Every last one of them... (Spoiler partout)

Il m'a fallu du temps pour écrire cette critique car j'ai dû prendre le temps de le digérer... et puis de le refaire aussi pour obtenir le Platine.

Pour rappel : la critique qui va suivre est un avis personnel, évidemment.

Je ne vais pas parler en détail de gameplay ou de technique ici. Vous avez déjà lu suffisamment de choses là-dessus, vous savez déjà que le jeu est sublime et que le gameplay est bon et efficace, sans être révolutionnaire.

Je vais plutôt m'attaquer à l'histoire.

Le début et la mort

Le premier opus nous laissait sur une fin à la morale ambiguë mais terriblement humaine, ce Part 2 s'ouvre lorsque Joël confie à son frère ce qu'il a fait et celui-ci... avoue qu'il aurait fait la même.

La première chose qui m'a marqué sur The Last of Us Part II, c'est que Naughty Dog ne recule à aucun moment devant les idées et thèmes qu'ils ont souhaités mettre en avant, jamais. A chaque fois que je me suis dit "Hmmm, ça, ils vont plutôt faire comme ça" mais non, quitte à s'attirer la foudre des abrutis... pardon, des g@m3rz.

Ça commence dès le début avec la mort de Joël.

C'est froid et brutal. N'importe quel jeu de cet ampleur aurait offert un baroud d'honneur digne des films hollywoodiens mais pas ici. Même si c'est un personnage emblématique et déjà culte. Joël meurt sans éclat.

C'est d'ailleurs quelque chose qui reviendra beaucoup durant le jeu. La mort frappe et elle ne frappe pas de manière classe et elle est toujours imprévisible. Le moment le plus emblématique pour moi de ce côté est la mort de Jesse.

Ce personnage avait encore des choses à raconter, vis à vis de sa relation avec Dina. On sait aussi qu'il sait bien se battre et pourtant, il meurt de manière extrêmement brutale, sans action héroïque de sa part. Son histoire s'arrête là, comme dans la vraie vie, peu importe ce qu'une personne peut encore avoir à raconter comme histoire, si la mort frappe, c'est terminée.

Ce genre de scène m'a fait lâcher des "Putains...", vous savez ce "Putain" qui sort dans un soupir stupéfait.

C'est aussi ce "Putain" qui m'a fait sentir que j'étais dans un jeu où n'importe personnage important pouvait mourir à tout moment. Je n'avais pas ressenti ce sentiment de danger dans un jeu vidéo depuis longtemps et ça m'a fait du bien, j'ai vécu chaque moment de tension, chaque cinématique où Ellie était en danger, avec une intensité rarement ressentie.

Ellie

Ellie justement, j'ai adoré ce personnage autant que je l'ai détesté. Dès son premier meurtre, on sent qu'elle se plonge dans un enfer de violence qui ne cessera de s'amplifier jusqu'à un final absolument terrible.

Ellie est une femme meurtrie dont la seule famille lui a été arrachée, le seul lien lui restant avec Joel étant le fait qu'elle joue de la guitare comme il lui a apprit. Même si le jeu nous montre au début que quelque chose ne fonctionne plus comme avant entre elle et Joel. Et pour cause, ce dernier a fini par lui avouer qu'il avait condamné l'humanité, ni plus ni moins, pour la sauver (et, sans vraiment le dire, ne pas perdre de nouveau une fille). C'est un coup de massue pour Ellie qui avait un objectif dans sa vie et qui savait que c'était la chose la plus juste à faire.

Cette révélation donne une scène extrêmement poignante à la fin du jeu mais on y reviendra plus tard.

L'histoire est donc une lente gradation dans la violence, celle que Ellie (sans tomber dans le quasi "torture porn" d'un Tomb Raider 2013, la jeune Ellie en prend quand même plein la tronche ) subit mais aussi celle qu'elle fait subir aux autres, d'abord dans une optique de protéger un être aimé (quand Dina est attaquée) et ensuite de manière totalement gratuite et brutale.

L'apogée est évidemment lorsqu'elle retrouve Mel et Owen dans l'aquarium. On peut certes arguer que c'est de la légitime défense et ça en est mais on sait aussi que Ellie est quelqu'un d'assez fort pouvoir désarmer et mettre KO ses adversaires sans les tuer mais à partir de ce moment, Ellie n'a plus de retenue, elle tue, peu importe son agresseur. C'est là que son dernier rempart psychologique tombe, elle tue une femme enceinte.

Ellie n'est malheureusement pas aidé par le seul morceau de famille qui lui reste en la présence de Tommy, ce dernier ayant décidé de ne rien lâcher et de mener sa vengeance jusqu'au bout, semant une traînée de corps sur son passage. Notamment celui de Leah, torturée et tuée. Schéma que Ellie répétera sur Nora.

Abby

C'est un peu après que la seconde partie du jeu commence et nous met... dans la peau de Abby, celle qui a tuée Joel. Celle dont on découvre qu'elle est la fille du chirurgien qui devait opérer Ellie.

On comprend assez rapidement ce que le jeu veut faire et c'est absolument brillant. On entre donc dans la peau de l'antagoniste qui n'en est finalement pas un. En effet, Abby souhaite se venger de la mort d'un proche, combien de fois avons-nous été mis dans la peau d'un vengeur érigé en héros et dont le succès de sa vengeance est célébrée, généralement, dans un happy ending ? Plein de fois.

Abby est aussi un personnage que l'on peut qualifier d'atypique dans le monde du jeu vidéo (et du divertissement de fiction en général), elle a un physique impressionnant et ne correspond pas au canon de beauté que l'on a l'habitude de voir (je choisis le terme "canon de beauté" on purpose car sachez que si vous n'aimez pas le jeu parce que vous trouvez Abby moche, sachez que ce n'est pas vous qui décidé de ce qui est beau ou non, et vous êtes aussi un gros con mais ça vous le savez déjà au fond ).

C'est rafraîchissant évidemment et ça colle bien au fait que The Last of Us se veut, dans la mesure du raisonnable pour ce type de jeu, réaliste.

Abby est d'abord dépeinte comme froide et distante. Petit à petit, elle se dévoile pour montrer qu'elle est une femme sensible, aimante et surtout : prête à aider les personnes en détresse. C'est ainsi qu'elle se lie d'amitié avec Lev (un personnage touchant très intéressant, une sorte de Mulan du futur, possiblement une mise en avant de la transsexualité aussi, même si ce n'est jamais clairement dit) et Yara (la seule a avoir une mort que l'on pourrait considérer comme "héroïque") malgré le fait que les deux viennent d'un groupe ennemi.

On apprend aussi que Abby et le groupe que l'on voit au début du jeu et qui attaque Joel était très soudé avant que cette vengeance accomplie ne fissure petit à petit cette solide amitié qui a fini par, quasiment, voler en éclat. Surtout entre Abby et Mel.

Un morceau d'histoire à rapprocher à celle de Ellie et Joel, où le besoin de pardon a une place importante. Abby souhaite faire amende honorable auprès de Mel, chose qu'elle ne pourra jamais faire à cause de Ellie.

Abby rentre de nouveau dans le cycle de la vengeance, avec Lev, elle part traquer Ellie qu'elle retrouve dans une salle de théâtre. Ici, elle tuera Jesse et blessera gravement Tommy avant d'affronter Ellie.

Affrontement où Ellie ne fait évidemment pas le poids. Abby a une supériorité physique certaine et un entraînement militaire (il suffit de voir la façon dont elle tient ses armes). Ellie se fait massacrer et se fait sauver in extremis par Dina (qui est enceinte, miroir de Mel donc).

Abby s'en prend à elle, Ellie lui dit qu'elle est enceinte mais Abby n'en a que faire, elle s'apprête tuer Dina. C'est une juste rétribution pour elle mais heureusement, Lev l'interrompt, complètement effrayé par ce déchaînement de violence de la part de Abby.

C'est à ce moment que Abby démontre la supériorité de sa morale mais aussi de sa "bonté". Abby relâche Dina et averti Ellie qu'elle ne veut plus jamais la revoir.

Abby a perdu tout ses amis ainsi que l'homme qu'elle aimait (Owen), des morts qui sont en parti de sa "faute" car elle a laissée Ellie en vie une première fois et pourtant, elle la laisse vivre de nouveau. C'est un message fort qui est envoyé par le jeu. Le cycle de la vengeance est brisée.. ou presque.

Le cycle de la vengeance

Le jeu nous plonge plusieurs après les événements précédents.

Abby et Lev sont à la recherche des lucioles, recherche qui se passeront mal et un groupe malintentionné nommé les Crotales vont les enlever après que Abby ai pu entrer en contact avec

Le jeu nous ramène ensuite dans la peau de Ellie, vivant dans une ferme avec Dina (avec qui elle entretient une relation amoureuse fort bien amenée) qui a accouchée. Ellie semble se sentir bien avec sa petite famille. Hormis le fait que Ellie a une sorte de syndrome post traumatique qui se déclenche lors d'enchaînement de certains événements. Cependant, ses idées de vengeance semblent être désormais loin.

Jusqu'à ce que Tommy arrive à la ferme. Il est important de noter que ce dernier est une sorte de personnification des dommages causées par cette vengeance, il est défiguré, boîte au point de ne plus pouvoir traquer Abby lui même et sa relation avec sa femme est désormais terminée (enfin, en hiatus selon ses dires mais les termes choisit montre clairement que c'est terminé).

Ce dernier revient pour indiquer à Ellie qu'il a trouvé une piste et que la traque continue.

C'était le prétexte que Ellie attendait pour pouvoir continuer sa vengeance, on le sait, on le sent. Tout les arguments du monde ne pourront pas la retenir car quelque chose la pousse à aller jusqu'au bout. Ce n'est pas la folie, c'est autre chose.

Ellie quitte donc la ferme laissant Dina en larme dans son sillage.

La dernière passe d"arme

Ellie traque donc Abby, on peut remarquer qu'elle est totalement désabusée. Elle est presque en dehors de son esprit, comme si elle fonctionnait en mode automatique, une sorte de robot.

Elle fini par retrouver Abby, sur une plage, attachée à un poteau et dans un piteux états (elle a été puni par les Crotales pour avoir tenté de s'enfuir). Ses muscles ne sont plus qu'un lointain souvenir, son visage est émaciée, son corps est meurtri.

Ellie libère Abby, cette dernière libère Lev, qui est inconscient, puis se dirige vers les barques sur la plage suivi par Ellie.

Ellie ne veut pas laisser partir Abby, elle VEUT son combat mais Abby refuse. Ellie menace de tuer Lev.

L'affrontement entre les deux femmes commencent alors, cette fois, elles sont au même niveau. C'est un affrontement qui, niveau gameplay et mise en scène, n'est pas sans rappeler le final de Metal Gear Solid 4 entre Snake et Ocelot.

Les deux femmes se battent donc sauvagement, Ellie se fait arracher deux doigts (annulaire et auriculaire) par Abby avant qu'elle ne puisse prendre le dessus et tente de noyer Abby. Une scène intense, j'en tremblais sur ma manette, la musique s'arrête, le son devient sourd et plus lourd, les images sont entrecoupés d'insert rapide de Joel... et finalement Ellie s'arrête et relâche Abby avant de lui dire de partir.

Ellie reste sur la plage, en larme.

Elle reste là, seule.

Tout perdre

Ellie revient à la ferme. Celle-ci a été vidée, Dina est parti depuis longtemps sûrement.

Ellie est silencieuse, elle semble... encore plus vide qu'avant.

Elle monte à l'étage et retrouve sa guitare. Elle essaye d'en jouer mais les accords sonnent faux, ses doigts manquants ne lui permettent plus de jouer correctement. Son dernier lien avec Joel est brisé, perdu à jamais.

Un dernier flashback nous montre Joel et Ellie discutant sur le porche de la maison. On ressent encore cette gêne entre les deux. Ellie pose ses conditions pour que Joel soit moins un "papa poule", il l'encourage dans sa relation avec Dina comme un bon père le ferait, le sujet du sauvetage de Ellie revient sur le tapis et Joel confirme que si c'était à refaire, il referait la même chose sans hésiter, prouvant son amour inconditionnel envers Ellie. C'est à ce moment que le coup d'éclat arrive :

Ellie : I just... I don't think I can ever forgive you for that... But I would like to try.
Joel : I'd like that.

Au-delà de la performance d'acteur extraordinaire (vraiment l'acting à ce moment est sûrement le meilleur que j'ai pu voir de toute ma vie dans un jeu vidéo), on comprend a quel point le pardon de Ellie est d'une importance capitale pour Joel et Ellie le sait.

Sauf que Joel meurt sans jamais que Ellie puisse lui dire qu'elle lui pardonnait.

C'est à ce moment là que le moteur de la vengeance de Ellie prend tout son sens, elle ne cherchait pas vraiment à venger la mort de Joel, elle cherchait juste un moyen de catalyser le fait qu'elle pense que Joel est mort en pensant qu'elle le détestait toujours pour ce qu'il a fait. Une pensée qui semble insupportable pour la jeune femme. Elle lui a pardonnée mais elle n'a jamais pu lui dire, elle ne pourra jamais.

Ellie arrête de jouer de la guitare et la dépose au coin de la fenêtre, elle prend son sac et décide de partir, nous voyons son départ depuis la fenêtre. Alors que nous avons toujours côtoyé ce personnage de près durant la quasi totalité du jeu, c'est la première que nous l'avons en plan éloigné. Ellie laisse son passé derrière elle, nous avec. Il n'y a plus rien pour elle ici, elle a tout perdu.

C'est dur quand même

La fin du jeu est juste et terriblement amer. Il n'y a pas de gagnant dans ce The Last of Us Part 2, il n'y a que des défaites totales et des victoires à la Pyrrhus.

J'ai beau essayé de me rappeler mais aussi loin que mes souvenirs de joueur puissent me ramener, je ne me souviens pas d'un jeu ayant une histoire aussi brutale et pourtant subtile sur plein d'élément. Je n'ai pas souvenir non plus d'avoir joué à un jeu avec une fin aussi terrible pour ses protagonistes (je met volontairement de côté les jeux où l'on a des fins différentes et où la mauvaise fin est généralement non canonique).

Évidemment le jeu a des défauts (la partie avec Abby aurait mérité d'être un peu plus courte par exemple ou d'avoir un twist de gameplay plus important) mais il n'en reste pas moins extrêmement maîtrisé sur la plupart des points et notamment sur cette narration complètement folle qui m'a fait revenir sur le jeu dès que j'avais un moment de libre.

Cette narration et cette histoire qui m'a prise aux tripes de la première à la dernière seconde, qui m'a fait sourire et souffler du nez lors de certains dialogues amusant (il faut noter que, comme le premier, les dialogues sont d'un naturel absolument saisissant), j'ai eu peur pour les personnages, j'ai lâché des "Non, non, fais pas ça", j'ai dû faire des pauses lors de moments parfois un peu trop intense émotionnellement, j'ai eu les larmes aux yeux, j'ai aussi pleuré.

The Last of Us Part 2 est un grand jeu parce qu'il ose prendre le joueur par la main pour l'entraîner dans des trucs qu'il n'a pas l'habitude de voir dans un jeu et c'est une bonne chose.

J'espère qu'il y aura un après The Last of Us Part 2, que des développeurs prendront exemple sur cette histoire et cette narration pour livrer des propos plus matures, plus durs et traiter de sujet qui n'ont sois disant pas sa place dans le jeu vidéo car c'est pas politique le jeu vidéo (sachez que j'ai ricané très fort en tapant cette phrase).

J'encourage tout le monde à jouer à cette pépite et si vous l'avez déjà fait... Bah refaites le, vous avez autre chose à faire en attendant Cyberpunk 2077, de toute façon ?