C’est avec un douloureux sentiment de déception que se clôt le dernier chapitre de la saga Uncharted. Et quelques jours de réflexion n’auront rien changé.


Impossible de le nier, cet épisode aura soufflé le chaud et le froid. Si cette nouvelle mouture des aventures de Nate s’est dotée d’une plastique de rêve, l’ennui n’aura pas tardé à pointer et à désappointer le joueur pourtant impatient de se frotter à cette exclusivité PS4. C’est d’autant plus étonnant que les différents épisodes s’étaient toujours caractérisés par leur dynamisme et leur rythme trépidant.


La déception vient principalement de la première moitié du jeu. Les développeurs ont souhaité mettre l’accent sur une narration travaillée, dans la veine d’un The Last of Us. Mais jusqu’aux chapitres se déroulant à Madagascar, le jeu peine à mettre en place son intrigue et nous promène de destination en destination sans jamais nous convaincre réellement de leur utilité.


Les exemples les plus frappants restent le chapitre de plongée sous marine, juste hors sujet, et ceux se déroulant en Italie et en Écosse qui ne servent que bien peu à l’avancée de l’histoire et qui ne proposent que de l’action minimaliste et redondante.
Quelques cinématiques bien senties auraient permis de gagner du temps ou, en tout cas, de ne pas en perdre.
À ce titre, le premier des deux chapitres se déroulant en Écosse est une horreur vidéoludique où l’on va répéter jusqu’à l’écœurement l’exploration selon la formule suivante : escalade, glissade, escalade, glissade... Le chapitre est inutilement long et dénué de toute saveur. Les commentaires des différents compagnons peinent d’ailleurs à sortir le joueur du marasme dans lequel il s’enfonce peu à peu.


Puis le jeu démarre, une fois arrivé à Madagascar. Le jeu franchit un cap esthétique. La reconstitution des lieux est superbe, le talent des graphistes de chez Naughty Dog irradie l’écran, l’histoire est enfin mise en place et l’action est plus trépidante.
Pourtant, encore une fois, le plaisir du joueur est douché par cette idée, moins appréciée par certains que par d’autres, d’ouvrir le décor et permettre l’exploration d’une vaste zone. Car cette ouverture brise complètement le rythme et se trouve desservie par un manque d’activités à y réaliser. Tout au plus, les développeurs ont prévu de minuscules ruines, défendues par des gardes, à explorer pour y trouver un trésor. La chasse aux trésors prend donc plus de temps qu’auparavant et c’est à peu près tout pour les points forts de ce choix artistique dont la vacuité évidente ne sera jamais remise en cause par le jeu.
Là encore, la perte de temps est considérable et le joueur se console en admirant le paysage et en détruisant des cairns. L’ouverture pour l’ouverture n’était au final ni un bon choix ni une bonne motivation.


En revanche, retrouver les héros des anciens épisodes procure énormément de plaisir. C’est d’ailleurs avec regret que Chloé ne pointe pas le bout de son nez, même juste pour un petit caméo fan-service. Les scénaristes ont par ailleurs parfaitement intégré Sam, le grand frère de Nate, dans l’histoire, sans que cela ne porte préjudice aux précédents épisodes. À noter une très bonne interprétation des personnages par les acteurs qui leur donnent réellement une âme. Les doublages VO et VF sont excellents, comme toujours avec ce studio.


Sans être extraordinaire et aboutie comme pouvait l’être celle de The Last of Us, la narration de ce volet est d’un très bon niveau et l’on suit le déroulé de l’histoire avec intérêt. Impossible toutefois de faire abstraction de la lenteur de la mise en place de l’intrigue et du côté dispensable de la première moitié de l’aventure ou, à tout le moins, de son premier tiers.


Il convient par ailleurs de noter que le volet exploration est globalement toujours satisfaisant, en particulier grâce à l’effet carte postale dû aux innombrables lieux d’observation qui flattent la rétine avec des panoramas exceptionnels.
Les énigmes, elles, déçoivent par leur extrême simplicité. C’est à se demander si les développeurs ne prennent pas les joueurs pour des attardés...


S’agissant de l’action, les développeurs l’ont voulue moins trépidante. Il y a clairement moins de temps forts que dans les précédents épisodes. Les gunfights sont un peu plus disséminés, les rendant ainsi moins éprouvants mais plus réguliers. Le choix a du sens pour rendre l’aventure plus fluide. Mais le joueur ressort de l’aventure en ne se souvenant d’aucune de ces confrontations et, pire, avec aucun réel sentiment de satisfaction comme les trois premiers volets pouvaient en offrir.
Question gratification, il est recommandé de lancer directement le jeu en difficile. Car si les premiers volets pouvaient poser quelques difficultés en normal lors de certains passages où l’on croulait sous le nombre des ennemis, ce n’est jamais le cas dans celui-ci. Et l'IA ennemie est déplorable. Sur ce dernier point, ND n'a pas changé de génération. Les combats au corps à corps donnent étrangement l'impression d'avoir régressés, avec beaucoup moins de mouvements différents et de pêche que dans le troisième volet...


Quelques séquences offrent toutefois cette sensation digne d’une montagne russe où l’on enchaîne les moments fous, où tout s’effondre et tout explose. La course poursuite à Madagascar est un exemple frappant de la capacité de Naughty Dog à nous confronter à des sommets d’action. Bien sûr, comme toujours dans cette saga, ces moments sont ceux où le joueur ne contrôle quasiment rien. Il n’en a que l’illusion. Mais c’est toujours aussi efficace, bien fait et dingue à vivre. Le jeu en réserve un autre du même type, un peu plus tard dans l’aventure, et dont il ne sera pas plus fait mention dans ce billet.


Il n’y a quasiment pas de bugs à recenser ; la copie est, comme de coutume avec ND, très propre.
D’un point de vue technique, on frôle le sans-faute avec un jeu capé à 30 fps et qui ne faiblit qu’en de très rares occasions. Et il faut voir le rendu de certains panoramas et visages en se pinçant pour réaliser que le jeu tourne bien une PS4. L'animation des personnages a également bénéficié d'un travail considérable.


Si le bilan peut sembler mitigé à ce stade, il convient toutefois de préciser que le jeu réserve son tour de force pour la seconde moitié : l’arrivée et l’aventure sur l’île. Si certains passages sont moins captivants que d’autres, le niveau de qualité est à mille lieues de la première moitié. Et le cadre est juste exceptionnel, pour ne pas dire inoubliable.


Le mélange roche/mer/forêt tropicale fait inévitablement écho au premier opus, comme pour boucler la boucle.


Cette moitié vaut à elle-seule de jouer à Uncharted 4 et suffisait, avec l’intro et Madagascar, pour faire un bon jeu. Dommage que ND ait cédé à l’appel de l’augmentation inutile de la durée de vie, comme pour pouvoir arguer de l’aventure la plus longue de la saga. Comptez une quinzaine d’heures, en farfouillant un peu, pour en voir le bout.


Enfin, ND a décidé de faire l’impasse sur l’aspect fantastique auquel chaque épisode avait habitué les joueurs jusque-là. Ce choix se révèle assez incompréhensible, d’autant qu’il aurait pu offrir une fin complètement folle dans l’antre d’Avery. Tous les éléments étaient en place... Au lieu de cela, le joueur est confronté à un boss de fin pas spécialement intéressant. Les deux antagonistes et leurs motivations n’ont d’ailleurs pas été particulièrement travaillés. L’un fera l’objet d’un combat final merdique quand l’autre disparaîtra purement et simplement sans demander son reste. Encore au rayon des déceptions, la fin n’est pas aussi marquante que ce que la promotion du jeu avait laissé entendre.


C’est donc avec un épisode frustrant que ND clôture sa saga. Aussi agréable dans sa plastique, sa prise en main et ses coups d’éclat que décevant de par ses poncifs, sa narration peinant à installer les enjeux et certains de ses chapitres dispensables, Uncharted 4 rate la marche de l’épisode ultime.


Sans que l’aventure n’ait semblé inutile, l’impression que cet épisode était peut-être celui de trop point rapidement pour ne plus jamais quitter le joueur, à quelques rares exceptions. Une expérience douce amère, donc. Sans déplaisir mais sans passion.

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le 24 mai 2016

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