Telle une gueule de bois qui aurait duré dix ans, Geralt de Riv se remet difficilement de la récupération de sa mémoire à la fin de The Witcher II : Assassin of Kings. Si les deux premiers opus de la trilogie vidéoludique étaient déjà bien remplis entre troussage de donzelles et intrigues politiques, il ne s’agissait que de gérer le présent. Mais les souvenirs remontent à la surface, Geralt se rappelle de ses amours, ses combats et surtout de sa fille, Ciri… The Witcher III : Wild Hunt est un jeu vidéo sur PC créé par CD Projekt RED et paru en 2015.


Save the cheerleader save the world


Geralt est préoccupé, même si cela se voit peu sur son visage de sorceleur dénué d’émotions. L’empereur l’a chargé d’une mission, retrouver Ciri, fille naturelle (de l’empereur) et adoptive (de Geralt), poursuivie par la Chasse sauvage, armée d’élite elfe qui convoite son pouvoir, le Sang ancien, qui lui permet de se déplacer entre les mondes… Le jeu se découpe en deux parties, extrêmement inégales : trouver Ciri puis la protéger de la Chasse.


Malgré toutes les qualités d’écriture des quêtes secondaires et l’ambiance très sombre (bien rendue aussi par le temps pourri digne des steppes polonaises qu’on se tape à longueur de journées), le jeu souffre dans ses premières heures de l’écueil classique des jeux dits en monde ouvert : alors que l’on nous lance à la recherche de notre fille adoptive surement en danger de mort, la première chose que l’on fait est d’ouvrir la carte, de se rendre compte que c’est immense et de se lancer dans la découverte de tous les PUTAINS de points d’interrogation présents partout. Il est très difficile au début du jeu de s’impliquer véritablement dans le monde et ses enjeux car il y a toujours quelque chose d’autre à faire.


Cet écueil est accentué aussi par une spécificité de The Witcher, qui sur le plan narratif n’est pas qu’une trilogie de jeu vidéo mais aussi une série de romans. Dans un jeu vidéo disons à l’occidentale (les jeux Bioware en sont un bon exemple), il est généralement admis que le héros ne vit des aventures que pendant que le joueur le contrôle. Ce postulat permet de pousser au bout la logique de l’implication du joueur car il comprend que ce sont ses actions qui déterminent le futur de son personnage. Concernant The Witcher, c’est plus complexe car le joueur n’a joué dans les deux premiers épisodes qu’un Geralt amnésique. Toutes les aventures qu’il a vécu avant les jeux ont existé mais déterminent les enjeux dramatiques de The Wild Hunt. En somme, les événements des romans sont plus importants que ceux des jeux vidéo pour comprendre The Wild Hunt. Cela pose un problème car il est très difficile d’avoir de l’empathie pour des personnages qui, s’ils sont importants pour le protagoniste, ne le sont pas forcément pour un joueur, surtout s’il n’a pas lu les romans. Ciri est une présence assez vaporeuse jusqu’à ce qu’on la retrouve. Voilà pour une première partie, la plus longue car elle comprend aussi l’exploration de zones immenses pour pas grand-chose.


On fait de notre mieux seulement parfois j’ose espérer que cela suffira


Arrive le moment où on retrouve Ciri et où The Witcher III prend enfin de l’ampleur. Cette fille devenue jeune femme, qui restait une idée plus qu’une personne, prend corps devant nous : en quelques scènes, les enjeux sont clairs. Ce n’est plus seulement Geralt qui fera tout pour la sauver, c’est aussi le joueur. Quand Ciri arrive, il n’est plus temps de remplir des contrats, d’explorer des ruines ou de chercher des trésors, il s’agit de l’aider à sauver le monde. A partir de ce moment, Geralt n’est plus le héros. Il n’est qu’un simple sorceleur, comme le lui rappelle sa fille adoptive lors de la scène finale du jeu : il est plus qu’humain, certes. Mais pas beaucoup plus.


Il est très rare de ne pas jouer le héros dans un jeu vidéo (un des rares exemples que j’ai en tête est Walking Dead Season One), cela semble même contre-intuitif. C’est pourtant cela qui fait la force de The Witcher III : Wild Hunt. Il pousse le joueur à changer de perspective. Celui-ci conserve une influence sur la fin du jeu car ce sont certains dialogues avec Ciri qui détermineront l’issue du combat final (auquel le joueur n’assiste pas) : il n’est plus la figure du héros mais une figure paternelle. Il est invité à vouloir la meilleure fin non pas pour lui mais pour Ciri. Les choix déterminants sont d’ailleurs beaucoup plus subtils que dans par exemple un Mass Effect et font douter jusqu’au bout de la réussite de la quête de l’enfant de Sang Ancien.


En ne nous faisant pas contrôler le vrai héros de l’aventure, celui qui est amené à sauver le monde, The Witcher III : Hild Hunt joue sur une autre corde de l’immersion permise par le jeu vidéo comme espace fictionnel : nous sommes un adjuvant, quelqu’un qui n’a pas une emprise totale sur le monde dans lequel il évolue. Une histoire à hauteur d’homme. Enfin, de mutant tueur de monstres, faut pas pousser non plus.

Julien_Mazars
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le 25 avr. 2017

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