Peu amateur des univers postapocalyptique zombie du genre Walking Dead je dois bien avouer que ce jeu est bien plus qu'un énième jeu d'ambiance et d'épouvante où l'on tue juste du méchant zombie pour le plaisir. Ce jeu c'est d'abord et avant tout du cinéma car les cinématiques, les dialogues et les personnages priment sur l'action. A commencer par le duo entre Ellie et Joel, Ellie, une adolescente de 14 ans que Joel, un père veuf et ayant perdu sa fille adopte plus ou moins, doit conduire auprès des Lucioles, un groupe de scientifiques officieux qui mène des recherches pour éradiquer le virus qui a décimé une partie de l'humanité. Ellie représente tout leurs espoirs car elle n'a pas été infectée malgré la morsure d’un infecté. Lui, bourru et aussi peu bavard ou presque qu'un cow-boy à la Eastwood, hésite mais finalement accomplit son devoir, aidés par des personnages secondaires qui ont tous des gueules et une moralité douteuses.

Ellie ce n'est pas la petite fille pleurnicharde dans son coin. Ellie, elle a 14 ans mais elle te tranche la gorge si tu lui cherches des noises. Le jeu ne se permet aucune censure, aucun bon sentiment. Il faut survivre, envers et contre tout. Elle est une adulte dans un corps encore d'enfant, parce qu'elle n'a pas le choix. Le monde brutal dans lequel elle est née brise l'enfance, vous oblige à grandir tout de suite, à vous adapter sinon vous mourrez. Pourtant, elle a aussi des rêves d'adolescentes, parfois des réflexions naïves sur l'existence. Elle aime les jeux de mots moisis, les bandes dessinées et pousse des jurons en permanence. Son personnage est remarquablement écrit et on se passionne de la relation complexe qui nait entre elle et Joel, bourru, cynique mais extrêmement utile pour survivre. Ils se vannent, ils se disputent mais il y a aussi du respect et c'est même une relation père/fille qui nait, une relation difficile, car enfantée dans la douleur d'une traque et d'une course poursuite face à la mort.

Si le scénario dans sa trame, est assez classique : on pense à Children of Men par exemple, puisque c'est une histoire d'élue en quelque sorte qui pourrait sauver le monde, les personnages, les répliques, les rebondissements, aussi cruels que désarçonnant sont narrativement passionnant. La moralité c'est que l'homme n'en a aucune. Mis en danger par un contexte épidémique qui peut le transformer en mort vivant en un instant, il devient une véritable bête, un monstre, prêt à tout pour survivre. Et bien que vous attachiez aux héros de ce jeu, vous pratiquez, avec eux, le massacre de vos congénères non sans un certain plaisir, et c'est finalement assez terrifiant quand on y pense.

Quant à l'ambiance, elle est excellente : cradingue à souhait. Même les chambres à coucher des personnages sont puantes de crasse ; ils suent tout le temps, couverts de terre et de sang de zombie fraichement dézingués. Des cadavres et des détritus jonchent le sol. Il y a des armes partout, des zones infectées où on respire des gaz toxiques. Mais il y a aussi, des purs moments de poésie arrachés à la violence: comme ces girafes qui traversent une autoroute désaffectée dans une jungle qui a repris le dessus sur la ville alentour, des rayons de soleil lumineux qui illumine la nature verdoyante recouvrant les restes de l'humanité, le tout sublimé par une excellente musique. On redemanderait presque de ces moments d'harmonie car The Last of Us est étonnement un jeu d'action silencieux. Certes de temps à autre, il faut bien appuyer sur la gâchette mais la plupart du temps, vous contemplez, vous explorez, ce monde déchu. Ce vaste monde sans homme, c’est grisant. Un univers rien que pour soi.

On se passionne pour ces phases d'explorations silencieuses, passant de maison en maison, d'autoroutes en égouts, de centres commerciaux en universités désaffectés : des lieux pleins de vie autrefois, grouillants de détails et remplis d'artefacts et d'items cachés qu'on prendra plaisir à découvrir. Puis, il y a l'angoisse de se faire repérer par les zombies : certains vous sautent à la gorge et vous êtes immédiatement mort, ou pire, par des bandits, militaires ou ennemis prêts à faire exactement comme vous : survivre et vous tuer pour ce faire. Vous pouvez opter pour la discrétion ou le massacre, selon votre convenance, à coup de poing, de couteau, de hache, de chevrotine, de lance-flammes même, il y en a pour tous les goûts. Vous avez de plus une possibilité de customiser vos équipements, de fabriquer des pièges, des kits de santé, des armes plus performantes, ce qui enrichi considérablement la manière d'appréhender les ennemis et les obstacles.

Le jeu est assez linéaire dans la conception de ses niveaux avec quelques variations dans le gameplay, des phases d'actions, d'explorations, des véhicules parfois, des accessoires à utiliser. Pour rompre plus encore avec la monotonie, il est très scripté si bien que de nombreuses actions que vous effectuez conduisent à des cinématiques dans lesquelles vous pouvez intervenir pour vous sortir d'une mauvaise passe et qui sont autant d'occasion d'approfondir les relations entre les personnages. Parfois, certaines de vos actions auront peu d'incidences, que vous échouiez que vous réussissiez, il s'en dégagera une sorte de frustration presque fataliste qui prendra le joueur avide de récompenses à défaut. La quête des héros est presque désespérée tellement elle est difficile. Pire, la fin de l'aventure marque un retour à la case départ, ce qui est un sacré pied de nez au joueur. Le mode multi-joueur est quant à lui assez agréable.

Rarement les jeux s'avèrent aussi profonds. Left Behind, une courte extension du jeu, permet de rajouter encore plus de profondeur au personnage d'Ellie que l'on voit adolescente avec ses rêves d'un côté et de l'autre survivre dans une situation extrême, traquée par des bandits, Joel à l'agonie. L'innocente VS la tueuse. Tout le personnage, paradoxal, est là. Un conseil tout de même : évitez de croiser son chemin.

The Last of Us 2, annoncé en 2020, a tout pour rééditer l'exploit car il effacera certainement l'une des faiblesses du jeu originel, des graphismes jolis pour l'époque largement perfectibles aujourd'hui et son monde un peu trop fermé. On espère aussi une histoire un peu plus longue pour pouvoir profiter plus encore des interactions entre les personnages. Les capacités des nouvelles consoles devraient lui permettre d'offrir un univers plus foisonnant encore, pourvu qu'il garde la profondeur qui a fait le succès du premier opus.

Tom_Ab
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le 4 nov. 2019

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