur lui de face. Les boss quant à eux sont très nombreux et la plupart demandent des méthodes spécifiques plus ou moins raffinées. Ils constituent un des points forts du jeu, et c'est assez rare pour être noté.
Pour conclure sur le volet des combats, je noterai, à l'opposé de certains critiques que je qualifie sans hésiter de mauvaise foi étant donné les jeux qu’ils prétendent profonds au niveau du gameplay, que The Last Story est une quasi révolution et une leçon de jeu vidéo pour tous les développeurs d'action-RPG qui devraient en prendre de la graine. Malgré ses défauts sur lesquels j'ai chipoté, il faut garder à l'esprit que peu (aucun ?) des autres jeux ne les a pas, et souvent ils font pire.

Parlons un peu d'aventure désormais, le point assurément le plus important d'un jeu Sakaguchi et qui faisait autre fois de Final Fantasy une série à part dans le monde du JRPG.
La grande caractéristique de la narration de Sakaguchi et qui contribue énormément à la puissance de l'émotion qui se dégage de ses jeux est la mise en scène qui est ici à la hauteur des attentes. Les scènes clés du jeu sont comme toujours de véritables symphonies avec les musiques somptueuses d'Uemastu et la mise en scène de Sakaguchi qui chantent d'une même voix, toujours sur la même longueur d'ondes, toujours à mettre en avant les subtilités de chaque moment et de chaque plan, même si ici le travail semble un peu moins subtil que dans Lost Odyssey ou dans les Final Fantasy PS1. Je suspecte ici Nintendo qui, selon les dires de Sakaguchi, aurait demandé des changements de fond sur le jeu, notamment sur un aspect sombre que l'on sent un peu refoulé et qui aurait sans doute apporté un éclairage différent sur l'aventure qui est ici plus unilatérale dans son interprétation.
The Last Story mélange ainsi les acquis de mise en scène des FF PS1 avec la simplicité et la pure chevaleresque des premiers opus de la fameuse série. Il est à noter que l'animation faciale est moins fine que dans Lost Odyssey, et c'est un peu dommage mais si le jeu reste dans le haut du panier pour de la Wii sur ce point.
Au niveau de l'ambiance, The Last Story a un côté plus féerique à la Nintendo voire Disney avec des idéaux moins remis en cause que dans Lost Odyssey ou FF VIII, des moments de magie enfantine (comme l'escapade "Aladinesque" dans les rues de Lazulis avec une certaine jeune fille...) et un esprit plus optimiste et gentillet. Les éléments de narration sont ici davantage ceux de l'épopée courtoise mais n'hésitent pas tout de même à aborder des aspects plus tragiques et adultes, souvent sous-entendus. Les aspects les plus sombres ne sont pas développés et cela est parfois un peu frustrant, néanmoins cette magie brute a aussi son charme et n'est pas dénuée de corps.
Ainsi, on retrouve les thèmes récurrents des jeux de Sakaguchi (dont tous les FF PS1 et FF X font partie, même si sur le papier Sakaguchi n'en est pas le directeur exécutif, sa patte est flagrante) que sont la préservation de la nature, l'évolution psychologique vers le statut de héros et les responsabilités que cela implique, et d'autres... Il est intéressant de noter qu'on retrouve un peu de Seifer dans cette volonté aveugle et puérile de devenir "chevalier", même si dans le cas de ce dernier, cet élément avait une profondeur plus tragique. On retrouve d'ailleurs un peu la construction parallèle avec Squall sur ce point, mais je me tais pour ne pas spoiler... De fait, le jeu nous fera revivre ces moments clés communs aux œuvres du maître, bien sûr sous une autre forme.
Parmi les autres éléments de narration, il est à noter que les voix sont vraiment très bonnes, notamment celle du narrateur dans le style médiéval British. L'écriture est de grande qualité avec des dialogues qui ont un vrai intérêt (je le précise parce qu'avec des jeux comme FF XIII...) et interviennent même pendant les combats.
On retrouve avec joie dans ce jeu quelques cinématiques avec QTE, c'était assez important à noter pour le mettre à part ! Ce système est d'ailleurs ici utilisé avec à-propos, ce qui est assez rare pour être noté ! Il apporte beaucoup dans deux phases importantes du jeu.

Mais que dire globalement de cette aventure ?

The Last Story ramène le joueur à ce qui ne se fait presque plus dans le jeu vidéo : l'aventure avec un grand A. Un voyage aux proportions mythiques dans des endroits variés et avec le souffle d'un grand jeu. Lancé progressivement sur la rampe de décollage, le jeu enchaîne les scènes magiques et fait monter la sauce en nous faisant rapidement aimer tous les personnages qui finissent par former un groupe qui est à voir non seulement comme une suite d'individus particuliers, mais aussi comme un ensemble indivisible et attachant en synergie avec le héros. A ce titre, The Last Story a quelque chose de Final Fantasy VIII avec son histoire d'amour, qui est ici davantage dans le registre de la féérie (FF VIII était plus noir), et la composition du groupe avec le personnage en formation. Mais, contrairement au jeu précédemment cité, The Last Story a une approche plus médiévale faite de mentors, d'aristocratie, de "princesses et de chevaliers comme dans les contes" (dixit Calista qui justement le nie). Riche en rebondissements, émouvant (même s'il se retient dans les tragédies, et ça c'est dommage), porté par la musique somptueuse d'Uematsu qui joue moins dans le spectaculaire ici, The Last Story est un grand jeu qui réussit l'exploit de donner l'impression en 20 h d'avoir vécu les évènements d'un jeu de 40 heures tant le rythme est bon (le jeu est plus long avec les quêtes annexes dont 4 ou 5 sont vraiment intéressantes). Ainsi, à la fin du jeu, on se retourne, la larme à l'oeil, sur la densité énorme des évènements qu'on a vécu et sur tout le chemin que l'on a parcouru. Dès l'écran titre du jeu dont la musique résonne encore dans mon coeur, on sait que l'on va vivre une expérience fabuleuse, ce qui se confirme quand l'on reste scotché à son fauteuil au moment des crédits. Peut-être un peu plus unilatéral dans sa lecture et moins grandiose dans sa finition que dans les productions plus libres de Sakaguchi, The Last Story est un jeu qui aurait mérité d'être un million seller au regard de sa puissance narrative et de sa très grande agressivité en terme d'innovation et qui marque ceux qui acceptent de s'y plonger. Le martèlement de "cette génération est pauvre en JRPG" est injustifié, The Last Story est un grand u jeu vidéo même s'il n'a plus les moyens AAA des Final Fantasy PS1 qui n'ont pas été égalés en terme de finition (le marché n'a plus de place pour des jeux comme ceux-ci). Alors par pitié ne le laissez pas tomber pour des a priori, il est inadmissible qu'il ne se soit même pas vendu à 300 000 exemplaires !!
Foulcher
9
Écrit par

Créée

le 29 juil. 2012

Modifiée

le 1 août 2012

Critique lue 561 fois

2 j'aime

Foulcher

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