Critique sans spoiler.


"C'est pas raisonnable". C'est le premier truc qui m'est venu à l'esprit après quelques heures de jeu sur The Last of Us part 2 (TLOU2). Ça se retrouve à tous les niveaux : déjà, dans le fait d'oser une suite pour The Last of Us premier du nom, exemple référence du jeu avec une fin définitive. Pourtant à l'époque, loin d'être fermé à l'idée d'une suite, Neil Druckmann se contentait d'affirmer qu'il se lancerait seulement si il trouvait une bonne raison de le faire. Il en a manifestement trouvé une, et on ne le regrette pas.


Pour cela, il a fallu mettre les moyens et montrer au reste du monde ce que Naughty Dog est capable de faire. Car dans l'ampleur de sa production, TLOU2 n'est pas raisonnable non plus : sa technique, déjà hallucinante, s'efface pourtant devant la taille et la densité du jeu et de ses environnements. Un niveau de détail et de finition tout bonnement incroyable, sans équivalent dans l'industrie, qui pousse le joueur à trainer des pieds rien que pour admirer, bouche bée, le travail accompli par l'armée de designers qui a bossé des mois pour fignoler un détail qu'on ne verra au mieux que l'espace d'une poignée de secondes. Evidemment, cela pose la question fort délicate des conditions de production, qui n'ont clairement pas du être faciles, même avec 6 ans de production.


Mais là ou TLOU2 est encore moins raisonnable, c'est dans ce qu'il se permet de faire subir au joueur. Sans spoiler, le thème central du jeu est la vengeance, et il en parle de manière extrêmement crue, voire carrément cruelle, mais jamais gratuite. Et malgré une filiation évidente avec le cinéma, TLOU2 est bien un jeu, et c'est bien le joueur qui, responsable de ses actes, sera in fine boulversé par cette histoire terrible. Comme en 2013, la maitrise de la narration est presque totale et le jeu alterne des scènes d'une violence abominable avec des moments de grâce suspendus dont il a le secret. Alors oui, c'est vrai, cette alternance est un peu trop visible, surtout quand on la compare avec TLOU premier du nom. Mais qu'importe, la force du propos est telle qu'il est facile, très facile, de se laisser porter. C'est, comme pour le premier épisode, de très loin la plus grande qualité du jeu.


Alors bien sur, il a beau se présenter sous des atours de jeu d'auteur, TLOU2 reste tout de même une superproduction, un "quadruple A", avec des codes de jeu vidéo assez évidents (on y loote beaucoup). Evidemment, son Gameplay, sans reproche majeur et bien amélioré depuis TLOU1, n'est pas révolutionnaire, et dans la forme c'est tout bêtement un jeu d'infiltration mâtiné de third person shooter. D'accord aussi, la musique est plus discrète et moins marquante que celle du premier opus. Mais bon sang, son propos, ses personnages, et sa réalisation sont aussi beaucoup trop puissants pour être passé sous silence. Il est tout à fait possible de ne pas adhérer à TLOU2, mais en fin de compte, ce qui ne serait pas raisonnable, c'est de ne pas y jouer.

JipéF
9
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le 22 sept. 2020

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JipéF

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