Après avoir marqué tant de joueurs avec le premier opus, Naugthy Dog se devait de frapper fort avec The Last of Us Part II, en particulier sur le scénar. L'histoire est ici bien plus longue et ambitieuse que celle de The Last of Us, et a structure assez originale, qui plus est. Une prise de risque appréciable, mais un peu casse-gueule, et certaines choses passent moins bien.
Comme pour le premier jeu, le scénario ne vaut pas tant pour son discours (je sais bien que la vengeance c'est mal, c’était écrit dans les écrans de game over de modern warfare 2), mais pour sa manière de faire vivre son récit au joueur, à travers sa mise en scène, son écriture, et surtout le douloureux parcours de ses personnages, dont le traitement était la clé de la réussite du premier volet (D'ailleurs, si vous voulez un jeu avec un propos un peu plus profond sur la violence, y a Spec Ops: the Line). Et bien souvent, Naughty Dog est d'une très grande justesse quand il s'agit de transmettre des émotions, la mise en scène et le jeu d'acteur sont au top, et l'écriture est le plus souvent réussie. Mais pas toujours, car le titre se révèle un peu inconsistant sur ce dernier point. Avec l'enjeu de départ, la plus grande réussite du titre à ce niveau est le récit d'Abby, reflétant celui de Joël, et réussissant, à la manière du premier jeu, à nous attacher à un personnage dont on ne pensait pas forcément beaucoup de bien à la base. En revanche, si certains personnages secondaires sont très attachants dans cet acte, je suis resté complètement indifférents face à d'autres (Manny et surtout Mel). Mais le plus gros problème se situe dans l'arc d'Ellie. Qu'un personnage soit ambigu et face des actes immoraux, ça ne me pose pas de problème, à partir du moment où il y ait encore quelque chose qui m'attache encore un peu à lui, sa personnalité, ou au moins une qualité à laquelle s’accrocher. Il est difficile de s'attacher à Ellie (et donc de s'intéresser à son sort), car elle n'a rien de tout cela. Je pense que sa relation avec Dina est là, entre autres, pour lui apporter un peu d’humanité et de personnalité, mais ça ne fonctionne pas très bien, la faute à un manque d'alchimie entre les personnages, et le comportement général d'Ellie ne fait rien pour qu'on puisse s'identifier au delà de l'enjeu de départ. Je pense que cela est dû au fait que les développeurs ont avant tout pensé à l'efficacité du récit dans son ensemble, qui fonctionne bien, mais au prix d'un détachement complet vis à vis du personnage, ce qui n'était sans doute pas la volonté des scénaristes. C'est dommage surtout vis à vis du premier jeu, complètement construit autour de ses personnages. La fin aussi est perfectible, le combat final est clairement de trop (se terminer sur un silence aurait été, selon moi, bien plus marquant). Mais, encore une fois, le scénario reste efficace dans son ensemble, servi par une formule qui n'a jamais cessé d'être affinée depuis le premier Uncharted (heureusement).


Si les jeux Naughty Dog ont toujours été visuellement spectaculaires, les moments les plus marquants restent ceux qui conjuguent mise en scène et gameplay, l'exemple le plus éloquent restant la géniale course-poursuite d'Uncharted 4. Contexte oblige, The Last of Us II ne propose rien d'aussi pyrotechnique que les aventures de Nathan Drake, mais compense avec des enjeux narratifs bien plus forts. ND se sert aussi bien des cinématiques que des moments de jeux pour raconter son histoire, en réussissant à conjuguer mise en scène, narration et gameplay (et pas juste un vieux QTE), et ça c'est chouette. Le jeu représente ainsi un certain aboutissement de la formule ND. Après, une formule reste une formule, alors si les précédents jeux du studio ne vous plaisait pas, y a peu de chance que celui ci change la donne. Mais surtout, cette formule amène un certain degré de prévisibilité: à cause du rythme, de la construction du niveau ou de la forme de la narration, on a du mal à être surpris, on parvient à anticiper beaucoup de choses, en jeu mais aussi au niveau du scénario (la mort de certains personnages, par exemple). Seul le début du jeu change un peu la donne, en reprenant la structure plus ouverte aperçue dans Uncharted: The Lost Legacy. On retrouve aussi quelques aspects patauds des jeux ND, comme les chargements cachés à foison, ou encore ce moment ou le perso, seul ou non, balance "c'est fini' à la fin d'un combat. En plus c'est dommage, apporter un peu d'incertitude sur le nombre d’adversaires restants aurait été très efficace (F.E.A.R. fait ça bien, par exemple). Le gimmick le plus casse pieds reste ce moment où les persos pointe un marqueur visuel du doigt pour dire "c'est par là". En soit l'idée est chouette, ça renforce l'immersion en évitant au joueur de recourir à une map ou un marqueur, mais elle est tellement sur-utilisée dans ce jeu que ça a l'effet inverse, en vous rappelant que oui, c'est bien un jeu Naughty Dog. Pour dire un mot sur la présentation, la technique défonce pas mal, et les détails apportent beaucoup à la mise en scène des cinématiques et des combats (par contre c'est assez crade, sans doute trop, ça manque de subtilité). La direction artistique est superbe, même si les décors restent pour la plupart sur du post apo pas très osé visuellement (après c'est le contexte qui veut ça). L'ambiance sonore est également très réussie, surtout grâce aux musiques de Gustavo Santaolalla, qui propose une B.O. peut être même meilleure que celle du premier. L'atmosphère qui en résulte est drastiquement différente de celle du premier (que j'aimais beaucoup), mais est très réussie.


Quant au gameplay lui-même, on est largement au dessus du premier, qui était constitué d'énigmes à palettes et de combats un peu moyens, à cause de mécaniques basiques et d'une IA un peu pétée. Les bases restent largement les mêmes, mais notamment grâce un level design vraiment mieux fichu (y a un fossé entre les deux jeux) et d'une IA qui vous repère rapidement (elle pas trop mal en général, même si elle se réserve quelques beaux moments de conneries, elle se laisse très facilement contourner, par exemple), on passera son temps à fuir, contourner et utiliser ce qui nous passe sous la main pour s'en sortir, et ça marche plutôt bien. On est pas face à un jeu très complexe, et l'infiltration pure et dure n'est pas bien fascinante (d'où l'intérêt d'une IA vite alertée), mais contrairement au premier, ça fonctionne bien. Les combats au corps à corps aussi ont été revu, ça se joue toujours sur deux boutons mais c'est sympa. Les affrontements contre les infectés restent quant à eux bien tendus, même si c'est pas la foire aux nouveautés (deux nouveaux types d'infectés, dont un vraiment sympa). Le titre sait aussi apporter de la variété, déjà grâce aux séquences plus scriptées évoquées plus haut, ou encore grâce à des éléments qui viendront modifier votre approche d'un combat (un spot de sniper par ci, un groupe d'infectés pas loin des ennemis par là,...). J'aurais bien aimé plus de variété au niveau du level design, dont l'approche reste plus ou moins la même durant tout le jeu. A part la baston, vous aurez droit à de l'exploration assez similaire au premier (avec des cordes au lieu d'échelles) et à des petites énigmes pour ouvrir des coffres, un peu comme Dishonored, mais là ou vous donne généralement la réponse sur un petit bout de papier posé à 20 cm. C'est pas bien compliqué mais c'est bon pour le rythme (toujours aussi maitrisé). Au final les combats tiennent en haleine jusqu'au final (avec quelques longueurs, faut admettre), qui arrivera bien plus tard que celui du premier épisode. Certains se sont plaint de la durée, j'ai juste trouvé le dernier chapitre vraiment pas nécessaire, même si plutôt joli (si il avait apporté quelque chose au scénario, ça aurait pu, mais là, il y a pas grand chose).


La voie par Naughty Dog pour The Last of Us 2 ont coûté à la cohérence du personnage principal, ainsi qu'à l'attachement que j'ai pu éprouvé pour ce dernier. Quand bien même, le récit reste ambitieux, très efficace la plupart du temps et brillamment mis en scène. Du reste, c'est un très chouette jeu d'aventure, mettant à profit tout le savoir-faire des développeurs en matière de game design (même s'il serait temps qu'ils s'affranchissent un peu plus d'une formule dont les bases ont plus de 10 ans).

val990
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le 5 août 2020

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