David Cage. Cela fait des années que la "presse" vidéoludique française s'évertue à chercher le Grand Créateur Français dont elle pourra revendiquer l'œuvre comme l'expression d'une volonté profondément hexagonale dans le domaine du jeu vidéo. J'ignore précisément pourquoi; d'ailleurs. Est-ce une simple question de fierté nationale mal placée? Est-ce une pure invention des médias créée par divers publireportages camouflés en articles journalistiques par de très peu scrupuleuses compagnies de communication fondées par d'anciens de Joypad? Dur à dire. Toujours est-il que la France a toujours cherché un homme pour incarner ses envies de vivre le jeu vidéo autrement™. Malheureusement, elle a choisi... David Cage.


Ce qui est paradoxal, d'ailleurs : l'homme semble haïr le jeu vidéo avec cette farouche puissance que l'on réserve d'habitude aux tyrans et autres dictateurs. La légende dit d'ailleurs que quand l'on a le malheur de proférer le mot gameplay en sa présence il se transforme soudain en une furieuse boule oléagineuse susceptible de faire des dégâts légers aisément réparables aux objets pourtant très fragiles qui l'entourent. Lui, bien entendu, passe souvent la nuit aux Urgences suite à ces débordements de génie incompris. Voyez-vous... il est à peu près aussi solide que son œuvre. Vous savez, celle qui tend à faire du jeu vidéo un parent pauvre du cinéma doté de scénarios prétendument profonds à embranchements multiples. Celle-là même qui utilisée par d'autres offre parfois de grands moments de narration à la question vidéoludique.


J'aurais tendance à penser qu'Until Dawn rentre dans cette catégorie. Prenez la théorie David Cage et enlevez-en les scories inhérentes au fait qu'elle est issue de son cerveau malade. Dites adieu aux scénarios ridicules où l'on incarne un cadavre décidé à stopper une Prophétie Indigo en décryptant les messages d'une tribu aztèque millénaire tout en étant pourchassé par une organisation gouvernementale maléfique. Tout ça : c'est fini. Idem, d'ailleurs pour les longs pensums contenant Ellen Page où l'on est une opérative du CIA dotée d'un fantôme très réel qu'elle utilise pour devenir indispensable aux services secrets américains avant d'embrasser - ou pas - un indien qui se bat contre des forces magiques locales. J'aimerais aussi résumer Heavy Rain de manière à rendre l'ensemble ridicule mais le seul mot que l'ensemble me suscite semble être Shaun. Ce qui est suffisant, maintenant que j'y pense. Shaun.


Non, ici vous avez un simple scénario de slasher où huit jeunes gens partis faire la fête dans un chalet situé quelque part sur une montagne isolée sont mis face-à-face avec les conséquences des actions stupides qui hantent leur passé. Simple. Efficace. Étrangement élégant. Parfois même surprenant. C'est fou ce qu'un auteur doté d'un minimum de talent et d'un brin d'ingéniosité peut faire d'une trame scénaristique familière quand il comprend le jeu de références utiles à savoir briser les attentes de ses spectateurs. Mais revenons à nos boutons. Ce qui compte, ici, est la manière dont vos décisions vont affecter l'histoire. Vos choix, vos erreurs, vos hésitations, vos manipulations parfois malhabiles : tout à une importance. Le titre se permet même de jouer avec vos phobies et vos préjugés pour trahir vos attentes à un niveau psychologique. Une subtilité dont peu s'attendraient d'un titre qui a toujours été conçu comme un hommage aux films d'horreur des eighties.


Face à un idée pareille David Cage aurait fait ce qu'il fait d'habitude. C'est-à-dire enchaîner moments chocs et autres séquences soi-disant émotionnelles au rythme d'un gymnaste qui cherche à se fouler la cheville. Will Byles et Pete Samuels les créateurs d'Until Dawn ont fait l'inverse. Ils ont tenté de servir un scénario flexible de la meilleure manière possible tout en tentant de protéger à chaque instant la sincérité émotionnelle - et cela aussi fine soit-elle - des personnages impliqués dans l'histoire imaginée par Larry Fessenden. C'est cette simple attention au détail que l'on pourrait considérer comme le minimum du professionnalisme qui fait de ce titre la seule réussite de cette technique caduque que certains nomment "le film interactif vidéoludique". Comme quoi, la théorie de David Cage était valide. Suffisait de mettre un meilleur auteur derrière.

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le 14 sept. 2015

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