Qu’il est compliqué de parler d’un (très) vieux jeu vidéo, surtout quand il s’agit d’un monument comme le tout premier « The Legend of Zelda ». En effet, impossible de ne pas lui reconnaitre le mérite d’avoir ouvert la voie à toute une saga absolument merveilleuse et fondamentale dans l’histoire du dixième art. Mieux encore, comment ne pas prendre en considération le fait que ce jeu est peut-être celui qui a posé toutes les bases d’un genre tout entier : l’action-aventure ?


Seulement voilà, entre 1986 – date de sortie de ce jeu sur NES – et aujourd’hui (août 2018 au moment de la rédaction de cette critique), il s’en est quand même passé des choses dans le monde du jeu vidéo. Plus que la technique, c’est carrément la manière de penser le jeu qui a totalement été modifiée. Et un peu comme il faut faire un effort quand on aborde une œuvre cinématographique du début du XXe siècle, de se rappeler qu’à l’époque il n’y avait ni son, ni couleur, ni CGI, là il faut aussi faire un sacré effort de mise en condition pour aborder ce tout premier « The Legend of Zelda. » Et pour le coup, faire ça… Et bah c’est dur…


C’est tout le problème me concernant par rapport à ce « The Legend of Zelda » : autant je n’aurais aucun mal à vous expliquer pourquoi « A Link to the Past » est un pur chef d’œuvre vu que je l’ai découvert à l’époque et dans le contexte technique et narratif de sa sortie, autant ce n’est pas du tout le cas pour ce « The Legend of Zelda » premier du nom. Pour ma part, la découverte de cet opus a dû se faire au milieu des années 2000, grâce à une édition collector de « Wind Waker » dans laquelle se trouvait une petite galette avec les tous premiers Zelda. Et ce fut violent. Très violent. Faire l’historien et analyser les choses au regard des conditions de l’époque, ça je sais faire, mais au bout d’un moment il faut aussi se confronter à une réalité : le tout premier Zelda, il est quand même grave aride et surtout super super super difficile…


Alors oui, foutez vous de moi parce que je trouve le tout premier Zelda ultra dur, mais je m’en moque : je n’ai jamais été un hardcore gamer et j’avoue qu’une difficulté trop intense me rebute très rapidement. Du coup, avec ce « The Legend of Zelda », j’ai été servi ! A peine vient-on de lancer une partie qu’on nous refile déjà l’épée dès le premier écran et qu’on nous dit « Bon bah bon courage et à plus dans le bus ! » Et là commence déjà l’épreuve pour les nerfs. Car le tout premier Zelda est un jeu à tableaux fixes, vue de dessus, avec des flip-screens pour passer d’un tableau à l’autre. Alors vous allez me dire : « Bah oui ! Normal vu les contraintes de l’époque ! Maintenant ça permet de mettre en place une sacrée carte à explorer pour peu qu’on fasse preuve d’ouverture d’esprit et d’imagination à l’égard des décors épurés ! » Bah oui, moi aussi j’aurais aimé me dire ça : sauf que pour moi, le problème ne fut pas là. Le problème c’est que dès le premier tableau, ce fut l’agression ! Trois cœurs seulement. Des ennemis qui ont certes des patterns très clairs pour les attaquer, mais qui vont quand même super vite. Pas le temps de prendre le jeu en main. Chaque erreur est un clou en plus dans le cercueil. Et là commence ce qui fut pour moi le premier gros problème de ce « The Legend of Zelda » : un gameplay du stress permanent.


La vache ça n’arrête pas ! Tu ne peux pas t’immobiliser deux secondes sans qu’on t’agresse ! Et comme moi j’aime bien me poser dans un jeu, face à ce « The Legend of Zelda », j’ai dû vite adopter ma bonne vieille tactique du « fuyons jusqu’à ce qu’on trouve un coin tranquille pour respirer ! » Sauf que non. A peine tu scrolles d’un tableau à l’autre que – BAM ! – d’autres ennemis ! Et si tu te décides à engager le combat en te disant : « Bon au moins, une fois que j’aurais éliminé ces monstres ça me fera une zone de safe dans laquelle je pourrais retourner au cas où si le tableau suivant est trop dur », eh bah que dalle ! Pour le coup, ta Master Sword, tu peux te la foutre au cul ! Parce qu’à peine a-t-on quitté un tableau que celui-ci est réinitialisé ! Donc si on y retourne même une seconde plus tard – coucou ! - les ennemis sont de retour ! Ah la vache !


Et le pire, c’est qu’en plus de cette intensité du stress liée à la présence omniprésente de menace, il faut qu’en plus le jeu ne te donne aucune indication sur ce que tu dois faire et où tu dois aller ! Ce jeu est un sacré labyrinthe dans lequel il devient très facile de se noyer. Ce n’est pas compliqué, pour moi, ce niveau de difficulté relève clairement du hardcore et il m’a suffi d’une dizaine d’heures de jeu pour que j’abandonne lâchement le challenge, pestant au passage contre Shigeru Miyamoto pour ce niveau de difficulté totalement incompréhensible et – pour moi – ennemi du fun…


Seulement voilà, c’est là que le recul de « l’historien » s’impose. Jouer au tout premier « The Legend of Zelda », avant de jouer à un Zelda, c’est surtout jouer à un jeu des années 1980. A cette époque, le jeu vidéo était encore pas mal emprunt de la culture arcade, y compris sur des consoles de salon comme la NES. Il ne s’agissait pas de penser le jeu comme un univers qu’on explore mais plutôt comme un challenge qu’on repousse. La mort à répétition était de loin l’outil narratif le plus sollicité pour nous ralentir dans notre avancement dans le jeu. Mourir et recommencer. Encore et encore. Jusqu’à choper le skill nécessaire qui nous fera aller un peu plus loin. Le challenge d’un jeu des années 1980 repose sur la répétition permanente des mêmes gestes jusqu’à les maitriser et s’améliorer. « The Legend of Zelda » a été clairement pensé dans cette logique là. Il faut juste accepter de mourir mille fois et de recommencer sa partie d’autant de fois pour espérer aller jusqu’au bout de l’aventure. Du bon vieux « Die and Retry »…


Je pense qu’elle est là, pour moi, la barrière culturelle qui sépare les joueurs qui ont découvert « The Legend of Zelda » en 1986 de ceux qui – comme moi - l’ont découvert a posteriori. J’ai beau connaître la logique ; j’ai beau l’avoir expérimenté sur pas mal de jeux étant gamin (« Super R-Type ! » Spéciale dédicace pour toi !), le fait est que je me suis accoutumé au confort des jeux modernes et qu’il est désormais pour moi très compliqué – pour ne pas dire impossible – de me confronter à une logique aussi aride que celle-ci.


Alors tant pis pour moi ! Pour vous parler de ce « The Legend of Zelda » il ne me reste donc plus que le factuel plutôt que l’émotion. Alors oui, c’est le premier Zelda. Oui il pose toutes les bases de pas mal de jeux d’aujourd’hui. Oui, il est incroyablement riche et diversifié pour l’époque. Oui aussi, il est l’un des premiers jeux à contenir une pile de sauvegarde. Et oui enfin, il est l’un des premiers jeux à laisser autant de liberté au joueur. En somme, je suis totalement d’accord pour dire que ce jeu ne se fout vraiment pas des gens de son époque et que – oui – il peut être perçu comme une véritable révolution technique ainsi qu'une révolution ludonarrative… Bref, comme n’importe quel Zelda quoi ! D’où ma note finalement médiane et qui déroge avec mes habitudes. En général, quand le plaisir n’est pas là, je sabre, quelque soit l’aura de l’œuvre en question. Là, je me sentirais vraiment mal de défoncer un jeu dont je reconnais à ce point les mérites… Du coup, je vous laisse avec ce beau paradoxe, et avec la liberté d’aller expérimenter la bête par vous-même pour vous en faire votre propre opinion. Courage Link… Que la Triforce soit avec toi…

lhomme-grenouille
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le 26 août 2018

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