Transistor
7.2
Transistor

Jeu de Supergiant Games (2014PC)

Transistor, par les créateurs de Bastion, est un action-RPG "3D-isométrique" se déroulant dans Cloudbank, une ville entièrement virtuelle façonnée par ses habitants. La ville, sa structure, ses bâtiments, ses rues, ses décorations, et même son ciel, évoluent au gré de l'imagination des connectés, tous artistes dans divers domaines, qui proposent des changements soumis ensuite au vote des habitants. Cependant, une organisation de connectés, la Camerata, a constaté que ce système est trop statique, trop sclérosé ; que conditionner démocratiquement chaque évolution de la ville empêche toute réforme d'envergure, toute création audacieuse. Elle met donc au point un plan pour voler les voix des habitants ... dont les conséquences catastrophiques vont échapper à son contrôle.
Le joueur incarne Red, une jeune chanteuse victime du complot de la Camerata, qui va partir à la recherche de chacun de ses membres afin de comprendre pourquoi la ville est en train d'être réinitialisée par le Process, ainsi que sauver son amant, qui s'est sacrifié pour lui sauver la vie. Elle n'aura pour seules alliées que le Transistor, une étrange épée qui lui donne accès à diverses fonctions informatiques secrètes, et la voix de son amant emprisonné dans le Transistor, qui la guide.

Autant le révéler tout de suite, Transistor est une petite perle. Le premier émerveillement, c'est la forme dans son ensemble : le jeu est graphiquement magnifique, la ville de Cloudbank est colorée, variée, mélangeant divers styles, on ressent un réel plaisir à l'arpenter, on se prend à en chercher des détails d'architecture ou de paysage, ou à parfois faire des pauses uniquement pour admirer le décors. Cette immersion visuelle est admirablement complétée par la bande sonore, à laquelle un soin tout particulier a été apporté (l'héroïne est après tout une chanteuse). Musiques très mélancoliques, contemplatives, elles accompagnent parfaitement la lente destruction de Cloudbank, la disparition progressive et inexorable d'un lieu de grâce et de beauté.
La seconde extase, c'est le fond, son gameplay. Le jeu propose un système de build élégant et efficace : le joueur débloque au fur et à mesure de sa progression des "fonctions". Chaque fonction peut être utilisée de trois manières différentes : soit en "actif", associée à un bouton spécifique, elle représente alors une action (souvent une attaque) que peut effectuer Red. Soit en "passif d'action", la fonction améliorant alors une fonction active (par exemple, si l'on ajoute en passif la fonction d'invocation à la fonction d'esquive, alors à chaque fois que Red esquivera, elle invoquera un clone d'elle-même qui dure quelques secondes et leurre les ennemis). Soit en "passif global", qui améliore alors toutes les actions, ou les caractéristiques de Red. Comme le nombre de fonctions que l'on peut utiliser est limité, il y a une réflexion très intéressante sur les différents builds possibles et leur efficacité, et on est souvent amené à modifier ses fonctions pour s'adapter aux diverses situations. Originalité supplémentaire : chaque fonction permet de dévoiler des éléments supplémentaires du scénario/background si on prend la peine de l'utiliser de diverses manières (actif, passif d'action, passif global).

L'autre puissant élément de gameplay de Transistor qui fait son identité, c'est la fonction de planification. Si Red n'avait à sa disposition que les fonctions décrites ci-dessus, elle ne ferait pas long feu : en effet, les ennemis sont nombreux, rapides, leurs attaques souvent impossibles à esquiver, il est aisé d'être enseveli sous le nombre ou la puissance de feu. Cependant, Red peut à tout moment utiliser une fonction spéciale. Cette dernière met le jeu en pause, et Red peut alors planifier une suite d'action de son choix (déplacement, utiliser une fonction), dans la limite d'une barre spéciale qui se vide plus ou moins suivant les actions planifiées. Une fois la planification validée, Red effectue alors toutes les actions prévues, dans un laps de temps quasi instantané. Cela offre de multiples possibilités : se placer convenablement de sorte de pouvoir frapper le maximum d'ennemis avec une attaque de zone, esquiver une attaque, fuir pour se cacher derrière un obstacle, lancer une suite d'attaques dévastatrices pour réussir à tuer d'un seul coup un ennemi dangereux, etc. Les combats deviennent dès lors des épreuves tout autant de réflexes que de stratégie. D'autant plus que quand la barre de "planification" est en train de se recharger, Red, ne peut plus attaquer. Il faut donc adapter son style de jeu : faire de multiples micro-planifications (pour esquiver par exemple), ou effectuer une planification complète et se résoudre à ne faire qu'esquiver durant tout le temps où la barre se recharge. C'est magistral !

Transistor fourmille d'autres aspects agréables ou intéressants (comme la "voix off" de l'amant de Red qui commente ses actions et les évènements qui surviennent, à l'instar du narrateur de Bastion. Ou les mini-épreuves qui permettent de débloquer l'écoute des musiques du jeu. Ou la possibilité d'ajouter des limitations, des contraintes, ou des bonus globaux aux ennemis en échange d'une progression d'xp plus rapide. Ou la fin, qui est très réussie. etc), c'est une excellente surprise, dont on ne peut regretter qu'un défaut : il est relativement court, 6 heures de jeu peuvent suffire à l'achever, le mode "new game+" apportant plutôt davantage de défi que de nouveau contenu. Transistor fait partie de ces "petits jeux" géniaux (comme Mark of the Ninja), à l'esthétique, au gameplay, et au scénarios soignés, qui procurent une expérience vidéoludique inoubliable. Indispensable !
Crevard
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 févr. 2015

Critique lue 384 fois

1 j'aime

Crevard

Écrit par

Critique lue 384 fois

1

D'autres avis sur Transistor

Transistor
DocElincia
8

Dilemme millénaire

Cloudbank est un simulacre de société. Ville fluorescente futuriste hyperconnectée qui s’adapte au bon désir de sa population (la météo du jour est dictée par un sondage public), elle est l’effigie...

le 4 juin 2014

25 j'aime

5

Transistor
Prodigy
4

Critique de Transistor par Prodigy

Sorti voilà déjà 4 ans, Bastion était un jeu éminemment sympathique, déjà porté par une DA splendide, dont le concept de voix off ne m'avait pas totalement convaincu, mais qui possédait au moins des...

le 5 févr. 2015

24 j'aime

Transistor
ArianeDC
9

« I can hear... »

Un véritable coup de cœur ! Un peu plus mature et sexy que Bastion, Transistor nous offre une bande son sublimée par une voix délicieuse. Dans un monde de science-fiction aux couleurs chatoyantes,...

le 2 août 2014

21 j'aime

3

Du même critique

Sex and the City
Crevard
1

Critique de Sex and the City par Crevard

Une série pour rassurer les cagoles. L'histoire d'une femme qui peut se payer des fringues hors de prix, dîner tous les jours dans les restaurants les plus fashion de Manhattan alors qu'elle se...

le 28 oct. 2010

58 j'aime

21

Les Misérables
Crevard
10

Critique de Les Misérables par Crevard

"Un des esprits les plus fins et les plus intelligents de ce siècle - André Gide - n'en a pas moins proféré certain jour une sottise considérable. Comme on lui demandait quel était le plus grand...

le 14 nov. 2010

25 j'aime

9

Belle du Seigneur
Crevard
10

Critique de Belle du Seigneur par Crevard

Ce chef d'œuvre plus que tout autre se doit d'avoir été lu. C'est un impératif de salubrité. A travers ce roman, Albert Cohen décrit le processus de la séduction, du désir et de l'amour avec une...

le 22 oct. 2010

24 j'aime

1