Yakuza Kiwami
7.5
Yakuza Kiwami

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio, Deep Silver et Sega (2016PlayStation 4)

De mauvaises idées pour un matériau de base (parfois) sublimé

*Note : Yakuza Kiwami étant une refonte, je vous renvoie à ma critique originale de Yakuza PS2 concernant le fond du jeu ; mon objectif ici porte davantage sur le statut de remake du jeu *


Grand amateur de Yakuza dont j'ai consommé tous les opus sortis en France à ce jour, j'avoue avoir été assez enthousiasmé en première instance par ce remake qui permettrait à la série de renouer avec l'atmosphère originale de la série qui - à l'origine - était davantage une histoire de mafia avec une narration plutôt sérieuse et premier degré (l'humour potache existait déjà mais à bien moindre dose). D'ailleurs, à ce titre - de par son statut de "préquelle" - Yakuza Zero renouait un peu avec le clan Tojo et les histoires de banditisme (au lieu de se noyer comme les épisodes récents dans du "soap opera" - certes addictif - parfois à la limite de la niaiserie) tout en gardant la fraîcheur du style nouveau. Le jeu était au carrefour des deux mondes et le faisait plutôt bien ; reste donc à savoir si Kiwami en a fait tout autant.


Afin de ne pas faire durer le suspense plus longtemps - suspense qui n'existait déjà pas du fait du titre de ma critique - je réponds tout de suite à cette question tacite : non, Yakuza Kiwami n'est pas un remake qui supplante le jeu de base.


Même si cette position pourra étonner, je vais mettre les choses au clair : évidemment, dans tout ce qui concerne les éléments de confort et de technique graphique, Yakuza Kiwami est au dessus : les temps de chargements avec écran fixe n'existent plus avant chaque combat, le moteur est évidemment plus impressionnant, l'ensemble est plus fluide, les menus sont beaucoup plus ergonomiques et Kazuma est globalement moins raide. En fait, si je devais retenir deux points essentiels d'amélioration, je citerais la clarté des quêtes annexes (avant, impossible de les retrouver, je n'en avais fait qu'une !) puis la possibilité pour Kazuma de se retourner.
Pour ceux qui ont joué au Zero, il n'y aura rien de neuf de ce côté, le jeu reprend les acquis des épisodes PS3 et les styles associés.


Si l'on ajoute à la supériorité d'actualisation technique à la reprise exacte et augmentée des scènes originales du jeu, on devrait avoir un jeu supérieur me direz vous ? Eh bien pourtant ce n'est pas aussi simple...


Le problème en réalité c'est que ce remake essaie de faire entrer le nouveau paradigme artistique et ludique de la série dans un matériel de base assez différent du point de vue du traitement narratif et ludique. Ce faisant, il trahit et gâche une partie de l'expérience.


Le premier point concerne le gameplay. Si dans les épisodes récents, les styles de combat folkloriques pouvaient passer, notamment dans le Zero qui reste un peu dingo malgré la tonalité sérieuse apposée, Yakuza Kiwami est essentiellement un jeu sérieux avec un plus grand focus sur l'esprit des combats en eux-même. Ainsi, les styles Beast et Rush sortent complètement du "lore" du jeu...mais ce n'est pas tout ! En plus d'être visuellement incohérents voire ridicules (pour le premier), ces modes sont très mal intégrés au jeu.
D'un point de vue narratif d'abord, le jeu part du principe que - étant resté dix ans en prison - Kazuma devait réapprendre à se battre et était donc bridé à ce niveau...sincèrement, c'était une très bonne idée qui d'ailleurs pour une fois était verbalisée clairement ! Malheureusement, cette logique ne s'applique qu'AU style Dragon de Dojima (le système de jeu original). Ainsi, on se retrouve au début du jeu avec des modes annexes beaucoup plus puissants que le style classique sans aucun vrai bridage. De fait, on peut jouer en Dragon mais les combats seront alors de vraies purges qui dureront 30 minutes au bas mot.
Mais là encore, vous allez me dire : et alors, si ludiquement ça le fait ? Eh bien justement il s'agit là d'un deuxième problème que je déplore depuis Yakuza 4 : SEGA ne fait qu'introduire des styles de combats certes plus jouissifs et spectaculaires visuellement mais de plus en plus pétés, bourrins et peu profonds. Je pense notamment à Saejima ou Akiyama dans le 4 puis les styles Slugger, Beast, Mad Dog, Breaker du Zero. Ces dernier styles sont populaires mais ont paradoxalement pas mal de problèmes qui les rendent moins intéressants en tant que systèmes de combat. Le style original était peut-être plus raide mais permettait d'avoir des affrontements plus tactiques et fondés sur les réflexes.
Preuve en est que de nombreux boss ont été refaits en mal pour s'adapter à ces nouveaux styles. Je pense par exemple aux deux loubards de la boîte de nuit qui ne font que réaliser des chop, ne peuvent pas tomber, etc. Pour compenser des styles trop rapides, impossible à contrer durant certaines séquences et parfois immunisés à la chute, les développeurs ont doté leurs boss et ennemis des mêmes capacités. On en arrive alors à un constat malheureux : pour de nombreux combats, jouer en gros bourrin avec Beast ou Rush est plus rapide et efficace que de se casser la tête à esquiver, etc. Les seuls combats épargnés sont les combats d'arène.
Heureusement, une fois dopé aux hormones par les divers entraînements de Komaki, le style Dragon redevient le style légendaire que l'on aime tant.


Dans le même esprit, le système Majima Everywhere est la pire idée du jeu. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer le Majima du scénario principal à celui montré dans les scènes annexes : d'un côté on a un mec un peu bizarre, folklorique mais globalement assez inquiétant, dur et "méchant" (j'entends par là qu'il a la carrure d'un ennemi), de l'autre on a une espèce de clown qui n'est plus que la caricature de ce qui a fait décoller ce personnage qui - au début - était un PNJ pas forcément de premier plan mais récurrent.
Si dans un épisode récent - voire dans le Zero - ce traitement serait passé, il dénote complètement avec ce que dit et veut faire ressentir le jeu. Quand vous sortiez de prison dans Yakuza, vous aviez cette sensation d'être seul dans une ville assez sombre. Cette solitude est cassée par l'arrivée immédiate de Majima - le même Majima qui gâche la toile du monde dur des yakuza dès sa première apparition agrémentée d'une nouvelle scène dont on se serait bien passé.
En sus d'être hors-sujet, ce système s'avère encore plus fatigant que les temps de chargements originaux. Je ne sais pas combien de fois j'ai affronté le personnage, mais pour résumer : à la fin du jeu, vous ne pourrez plus supporter ce personnage et ce style de combat. Si les affrontements ne sont pas forcément durs quand on comprend le système, ils sont surtout répétitifs et (trop) longs.
Imaginez une musique assez triste interrompue par un épisode bouffonesque : ça ne le fait pas et ça casse la narration. En sus, c'est assez regrettable de devoir débloquer notre style au travers d'un jeu aussi pourri avec des tâches parfois non désirées (comme jouer à la petite voiture...). Certes certains affrontements sont bien pensés, mais pourquoi nous l'imposer pour pouvoir jouer avec toutes les techniques ? Grande question.


Même constat d'ailleurs pour les quêtes annexes qui forcent le joueur à subir ces interruptions d'atmosphère. Je n'ai rien contre le contenu annexe - au contraire - par contre, ce que je n’apprécie pas, c'est que le jeu veut nous y faire jouer à tout prix. Pourquoi ne pas laisser le jouer parler aux gens dans la rue ? OK c'est moins "réaliste" mais au moins on choisit. Ce problème existait dans les épisodes récents, mais j'avoue qu'il ne m'a jamais aussi gêné qu'ici et c'est sans doute à cause de l'atmosphère du jeu.


A ce propos, le jeu ajoute aussi des scènes pour expliquer le noeud de l'histoire. Ici, chacun verra midi à sa porte, mais personnellement j'ai trouvé les rajouts sur Nishiki mal intégrés avec la scène finale qui - à mon sens - se suffit à elle-même. Je ne pense pas qu'il y avait grand chose à expliquer, d'ailleurs on ne reparle plus de la péripétie dudit personnage qui est un peu désacralisé en tant que Big Boss. La rivalité entre les deux personnages était tacite et réalisée avec une sobriété virile bienvenue. Les ajouts ne gâchent pas l'histoire mais n'apportent rien non plus à part aux gens qui ont commencé avec le Zero peut-être !


Et puis merde, comment ils ont pu remplacer l'introduction ultra-badass du jeu par une espèce de petits bras? Grand mystère. ^^


En conclusion, sans porter de jugement péremptoire sur ce remake - à mon avis plutôt adressé aux gens qui ont commencé avec le Zero - et bien qu'ayant tout de même apprécié l'aventure ludique et narrative (putain cette fin...), je me retrouve avec cette pensée : il ne remplace pas premier épisode comme opus ultime et est même inférieur sur des points vitaux tout en ayant une atmosphère moins saisissante. Tout ceci me convainc d'ailleurs de rejouer directement au 2 au lieu d'attendre Kiwami 2 dans mon re-run de la série entière. Je recommande néanmoins aux fans en manque et aux nouveaux joueurs, évidemment. :)


PS : pour la critique qui disait que le jeu gardait des passages fedex "dépassés", en réalité de nombreux passages de ce types sont des ajouts du remake (l'achat de la bague, la surenchère autour du nourrissage du chien qui se voit rajouter des objets en plus à récolter). La terrible scène d'infiltration a été rendue moins terrible cependant

Foulcher
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le 19 sept. 2017

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