Faites une série la prochaine fois (attention spoilers)

The Last of Us Part 2 (TLOU2 pour le reste de la critique) : comment aborder ce jeu ? Suite d’un monument de la génération PS3, problèmes de production, retours des joueurs… Le jeu a déjà fait couler beaucoup d’encre, et continuera encore d’en faire couler. Nous allons revenir en détail sur tous les aspects du titre tant attendu de Naughty Dog, mais avant ça, revenons sur le 1er opus.
The Last of Us sort en 2013, sous les acclamations de la presse et des joueurs. Véritable chant du cygne de la PS3, la pépite de Naughty Dog sera le jeu le plus récompensé de l’histoire du jeu vidéo, avant d’être détrôné 2 ans plus tard par un certain The Witcher 3. Je n’ai pas fini le jeu à l’époque, bien qu’ayant essayé tant bien que mal. Trop occupé par les études, il m’était impossible d’adhérer à ce jeu de zombies au gameplay aussi lent et lourd. C’est donc en 2019 que je me suis véritablement lancé sur le titre grâce à la version remastered, sortie sur PS4. Le jeu ne fut pas la claque escomptée, d’autres titres étant passé par là dans l’intervalle, notamment un certain… The Witcher 3. Il reste néanmoins un grand jeu, et il est facile de voir pourquoi il a fait tant de bruit à sa sortie. Avec son scénario mature et ses personnages ambiguës, il traite de thématiques que l’on avait à l’époque pas l’habitude de voir dans un jeu vidéo, en particulier celle de la paternité. Le scénario de TLOU est somme toute très classique et pas forcément très intéressant, on y retrouve tous les poncifs habituels des histoires post-apocalyptiques : des infectés, des choix moraux, des cannibales… Naughty Dog brille en réalité par l’écriture de ses personnages principaux : Joël et Ellie, entrés instantanément au panthéon des icônes du jeu vidéo, leur relation étant le socle autour duquel tourne TLOU. Traumatisé par la mort de sa fille, Joël se retrouve en charge d’Ellie, une adolescente immunisée au virus qui a ravagé le monde. ll doit l’amener au quartier général des Lucioles dans l’espoir de trouver un vaccin. S’étant attaché, tout comme le joueur, à ce qui au départ n’était qu’une livraison, Joël refusera de sacrifier celle qu’il considère désormais comme sa fille, condamnant ainsi l’humanité. Il massacre les Lucioles, y compris le chirurgien qui s’apprêtait à ouvrir le crâne d’Ellie... Le jeu se termine sur le mensonge de Joël, qui cache à Ellie se qu’il s’est véritablement passé dans l’hôpital. Une fin forte, ambiguë et terriblement poignante, qui consacre véritablement le jeu.
TLOU n’appelle pas une suite, le voyage de nos deux protagonistes étant terminé. Néanmoins, l’annonce est lâchée fin 2016 : une suite va voir le jour. Naughty Dog devra donc trouver le moyen de relancer l’intrigue, et le fera, au vu des bandes annonces, avec le moyen le plus éculé qui soit : la vengeance. Connaissant le studio, on s’attend bien à ce qu’il apporte tout de même son petit twist. Après une longue attente, le jeu sort enfin le 19 juin 2020 : l’occasion de voir enfin de quoi il retourne. Nous allons maintenant parler en détail (avec spoiler !) de ce deuxième opus : des polémiques, des ses grandes forces mais aussi de ses grandes faiblesses.

I. Une sortie sous haute tension

La sortie de TLOU2 ne fut pas un long fleuve tranquille. Annoncée une première fois en février 2020, elle est assez vite repoussée à mai 2020, avant d’être décalée en juin 2020 en raison de la pandémie qui frappe le monde réel (assez ironique considérant la trame du jeu).
En mars 2020, un scandale éclate lorsque les conditions de travail du studio sont révélées. La culture du crunch, de plus en plus dénoncée ces dernières années (on se souviendra du scandale précédent la sortie de Red Dead Redemption 2 ou des révélations sur les coulisses de CD Projekt Red), semble particulièrement intense chez Naughty Dog. Suite au travail intense fourni sur Uncharted 4, le précédent titre du studio, une partie des développeurs expérimentés aurait quitté le navire, laissant Naughty Dog avait une équipe moins expérimentée. Leur réputation est telle que le studio peine à recruter. Il ne s’agit pas ici de faire de la morale ou d’appeler au boycott des jeux Naughty Dog, mais simplement d’alerter sur les conditions de travail parfois extrême que l’on trouve au sein de l’industrie. Si l’on comprend bien que pour fournir un jeu d’une qualité incroyable il faudra fournir le travail nécessaire, il est intolérable que cela passe par la souffrance de salariés mal payés et mal considérés.
Les mésaventures du studio ne s’arrêtent pas là : vers la fin avril 2020, des fuites apparaissent sur le net, dévoilant des points clés du scénario, sous la forme notamment de séquences de jeu complètes. Ces éléments ne plaisent manifestement pas à une partie des joueurs, ce qui déclenche leur colère, de la manière la plus saine et mature qui soit. Un point en particulier fait débat, mais nous y reviendrons dans la partie suivante.
Évidemment, les polémiques ne s’arrêtent pas là, car il ne faudrait pas que les « gamers » puissent rater une occasion de passer pour des cons n’est-ce pas ? Suite aux fuites qui parlent d’un personnage transgenre et du trailer sorti à l’E3 2018 qui montre une Ellie désormais âgée de 19 ans embrasser Dina, une autre… fille, Naughty Dog se voit accuser de faire de la propagande pro LGBT. Laissez moi le temps de sortir mon club de golf, parce que cette fois je vais m’énerver pour de bon. Le jeu prend à peine quelques minutes (sur une vingtaine d’heures!) pour remettre à sa place un vieux conservateur. Si montrer que les personnes LGBT existent, sont des personnes comme les autres et ne méritent pas de se faire insulter, est de la propagande pro LGBT, le problème ne vient peut être pas de Naughty Dog, mais plutôt des « gamers » qui ont encore une fois perdu l’occasion de se taire pour ne pas passer pour des connards sexistes et homophobes.
A sa sortie, TLOU2 reçoit des critiques dithyrambiques de la part de la presse et d’une partie des joueurs, tandis qu’une autre partie, ayant de toute façon décidé de détester le jeu, se permet de poster en masse des notes négatives sans y avoir touché. Cela n’empêche pas le titre de s’écouler comme des petits pains, se vendant à 4 millions d’exemplaires en 72h, détrônant ainsi Spider-man.

II. Premier contact avec le jeu

On va détailler dans cette partie ce qui correspond environ aux 5 premières heures de jeu. TLOU2 s’ouvre sur l’arrivée de Joël et Ellie à Jackson, ville où des survivants ont réussi à recréer un semblant de civilisation. Joël apprend la guitare à Ellie, dans des scènes très touchantes construisant sur les fondations du premier jeu. Un vrai papa poule, ce Joël. Ce qui frappe d’emblée dans les premières moments de gameplay, et ça restera une constante pour toute la durée du jeu, c’est la technique. Les animations (faciales et corporelles), les effets de lumières et météorologiques, la fluidité générale, on est sur ce qu’il s’est fait de mieux sur PS4. On n’est pas sur une aussi grosse claque qu’avait pu l’être à sa sortie le premier opus parce que des titres comme God of War ou Red Dead Redemption 2 sont au moins aussi beau que TLOU2, mais il est indéniable que Naughty Dog sait tirer le meilleur du matériel Sony, surtout lorsque la direction artistique sert la mise en scène, comme on le verra plus tard.
Passé l’ouverture, le jeu fait un bon de 4 ans, et on retrouve Ellie qui s’apprête à partir en patrouille avec Dina, présentée dans le trailer de l’E3 2018. On retrouve ici tout le talent d’écriture de Naughty Dog, qui sait en quelques lignes de dialogue créer l’illusion de personnages vivants et réels. La patrouille des deux femmes fait office de tutoriel, et l’on (ré)apprend toutes les mécaniques de jeu, qui n’ont pas changées d’un poil depuis le premier opus. Le jeu en profite pour développer le lien qui unit nos deux personnages, qui se découvrent et s’avouent l’une à l’autre avec beaucoup de tendresse. En parallèle, la longue introduction nous place dans les bottes d’Abby, une mystérieuse femme, dont le groupe semble chercher quelqu’un à Jackson. Le joueur attentif ne peut que comprendre ce qu’il va se passer. Au cœur du blizzard, poursuivis par une horde d’infectés, Abby, son groupe, Joël et son frère Tommy s’abritent dans un refuge non loin de Jackson. Ils seront bientôt rejoints par Ellie et Dina. C’est là, après environ 2h30 de jeu, que le couperet tombe : Joël meurt, assassiné sous les coups d’Abby. Évènement qui déclenche une tempête de haine de la part de certains joueurs dirigée vers le personnage (compréhensible), vers le studio (pas normal), mais aussi vers l’actrice ayant prêtée sa voix à Abby, Laura Bailey, ce qui est totalement inacceptable. Je ne comprends pas comment de telles réactions sont possibles. Joël, bien qu’iconique, n’est qu’un personnage de jeu vidéo, et menacer de mort les scénaristes ou les acteurs n’a aucun sens. Que le joueur soit choqué, révolté face à ce choix scénaristique aussi audacieux que pertinent, c’est tout à fait normal et attendu, mais ça ne reste que de la fiction. Une énième preuve s’il en est du manque criant de maturité, de bon sens et d’intelligence culturelle d’une partie des « geeks ». Franchement les gars, vous nous faite honte.
Évidemment, Ellie jure de se venger et part donc pour Seattle, d’où vient le groupe d’Abby, accompagnée de Dina. La très longue mais complète introduction s’arrête ici, et commence alors le cœur de l’intrigue, qui sera découpée en 3 journées passées dans la ville. Le début de la première journée nous intéresse particulièrement, car elle met en œuvre un game design différent de ce à quoi Naughty Dog nous avait habitué dans l’opus précédent. En effet, le jeu nous propose d’explorer une zone semi ouverte, sous la forme d’un quartier de Seattle. Le joueur, muni d’une carte qui se remplit au fur et à mesure de l’exploration, a la possibilité de découvrir les différents points d’intérêts dans l’ordre de son choix, et de pénétrer ou non dans différents bâtiments totalement optionnels. Cette section du jeu est extrêmement engageante, la carte et les différentes remarques des personnages guidant le joueur, ce qui pousse à explorer le moindre recoin de la zone. S’introduire dans une banque infestée de zombies, trouver la clé de l’animalerie aperçue plusieurs minutes auparavant, fouiller une synagogue… Le tout accompagné de Dina. Le jeu alterne ainsi les moments tranquilles, à dos de cheval entre les bâtiments, où les personnages peuvent discuter, et les moments de tension, durant la fouille des dits bâtiments, qui peuvent cacher le danger dans le moindre recoin. Tout l’enchaînement de la zone, les différentes énigmes, l’écriture des dialogues, et notamment cette scène cachée dans le magasin de musique où Ellie se permet une reprise déchirante de « Take on Me » font de ce passage une brillante réussite de la part de Naughty Dog, qui manipule totalement le joueur pour l’emmener là où il le souhaite. Ainsi, les 5 premières heures de jeu, composées de l’introduction et de cette séquence en zone semi ouverte, sont un pur régal.

III. Un jeu coup de poing

Outre les 5h premières heures qui sont, répétons le, excellentes, TLOU2 est une réussite sur bien des plans, à commencer par le gameplay. Sensiblement le même que celui du premier opus, on est toujours dans un jeu de tir à la 3e personne, orienté globalement infiltration. On a toujours l’écoute active pour repérer les ennemis, la possibilité de les tuer discrètement, le système de craft d’équipement, les pilules pour acheter des compétences… Le gameplay est cependant fluidifié, par des animations très soignées, la possibilité de ramper et de se cacher dans les herbes, la possibilité de faire des éliminations rapides… Alors évidemment ça n’est toujours pas le meilleur gameplay du monde, mais il fonctionne sans accroc et on ne peut que le compter comme un réussite. Naughty Dog, fort de son expérience, propose également quelques séquences de grimpette ou de tir sur rail (en voiture ou à cheval) qui semblent issues tout droit de la saga Uncharted. Un point à noter est l’intelligence artificielle, qui ne semble pas du tout artificielle. S’il est très simple de mener les zombies par le bout du nez, les ennemis humains peuvent donner du fil à retordre et mettre à mal les tentatives d’infiltration bâclées. Ils appellent du renfort lorsqu’ils repèrent le joueur, n’hésitent pas à l’encercler, utilisent des chiens pour le déloger… Il faudra de bonnes capacités adaptation et de très bons réflexes pour se tirer de situations parfois très tendues !
L’une des plus grandes réussites du titre est sans équivoque l’ambiance générale, portée par une excellente mise en scène. L’exploration des recoins d’une Seattle dévastée est un plaisir, entre moments de beauté froide et tension absolue face à l’horreur. Entre les couloirs du métro nimbés d’un éclat rouge, un bateau échoué ou une forêt hostile éclairées par des torches, le jeu regorge de passages marquants visuellement. S’il est bien une image qui hante le joueur, c’est cette pluie, omniprésente les derniers jours à Seattle, comme pour souligner le drame qui se joue entre les personnages. On pourrait presque ressentir la morsure du froid et de l’humidité, trempés jusqu’au os, les mouvements alourdis par des vêtements gorgés d’eau…
Une des forces de Naughty Dog, et ce depuis le 1er opus, et sa capacités à alterner entre des moments très durs, et des moments d’une tendresse insoupçonnée. Le studio illustre cette capacité aussi bien durant les 3 jours à Seattle, que grâce à des flashbacks qui permettent de lever le voile sur les 4 ans qui se sont écoulés depuis le massacre des Lucioles. Une séquence en particulier ressort nécessairement, celle de l’anniversaire d’Ellie, qui met en scène l’adolescente accompagnée de Joël dans un musée. Impossible, dans le contexte, de ne pas être ému en retrouvant nos deux personnages fétiches, partageant un moment de joie, coupé de la violence du monde extérieur. Ces flashbacks ne sont pas que joie et bonne humeur, loin de là, mais ils offrent une pause bienvenue durant la partie.
Le volet thématique du jeu est en demi teinte, mais parlons d’abord de ce qui est réussi. On l’a vu, le jeu démarre comme une histoire de vengeance classique : un personnage (Ellie) voit un autre personnage (Joël) se faire tuer sous ses yeux par un troisième personnage (Abby). Ellie souhaite donc tuer Abby, et le joueur, qui la suit depuis le 1er opus, se range naturellement de son côté. Sauf que bien sûr, Naughty Dog prend le contre-pied d’une histoire simple, et conte une tragédie en 2 grosses parties, qui parle finalement plus du pardon que de la vengeance. Le joueur va en effet expérimenter ces 3 journées fatidiques à Seattle à travers les yeux des 2 personnages : Ellie et Abby. On découvre ainsi que le père d’Abby n’est autre que le chirurgien tué par Joël à la fin du premier jeu, ce qui explique la vendetta à laquelle le joueur assiste, impuissant, durant l’introduction. Les deux parties, orientées chacune autour des 3 jours et des flashbacks, montrent une construction en miroir des deux femmes. Là où Ellie s’enfonce de plus en plus dans la rage et les actes violents, perdant une part d’elle même, Abby apprend à écouter l’autre, l’ennemi, à travers de Lev et sa sœur, deux fuyards de la secte des séraphins. Là où Ellie traque, Abby cherche à récupérer des médicaments. Le jeu cherche à montrer que tout n’est qu’une question de point de vue, que la vengeance d’Ellie n’est pas plus justifiée que la vengeance d’Abby, que tout n’est qu’un cercle vicieux de violence. Les deux personnages perdent tout dans leur quête (amis, famille), qui les amènera plusieurs fois à s’affronter, avant de finalement décider de laisser l’autre vivre… Ellie en particulier, devra faire face au mensonge de Joël, avant de lui pardonner. Le fait de placer le joueur aux commandes d’Abby est un choix encore une fois très audacieux de la part de Naughty Dog. Il permet de créer l’empathie avec un personnage détesté au 1er abord, afin de pouvoir le comprendre et le pardonner.

IV. Un jeu maladroit

Si la note d’intention de Naughty Dog est bonne, et les thèmes abordés de manière assez pertinente, l’ensemble est tout de même vraiment maladroit et manque totalement de subtilité. Dire que la vengeance c’est mal, faire partager le point de vue d’un personnage antagoniste, ça n’a rien de novateur, et ce peu importe le support (jeu vidéo, cinéma, littérature). C’est du vu et revu, comme l’était le thème du premier jeu. Toutefois ce dernier réussissait à se démarquer par l’écriture de ses personnages principaux et la manière dont leur relation évoluait de manière fluide et spontanée. Ce n’est pas le cas ici. Durant tout le jeu, j’ai l’impression d’avoir été face à une étude de personnage : tout est fait pour justifier le thème. Le message est tellement martelé que l’histoire en devient totalement téléphonée. Les sous scénarios, par là j’entends ce qui fait bouger les personnages à un instant t, pas l’objectif global donc, sont inintéressants au possible. On progresse de McGuffin en McGuffin en espérant avoir quelque chose d’enfin pertinent par rapport à l’histoire. Impossible de s’attacher aux personnages secondaires, qui viennent et disparaissent aussi sec de l’histoire, sans qu’on ait réellement le temps de s’y attacher. Les seuls qui sortent du lot sont Dina, grâce aux première heures de jeu, mais qui n’a finalement pas un grand rôle dans la suite, et Lev, qui permet de porter une réflexion intéressante sur l’identité et le sectarisme.
Le découpage en 2 parties détruit totalement le rythme du jeu. A la fin du 3e jour, on atteint enfin le climax d’Ellie après des péripéties globalement inintéressantes, pour se faire couper et ramener 3 jours en arrière et suivre l’histoire d’Abby. On doit alors tout reprendre à 0 (équipement, compétences etc), alors même que la lassitude s’est installé depuis plusieurs heures ! En effet, le jeu est beaucoup trop long. Il m’a fallu un peu plus de 23h pour en venir à bout, soit 10h de plus que le premier épisode. C’est beaucoup trop pour un jeu dont le gameplay n’évolue pas. Les affrontements s’enchaînent et se ressemblent tous, et on en vient à avancer en mode pilote automatique, par pure envie de voir la suite de l’histoire et non par plaisir de jeu. De plus, l’histoire d’Abby est complètement déconnectées de celle d’Ellie. On a donc l’impression de suivre une immense quête annexe sur plusieurs heures, avant d’enfin raccrocher les wagons à la toute fin… Il aurait peut-être été plus pertinent de mélanger les deux parties, notamment pour créer l’attachement avec le groupe d’Abby avant qu’il ne se fasse tuer par Ellie ? On aurait ainsi obtenu peut-être une expérience plus solide.
Le gameplay par ailleurs rentre en totale collision avec l’histoire racontée. Le jeu veut nous parler de pardon, nous montre notamment les actions d’Ellie sous un jour négatif (torture, meurtre), mais les deux personnages ont, toutes deux, tué un nombre incalculable d’adversaires. Pourtant le jeu est conscient de ce soucis, et essaye d’humaniser les personnages non joueurs : ces derniers s’appellent entre eux par leurs prénoms, ils ont des petites conversations, etc. Cependant l’illusion ne tient pas face aux multiples affrontements, et même l’ultra violence ne permet pas d’oublier que l’on est face à des faire valoir qui sont là uniquement pour permettre au joueur de… jouer. Dans ce contexte, aucune remise en question des actions des personnages n’est possible, puisque c’est le scénario qui décide quand c’est mal ou pas de tuer quelqu’un.
Il en résulte un manque d’implication du joueur, qui sent bien que le jeu auquel il joue, ses actions donc, rentrent en contradiction avec ce qui est raconté dans les cinématiques. Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas tuer Abby, puisque de toute manière je viens de massacrer 50 personnes pour arriver jusqu’à elle ? A aucun moment le joueur ne peut s’interroger sur les conséquences de ses actes vu qu’il ne contrôle rien en réalité. Et ça, après la sortie de jeux comme Red Dead Redemption 2, la trilogie Metro ou les Dishonored, qui réagissent au comportement du joueur, ça n’est plus possible. Si c’est pour faire un jeu au gameplay qui devient rébarbatif au bout de quelques heures à appuyer sur R1 pour voir les ennemis en surbrillance et à fouiller des pièces pour trouver des pilules qui de toute façon sont inutiles, sans aucun contrôle sur les actions des personnages que l’on suit, autant regarder une série télé.

La conclusion paraîtra rude, mais elle est le résultat d’un constat simple : quand c’est un soulagement de pouvoir poser la manette et suivre une cinématique, c’est qu’il y a un soucis. Naughty Dog a voulu proposer une expérience sans concession, et ça a le mérite d’être salué. Le résultat final n’est pas exempt de défauts (comme semble l’indiquer les notes totalement abusées remises par la presse), mais c’est loin d’être la catastrophe abjecte dépeinte par les joueurs. Non, The Last of Us part 2 est un très bon jeu, qui m’aura marqué par bien des manières. Il me reste des souvenirs incroyables, des moments marquants, mais également beaucoup de frustration et de lassitude. C’est un jeu que je ne referais sûrement pas en entier, de peur de me gâcher les bons souvenirs, mais il est certain que je reverrais certains passages avec grand plaisir. Est-ce que TLOU2 était indispensable ? Sans doute pas, surtout lorsque l’on connaît les conditions de développement. Est-ce que c’est un jeu important ? Sans aucun doute, par les réactions qu’il a provoqué, les discussions qui le suivront, et le message porté qui, bien que maladroit, est important, surtout ces dernières années.

FloSnow
7
Écrit par

Créée

le 4 déc. 2022

Critique lue 347 fois

FloSnow

Écrit par

Critique lue 347 fois

D'autres avis sur The Last of Us Part II

The Last of Us Part II
F_b
5

Imagine jouer des personnages que tu détestes pendant des dizaines d'heures.

(Pas de spoilers, je resterai aussi évasif que possible sur le scénario.)Je suis amer. Non parce que le jeu et son histoire sont différents de ce que j'attendais. J'attendais rien. Non parce que ces...

Par

le 3 sept. 2022

93 j'aime

50

The Last of Us Part II
Nicolas_S
10

Every, last, one of them.

(Critique avec spoiler) Le générique se lance et la sensation est la même, celle du vide, d’avoir une seconde fois vécu quelque chose d’unique. The Last of Us se plaçait comme un récit d’espoir,...

le 25 juin 2020

57 j'aime

7

The Last of Us Part II
LeMalin
9

No country for Young Girls

C'était un après-midi humide à Seattle. Une virée en centre-ville, loin de la journée shopping habituelle. Dans les boutiques : reliques d'une vie lointaine, bricoles à amasser, silences de...

le 4 août 2020

56 j'aime

1

Du même critique

Diamants
FloSnow
9

La poésie faite prose

Il y a ces récits qui créent des univers foisonnants. Il y a ces récits qui proposent une histoire haletante. Il y a ces récits qui font vivre des personnages profondément humains. Et puis il y a...

le 31 mars 2021

1 j'aime

Entre le ciel et l'enfer
FloSnow
8

Le grand-père de Parasite

Entre le ciel… Le ciel, c’est la demeure de Mr Gondo, membre du conseil d’administration d’une grande industrie de la chaussure. C’est une maison spacieuse, lumineuse, perchée sur une colline et donc...

le 14 juin 2020

1 j'aime

Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver
FloSnow
8

Critique de Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver par FloSnow

Un conte macabre et horrifique, qui vient faire un pied de nez aux poncifs habituels de la fantasy épique. L'entrée dans le récit est un peu difficile passé les deux premiers prologues, tant le style...

le 3 nov. 2021