Two Point Hospital
6.9
Two Point Hospital

Jeu de Two Point Studios et Sega (2018PC)

C'est toujours casse-gueule de se réclamer - même officieusement - d'un vieux classique du jeu vidéo. Ça implique de l'avoir compris, d'en avoir saisi toutes les finesses, d'en avoir vu les points faibles et les points forts et de savoir résoudre les premiers en multipliant les seconds. Bref, c'est se déchausser avant d'entrer dans une crèche jonchée de lego : y'a un moment où ça va devenir tendu pour l'équilibre de la chose.



Bienvenue à l'hôpital, sur une échelle de 1 à 10, vous diriez que vous êtes mourant comment ?



Two point Hospital reprend donc le flambeau de theme hospital, plus de 20 ans après et sur le papier, c'est plutôt une bonne idée. Même si le jeu de gestion de Bulfrog a encore de beaux restes, il demeure un peu facile et limité dans ses mécaniques aujourd'hui, sa durée de vie paraît bien fluette et ses graphismes ont tout de même pris la poussière, bref, il y a clairement matière à un remake. On prend les mêmes bases, on rafraîchit le game design et les visuels et on ajoute des mécaniques, des possibilités de personnaliser son hôpital, etc... un menu plutôt alléchant.


Sauf que Two point Hospital n'arrive pas vraiment à surpasser son aîné, ni même à tout à fait le reproduire efficacement, en manquant certains points essentiels.



Département chirurgie esthétique : merci de ne pas vous munir d'un miroir...



L'aspect qui saute aux yeux, tout d'abord : les graphismes. Alors bien évidemment que ça pique moins les yeux que la 3D isométrique so Windows 3.1 de Theme hospital : ici une 3D douce, toutesen arrondis, couleurs pastels, jolis menus à base de boutons colorés, beaucoup plus actuels et je reconnais que c'est un peu plus relax pour les mirettes.


Sauf que c'est fade.


Theme hospital, si on peut le trouver très moche aujourd'hui, avait son identité graphique (avec ses médecins ou ses infirmières en procédurale qui avaient des gueules vous donnant envie de fuir mourir au fond de votre lit plutôt que de les laisser vous approcher avec une seringue). Ici Two Point hospital, s'il est plus esthétique, n'a pas vraiment de "patte". Visuellement parlant, on est plus proche d'un free to play cheapos que du jeu de gestion ambitieux, sans compter que les environnements visuels ne varient pas beaucoup. Au final, j'avoue ne pas beaucoup aimer les graphismes de ce two point hospital et ses personnages marshmallow, lisses, pastels et sans beaucoup de saveur. C'est plus beau mais terriblement lisse et sans charme. Et ça ne s'arrête pas aux graphismes...



Crise de fou rire : risque d'étouffement et de mort de votre vie sociale



Pour faire un jeu de gestion sur un sujet quand même assez sensible, prendre le pari de l'humour était une des excellentes idées de Theme Hospital, que Two point Hospital suit également sur ce point (à vrai dire, au premier degré, ce serait vite le malaise, je pense).


Mais - et encore mais - pas d'humour noir ici, pas de maladie impliquant d'avoir mangé un vieux reste de pizza qui traîne derrière la cuisinière ni de prier les patients de ne pas caner dans les couloirs, merci. Si je porte très volontiers au crédit de Two point hospital d'avoir voulu se construire son propre univers avec ses propres maladies - il ne tombe jamais dans la repompe pas inspirée - reste que le résultat n'est pas vraiment drôle. Absurde et sympathique, c'est vrai, c'est pas non plus de la vanne ratée gênante, vous ne vous taperez pas des barres en lisant les descriptions des maladies ni devant les animations du jeu. C'est juste... sympathique. Point. Alors ok, tout le monde a pas forcément envie de se bidonner devant des morts dans les couloirs d'hôpitaux - même avec des animations fun - et sur ce point, TPH est moins clivant que son aîné mais encore une fois : plus lisse. Moins de goût.



Alors pour un rhume, c'est six ans d'attente...



Jusqu'ici j'ai un peu trop comparé TPH à son prédécesseur, je vais donc aborder les mécaniques de jeu de manière plus neutre. Vous jouez de niveau en niveau, avec difficulté progressive et introduction au fur et à mesure de nouvelles mécaniques de jeu : la personnalisation de vos salles, la gestion de vos files d'attente, de la température, des épidémies, des urgences, etc...


Le jeu est assez pédagogue et la progression se fait bien, laissant le temps à chaque joueur selon son niveau de se faire à tous les écrans et à la manière dont il veut gérer le tout. Là-dessus, le game design est bien conçu et permet de maîtriser en quelques niveaux l'essentiel du jeu et de ses features avant de les appliquer à plus grande échelle avec une difficulté accrue. C'est parfaitement dosé.


On peut également citer une bonne répartition selon les niveaux des contraintes (consultations gratuites et sources financières de l'état uniquement, enchaînement d'épidémie, problèmes de surpopulation...) sans surcharger le joueur et rendre la partie vraiment pénible. Globalement, les niveaux se terminent relativement bien, avec parfois deux trois essais pour les supérieurs, qui donneront plus de fil à retordre. La durée de vie, servie par de multiples niveaux est très honorable et comme tout bon jeu de gestion qui se respecte, la rejouabilité est élevée.


Cependant, le jeu souffre d'un gros problème de level design qui est pour moi le point noir d'un jeu de gestion pas parfaitement équilibrée : le syndrome de l'attente en vitesse max. Mais si, vous savez, ce moment où vous devez passer la vitesse du jeu au plus haut niveau et regarder vivre votre partie plusieurs minutes en attendant que se débloque le prochain objectifs/les fonds suffisants. Tous les jeux de gestion souffrent plus ou moins de ce phénomène, un bon jeu le minimisera ou vous proposera des petites features de remplissage pour éviter l'ennui. Mais TPH tombe très - trop - largement dans ce travers, avec des objectifs trop exigeants réclamant non pas une gestion particulièrement pointue mais plus souvent de laisser l'hôpital tourner un certain temps pour l'atteindre. Il n'a pas été rare pour moi de poireauter, le nez sur la barre de progression, jusqu'à me lasser. Légèrement revoir ces objectifs à la baisse en les rendant plus nombreux aurait largement diminué l'attente : on ne joue pas à un jeu pour le laisser ensuite se démerder seul (pour ça, on prend un stagiaire, ça coûte moins cher).


Au final, la durée de vie a l'air de s'étirer un peu trop en longueur au lieu d'être un complet atout. Certains niveaux sont vraiment trop longs et font plus appel à votre patience qu'à vos aptitudes.



Quand je vous demande ce que vous avez, je parle de vos moyens de paiement, pas de vos symptômes...



Je vais - c'est la dernière fois juré - revenir sur theme hospital et son message de fond. Un message de fond, dans un jeu de gestion ? Mais oui mon lou, un message dans de la gestion, parfaitement. Après tout il s'agit de gérer avec des objectifs financiers et de rentabilité la santé de dizaines de personnes, il y avait quand même matière à une petite réflexion.


Ceux qui ont déjà joué à Theme hospital et/ou ceux qui joueront à ce TPH se retrouveront invariablement à foutre dehors les mourants pour ne pas flinguer leurs statistiques, à prioriser les maladies comportant plus d'examens, à augmenter les prix des consultations dans les zones aisées, etc... Et ce n'est pas tant une question de gestion humaniste ou non, on ne peut tout simplement pas gagner sans ça. Cette mécanique, indispensable dans Theme Hospital est un peu plus mise "sous le tapis" dans TPH, ce qui ne la rend pourtant pas moins visible. Juste moins pédagogique. L'humour noir de theme hospital et sa tonalité globale (dans l'intro on voit littéralement le directeur balancer un type sur une table d'opération dans une benne parce qu'il n'a pas de quoi payer...) permettait mine de rien un constat sur le difficile équilibrage entre l'humain et la nécessité de maintenir à flot l'hôpital ainsi que la dose de cynisme inhérente à ce genre de job. C'était tout en finesse et laissait le soin au joueur d'en tirer ses propres conclusions mais la mécanique libérale, ses limites et ses difficultés était extrêmement bien utilisée.


Ici, on sent TPH beaucoup moins à l'aise avec la chose et l'aspect pédagogique passe totalement à l'as. Alors certes, on joue pas forcément aux jeux vidéos pour recevoir une leçon d'économie, mais se lancer dans un jeu de gestion sans s'être jamais posé la moindre question sur un modèle financier et ce qu'il implique de bon ou de mauvais me paraît difficilement concevable. D'autant que Theme hospital n'imposait pas cette réflexion, se contentant de vous la poser sous le nez - theme park l'avait fait avant lui - par sa simple conception. A nouveau, TPH a lissé cet aspect et l'a diminué pour n'en faire qu'une mécanique de plus.


Car... et c'est le dernier point, je trouve assez peu de mécaniques en plus à ce TPH. On y retrouve épidémie, urgences, visite des inspecteurs, plantes, appareils à réparer... ah si, on peut un peu plus personnaliser ses salles en les... décorant. Décorations très limitées mais proposées ensuite sous forme de pack dans des DLC, que je n'ai pas achetés. Parce que vous l'aurez compris, j'ai pas spécialement apprécié ce TPH.



Arrête de copier sur le voisin !



Je sais que j'ai beaucoup, BEAUCOUP fait référence à Theme hospital dans cette critique et je tiens quand même à le préciser : Two point Hospital n'est pas un mauvais jeu. C'est un jeu de gestion tout à fait sympathique, qui plaira à ceux qui apprécient le genre, il est globalement bien fichu, souffre bien de quelques défauts inhérents à son genre comme l'attente et le hasard pas toujours clément, mais ça n'a rien de rédhibitoire. Si vous n'avez jamais joué à Theme hospital et que cet ancêtre ne vous tente pas, vous pouvez y aller, vous passerez sans aucun doute un très bon moment. Mais si comme moi vous êtes un joueur habitué aux couloirs isométrique et à sa speakerine qu'on étranglerait volontiers pour la faire taire (qui n'en a jamais eu envie, sérieux), vous vous rendrez très vite compte que ce TPH est une simple mise à jour de Theme Hospital, coupée à l'eau et finalement assez oubliable. Dommage, l'idée restait bonne.


PS : En ce qui concerne les DLC, je n'y jouerai pas plus même s'ils s'avèrent améliorer le jeu (je n'en sais rien, c'est une supposition). Je ne paye pas pour un jeu en kit, si ton jeu de base a besoin de se muer en édition atlas pour faire mieux qu'une antiquité vieille de vingt ans, ton jeu est moins bon. Basta.

SubaruKondo
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le 14 mars 2020

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SubaruKondo

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