To The Moon est un autre de ces produits indéfinissables de la scène indé PC. Et un de ceux qui valent le coup d'oeil, si une narration qui prend le pas sur le côté ludique ne vous rebute pas. Bien que celui-ci ne permette pas de vivre deux déroulements différents d'une personne à une autre, il livre une aventure tellement personnelle que malgré les défauts que je citerai par souci d'objectivité dans ce test, j'espère donner envie à quiconque le lira de jouer au jeu et qu'il y trouve la même intensité que moi.
To The Moon a été créé par Kan « Reives » Gao, désormais à la tête de son studio Freebird Games. Et sous RPG Maker XP, oui oui. Le jeu n'est cependant pas à proprement parler un RPG, même s'il est souvent désigné comme tel. Ce serait presque plus un point n click, mais au gameplay très basique. On y incarne les Dr Eva Rosalene et Dr Neil Watts, employés par la compagnie Sigmund Corp qui permet aux mourants de remplir, alors que leur mort approche, leur plus grand rêve. Et le mourant, Johnny Wyles, rêve d'aller sur la lune, sans vraiment savoir pourquoi.
Pour réaliser les rêves, les docteurs doivent entrer dans les souvenirs du mourant à l'aide de leur machine, ceux-ci couvrant globalement toute sa vie, et les remonter en sens inverse. Il faudra alors les comprendre pour déterminer quel déclencheur pourra l'amener à changer le cours de sa vie pour remplir ce rêve, et à quel moment. C'est ainsi que son esprit créera de nouveaux souvenirs, d'une vie basée sur ce rêve, et qu'il mourra heureux. Mais bien sûr, rien ne se passe comme prévu pour ce patient, de nombreux mystères parsèment la vie de Johnny et de River, sa femme décédée, et la mort approchant, les deux docteurs n'ont que peu de temps.
Le jeu est déroutant. Pas très beau de prime abord, RPG Maker oblige. Les dialogues ne cherchent pas la tournure parfaite et littéraire, ils vont à l'essentiel, l'aspect spontané, presque « oral » surprend, et pourtant c'est très bien écrit. Les deux docteurs sont très drôles du début à la fin, le jeu est bardé de références (le Dr Neil Watts qui crie des HADOUKEN lorsqu'on doit lancer de petites orbes dans un mini jeu) et de meta (Kan Gao qui se moque de son propre morceau par l'un des personnages, « elle est nulle cette chanson, c'est les deux mêmes notes en boucle »). Et ils ne tarderont pas à dissiper cette impression de comédie.
La notion de gameplay est fantômatique, et pire, quand on en a, c'est absolument terrible : le pathfinding est à la rue, les mini jeux n'ont à peu près rien d'amusant. Mais il est limité à sa plus simple expression : dans chaque souvenir on devra trouver des orbes en s'y baladant et en parcourant l'histoire, et une fois réunies ces orbes, résoudre un puzzle pour passer à la suite. Le gameplay n'est qu'un prétexte, on passera la plupart du temps de jeu dans les dialogues, et on oubliera de pester contre lui. On arrive même à la réflexion que To The Moon aurait pu être un livre ou un film, et rien que ça en dit long sur la qualité de l'univers. La rejouabilité, du coup, sera limitée, ou du moins la même qu'un bouquin ou un DVD.
C'est donc la narration qui importe. Et avec un peu de maladresse parfois, mais souvent beaucoup de délicatesse et de subtilité, To The Moon s'ancre dans des thèmes comme la mort, le regret, la santé mentale, l'amour, et la valeur des souvenirs. On pensera à des films comme Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou encore Memento, en jouant à ce jeu très philosophique mais jamais prétentieux. On le quitte à regret en ayant l'impression de connaître ces personnages de quelques pixels. Et cerise sur le gâteau, la bande-son composée par Kan Gao lui-même est magnifique. Notamment la participation de Laura Shigihara que l'on connaît pour celle de Plants Vs Zombies.
Freebird Games ne devrait pas tarder à annoncer son prochain jeu, en attendant je vous invite à vous plonger dans To The Moon pour une demie douzaine d'heures. Le jeu est disponible pour une bouchée de pain sur Steam ou mieux, directement sur le site du développeur.