What Remains of Edith Finch, une satanée histoire de famille.

Introduction

What Remains of Edith Finch, c’est avant tout une histoire de famille, une enquête sur les racines d’une jeune fille.

Cette jeune fille, c’est Edith Finch. De retour dans sa maison familiale, lieu de son enfance, Edith va tenter de découvrir la vérité sur sa famille. Pourquoi est-elle la dernière des Finch encore en vie ? Armé d’un bloc note contenant l’arbre généalogique de toute cette famille, le joueur, dans la peau d’Edith, va devoir découvrir la vérité sur les disparitions tragiques de tous les membres de cette famille. Fort heureusement pour lui, la maison regorge de souvenirs et d’indices.

La maison de famille, tout un univers, le parfait terrain de jeu

Alambiquée dans son architecture, l’ancienne maison des Finch regorge d’une multitude de détails cohérents qui forment une mythologie. Chaque chambre de cette maison incarne littéralement la personnalité de son ancien occupant, notamment grâce à l’univers sonore et graphique mis en place. Comprenez par-là que chaque chambre raconte une histoire unique grâce aux sons, aux couleurs, au style de jeu et à la narration. Les pièces communes ne sont pas en reste. Des milliers de livres remplissent ces lieux de vie : les histoires sont des fondations qui dédramatisent la réalité crue de la vie des Finch. Le cimetière, situé à l’extérieur de la maison, témoigne de l’inéluctable qui nous attend tous. Il s’oppose symboliquement à l’environnement fantastique et fabuleux de la maison. On peut l’affirmer, le décor est un personnage à part entière.

Vous l’avez compris, le mystère caractérise l’histoire de ce jeu. Cependant, à travers l’exploration de cette maison labyrinthique et organique, ce n’est pas seulement la curiosité qui guide nos pas. C’est le goût de la surprise et l’attachement aux personnages qui rend cette expérience interactive unique et qui pousse le joueur à continuer l’aventure. What Remains of Edith Finch parvient à immerger le joueur dans un monde où la mélancolie, la tristesse, côtoient la gaieté et l’éblouissement. À la vue de la maison familiale d’Edith, immense bâtisse biscornue, marquée architecturalement par les générations successives des Finch, comment ne pas ressentir un frisson de peur et d’émerveillement. Sans un seul mot, une histoire nous est racontée.

L’exploration de cet environnement permet à Edith de lire les notes laissées par ses ancêtres dans leurs chambres respectives. Tantes, grand-mère, grand-père, frères, tous leurs souvenirs marquants sont accessibles et sont à revivre avec le regard nouveau d’Edith grâce à des phases de jeu. Chaque personnage est alors présenté et peint de manière unique. Etonnamment, ces histoires tragiques qui renvoient aux thèmes principaux du jeu, la vie et la mort, ne laissent pas irrémédiablement un souvenir triste dans l’esprit du joueur, bien au contraire. La surprise évoquée précédemment est constamment renouvelée. La courte durée du jeu et sa formidable densité narrative donnent du crédit à cette constatation. De manière conjointe, peu à peu, les émotions et le mystère permettent de faire mûrir chez le joueur un sentiment d’onirisme.

Cet onirisme, on le retrouve partout. Alors que nos jambes virtuelles se dirigent vers le salon des Finch, on constate que tout est resté à sa place dans la pièce. Comme si les personnages venaient juste de partir cinq minutes auparavant. Pourtant d’autres objets laissent à penser qu’ils sont partis depuis si longtemps. Le temps semble figé et malgré tout, à l’extérieur, le soleil ne fait que décliner depuis notre arrivée. Sommes-nous vivants ? Morts ? Les deux à la fois ? Les assiettes sont disposées sur la table et les livres sont ouverts à la bonne page. Seul le silence et l’obscurité croissante nous renvoient à notre situation de généalogiste fantastique. Notre quête est la vérité, celle liée à notre patrimoine maudit. À l’instant même où la rêverie devrait s’estomper, où la magie devrait s’arrêter, la contemplation laisse place à l’action et au jeu.

L’ennui ne peut donc poindre. Pourquoi cela ? La réponse est à trouver dans la jouabilité : comme dit précédemment, celle-ci est en perpétuel renouvellement. Chaque jouabilité proposée est en accord avec la situation et le personnage qu’elle sert. L’interactivité du jeu vidéo donne du sens à notre recherche. Elle fait partie intégrante de l’histoire.

La place du patrimoine.

L’autre thème que traite What Remains of Edith Finch est, vous l’aurez compris, celui du patrimoine, de sa transmission, et plus globalement de la vérité et du mensonge. La généalogie des Finch, c’est avant tout un héritage mortifère transmis de génération en génération : ce qui les caractérise, ce sont les morts sombres et originales. À force de mourir irrémédiablement dans des circonstances étranges, les descendants de cette famille se sentent maudits. Par peur, certains ont choisi de ne pas transmettre l’histoire de la famille pour ne pas apporter le malheur à leurs successeurs. Transmettre le savoir est pourtant l’un des fondements de toutes les civilisations humaines. Lorsque les histoires authentiques sont perdues, des légendes apparaissent pour pallier au manque, à l’oubli de la vérité. L’histoire des Finch, c’est peut-être celle-ci finalement.

Conclusion

What Remains of Edith Finch est une œuvre d’art. Ce n’est pas seulement une histoire racontée autrement. C’est le défi d’aller à contre-courant des grandes productions actuelles pour offrir un jeu artisanal qui se veut dense et touffu dans la manière de raconter et de faire vivre l'histoire. Les grands thèmes abordés par le jeu sont traités avec nuance et subtilité. Qu’importe si l’expérience est courte, l’essentiel est de vivre intensément. Vivez What Remains of Edith Finch.