"Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une frontière du monde".

(Critique sans spoil).


Dans un premier temps, j'aimerais prévenir toute personne lisant cette critique que ce VN globalement est très loin d'être « amical », il y a des scènes d'extrême violence (notamment sexuelle) au point où Saya no Uta ressemble légèrement aux Teletubbies en comparaison.


En effet, Subarashiki Hibi, VN écrit par SCA-JI (Wonderful Everyday en anglais) est un denpa, sous-genre horrifique (et souvent eroge) du visual novel, où les personnages se caractérisent par une perte de contact avec la réalité, à l'instar d'un Higurashi par exemple (ou à la rigueur d'un Saya no Uta).
Ainsi, je déconseille fortement ce VN à toute personne très sensible ou complètement réfractaire à ce type de violence, vous risquez de passer un très sale moment dans ce cas (et mon but n'est pas de vous donner l'envie de vous suicider).


Sinon, hormis cette introduction des plus accueillantes, penchez-nous sur ce fameux Subarashiki Hibi. Le VN a pour originalité de montrer les événements du mois de Juillet 2012 dans un lycée japonais à Tokyo en plusieurs chapitres sous le point de vue d'un protagoniste différent à chaque chapitre.


Ces différents chapitres permettent petit à petit à l'histoire et ses mystères de se révéler jusqu'à la « fin du monde » qui se passe le 20 juillet, où le suicide d'un personnage le 12 juillet fait basculer l'histoire ainsi que les différents personnages, tout en apportant un gros développement psychologique aux protagonistes qui expriment leur ressenti, leur vision du monde, par rapport aux événements qui se déroulent.


Mais la principale originalité du VN est de se baser sur le Tractatus Logico-Philosophicus de Ludwig Wittgenstein, qui est un philosophe du langage montrant que le langage selon le contexte, la pensée de l'individu, sa vision du monde, peut exprimer quelque chose de différent pour tout un chacun. La grande réussite du visual novel est donc de parvenir de manière assez synthétique et compréhensible à expliquer la philosophie de Wittgenstein tout en se l'appropriant, c'est à dire sans recracher bêtement les théories de Wittgenstein.


Ainsi, le VN explique bien que les individus ont chacun un monde qu'ils se forgent eux-même, et leur interprétation d'un même événement peut être différente.
Les êtres humains vivent donc chacun dans un micro-monde propre à eux tout en évoluant dans le Monde (auquel ils appartiennent mais tout en lui étant extérieur en même temps).


La façon dont les individus se créent leur propre monde interne, tout comme leur perception du Monde (ainsi le Monde extérieur) s'exprime dans le langage qu'ils emploient.
Hors, il est impossible de connaître pleinement le monde vu que tout le monde a son micro-monde, ce qui cause de l'incompréhension entre êtres humains. Finalement, nous n'avons donc accès qu'à une petite partie du monde, et ce que nous ne connaissons du monde ce que nous pensons connaître du monde.


Sca-Ji part ainsi de cette théorie philosophique qui peut paraître légèrement abstraite (mais très compréhensible en lisant le VN) pour montrer une histoire où les personnages (ainsi que le lecteur) sont souvent en incompréhension par rapport à ce qui se passe face à eux, n'ayant pas les éléments du monde leur permettant une compréhension de ce qui se passe autour d'eux.
Ce qui fait que le lecteur a envie naturellement d'en savoir plus sur ce qui se passe, et le VN parvient à distiller dans un rythme ni trop rapide ni trop lent les différentes résolutions aux questions que se posent les personnages ainsi que le lecteur.


Un grand nombre de ses révélations peuvent donc être bouleversantes, le VN abordant des thèmes très difficiles comme le viol, le harcèlement scolaire et la négligence du corps enseignant par rapport à celui-ci, le délitement des liens familiaux, et d'autres thèmes liés à l'identité dont j'éviterais de parler sous peine d'avoir à spoiler le visual novel.


Mais pour les plus sceptiques, soyez rassurés, le VN ne se contente pas d'avoir une histoire extrêmement sombre (notamment dans sa première partie), c'est également un visual novel qui prend soin à bien développer les émotions et relations entre les personnages, ainsi que les questionnements par rapport aux situations qu'ils peuvent rencontrer.


Ainsi, un certain nombre de moments de la seconde partie du visual novel sont particulièrement émouvants (sans être gores ou glauques), avec des moments qui sa caractérisent par leur beauté et leur tristesse.
D'autant plus que la seconde partie du visual novel contient des passages avec de l'humour permettent de faire respirer le lecteur avec toute la tension et violence du visual novel, ses quelques moments d'humour étaient vraiment drôles si on est réceptif au type d'humour de l'auteur du VN.


Quant aux personnages, ils sont vraiment très bons, entre Takashima Zakuro, personnage très touchant par rapport à tout ce qui lui arrive, Mamiya Takuji qui est complètement fou et en proie à des délires qu'il pense être réels, Minakami Yuki qui est sûrement l'héroïne la plus drôle et badass que j'ai pu voir dans un visual novel (avec Usami Haru de G-Senjou no Maou qui comme par hasard partagent la même seiyu), ou encore la mystérieuse Otonashi Ayana avec son humour complètement décalé (et sexuel), tout en distillant de part ses différents discours philosophiques des indices pour tenter de résoudre les différents mystères de l'histoire.


Concernant les OST du VN, elles sont globalement de très bonne facture, avec des musiques tantôt angoissantes, tantôt plus émotionnelles (sans oublier les quelques musiques d'action que le VN contient), et s'accordent très bien avec les scènes qui les accompagnent. Ce n'est certes pas du Umineko ou du Fata Morgana, mais l'OST reste vraiment globalement un succès, et participe à la qualité du VN.


Pour évoquer les différents reproches que l'on pourrait éventuellement faire à Subarashiki Hibi, c'est en premier lieu son abondance de scènes sexuelles violentes ou glauques (quelques-unes peuvent paraître un peu inutiles, notamment des scènes de futanari).
On pourrait également reprocher au VN la première partie du premier chapitre, qui paraît volontairement sans intérêt scénaristiquement parlant au premier abord et assez stupide (c'est du yuri un peu cul-cul et stupide par excellence, mais ça reste très drôle si on a une tolérance envers cela).
D'autant plus qu'elle est en décalage avec le reste du visual novel. Un autre reproche qui pourrait être fait consiste au fait que les fins non « canoniques » de certains chapitres peuvent paraître relativement dispensables (même si de qualité).


Mais ces petits défauts sont vraiment mineurs par rapport à la qualité globale du VN, que j'ai trouvé réellement enrichissant de par ses différentes références philosophiques et littéraires, les différentes révélations par rapport aux différents personnages du VN, son aspect tragique extrêmement maîtrisé, et la qualité de son écriture qui parvient à nous faire ressentir profondément les tourments (ou la folie) des différents personnages.
Subarashiki Hibi est donc un visual novel qui m'a réellement marqué de par l'expérience générale qu'il constitue, et que je conseille vivement à tout lecteur de visual novel de lire (si vous avez bien entendu le cœur bien serré).


Je ne peux que dire un grand bravo à SCA-JI pour avoir réussi à écrire une histoire extrêmement violente tout en étant cohérente et très riche émotionnellement/philosophiquement parlant.
En effet, le VN aurait pu se contenter d'être simplement glauque et violent, ce qui n'est absolument pas le cas. SCA-JI nous délivre ainsi un VN original, unique et marquant, qui mériterait d'être bien plus connu, mais qui ne plaira pas forcément à tout le monde en raison de son extrême violence et de son côté parfois assez abstrait thématiquement.

Hannibalmick

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