Une suite originale et ambitieuse mais manquant de maîtrise

Étant donné le succès commercial et critique grandiose de The Legend of Zelda au début de la NES, il était plus que logique qu’une suite emboîte le pas, mais il n’était peut-être pas logique qu’elle soit comme elle l’a été. C’est le premier jeu réalisé par Tadashi Sugiyama, étranger à la saga jusqu’alors et qui n’avait d’expérience que sur les graphismes d’Ice Climbers, et ça explique peut-être déjà un peu pourquoi The Adventure of Link fut si différent et un peu mal aimé. Réputé comme exagérément difficile et trop infidèle à la vision originale, je m’attendais un peu à ce qui allait m’attendre, mais franchement pas autant. Je vous propose de découvrir cela avec l’écoute de ce petit mix au piano des musiques du titre.



GAMEPLAY / CONTENU : 6 / 10



Si la quasi-totalité des suites de l’époque se contentaient de reprendre un game-design existant en y apportant quelques petites choses ici et là, l’aventure de Link s’affranchit complètement de cette règle. La vue de dessus du premier épisode n’est partiellement conservée que pour les phases d’exploration en monde ouvert pendant lesquelles on peut être amenés à rentrer dans des phases potentiellement de combat en vue de côté, l’essentiel du jeu. La promesse de cette proposition est de retrouver des combats à la fois différents mais aussi plus techniques et dynamiques que par le passé avec par exemple la garde qui va dépendre de notre position ou différents mouvements avec notre épée que l’on va acquérir au fur et à mesure.


Si on couple ça avec la volonté d’aller plus loin dans l’aspect RPG du titre avec des points d’expérience augmentant des statistiques de notre choix à chaque niveau supplémentaire, on peut y voir de bonnes intentions pour non seulement se différencier de son modèle original mais aussi en être bien plus riche, malheureusement il n’en est rien. Alors déjà, accordons-nous sur le fait que le jeu est difficile. C’est indéniable et ce n’est pas un problème en soi, c’est ce qui constitue les raisons de cette difficulté qui me posera beaucoup plus problème, et là j’ai beaucoup de choses à dire.


Tout d’abord, Link est parti à l’aventure avec un cure-dent plutôt qu’avec une épée, compte-tenu de la portée ridicule des coups qui forcent sans arrêt à s’en prendre en retour pour peu qu’on ait pas tous nos cœurs, ce qui arrive assez souvent et même auquel cas l’attaque à distance de base peut être inefficace. Le timing et la précision exigés pour combattre façon no damage sont parfaitement ridicules, il aurait fallu au moins doubler la portée de nos coups pour y remédier. Ensuite, la garde qui ne prend en compte que ce qui est en face et à notre hauteur de bras est une bonne idée mal exploitée par des attaques au patern trop facilement contournant nos positions basses ou hautes, ou encore trop rapides pour être anticipées.


Le respawn au sanctuaire pendant quasiment tout le long du jeu implique beaucoup trop allers-retours frustrants et inutiles, il aurait fallu soit plusieurs points de respawn répartis sur la map, soit un seul au centre avec beaucoup de raccourcis, soit plus de vies ou de possibilités d’en gagner avant le Game Over. La courbe de difficulté est très irrégulière avec des zones extérieures obligatoires à explorer dans la trame, relativement linéaire par ailleurs, exagérément difficiles avant de laisser leur place à des donjons plus simples, ce qui n’a pas vraiment de sens et démontre plutôt un manque de maîtrise des développeurs, donjons dans lesquels il peut aussi y avoir recyclage de level-design un peu paresseux à l’occasion.


Par contre, les boss ont le mérite de proposer un challenge justifié des plus intenses, de s’inscrire dans les continuités logiques de leur donjon en étant des versions plus évolués des mobs qu’on y rencontre et en venir à bout procure un sentiment de fierté assez conséquent, ce qui pour le coup est plutôt bienvenu même si c’est un peu gâché par l’impossibilité d’enchaîner les essais sous-entendue plus tôt. Ce n’est pas la difficulté que je reproche tant que le manque de maîtrise de la formule que j’ai trop souvent ressenti malgré les qualités ludiques réelles du titre qui ne sont par ailleurs pas ses seules qualités.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



La NES commence à voir sa ludothèque de beaux jeux enrichie en 1987, et si je ne suis absolument pas fan de la vue dessus de ce jeu offrant un portrait de Link assez pauvre en détail et des skins de villes et de créatures ultra basiques, la vue de côté, majoritaire, est déjà plus travaillée. Il y a quelques petits défauts techniques comme la texture des ennemis sur le bord de l’écran qui apparaît à l’extrémité opposée, mais le jeu sinon est très propre et tourne très bien. Pourtant, il peut y avoir pas mal d’ennemis à l’écran et d’autres jeux sur la même console pouvaient galérer à tenir le coup à ce moment-là.


Esthétiquement, on retrouve certaines forces du premier opus. On a par exemple toujours le système d’une couleur dominante par donjon pour y marquer une ambiance bien particulière et qui différencie ainsi les différents donjons au premier coup d’œil bien qu’ils soient visuellement très proches pour beaucoup d’entre eux. Il est à noter que les japonais n’ont pas eu le droit à ce détail avec une répétition prononcée d’une même couleur dominante sur plusieurs donjons, un peu étrange d’autant que cette version originale peut avoir des forces visuelles absentes de la version occidentale, comme l’eau animée sur la map.


Le bestiaire m’a semblé un peu plus mature dans le design, ce qui n’est pas pour me déplaire, il faut dire que le premier jeu Zelda avait pas mal de créatures loufoques, presque difficiles à décrire. Là, c’est quelque chose de beaucoup plus classique mais qui me parle plus, chauve-souris, scorpions, squelettes, chevaliers, fantômes… qui ne reprend du premier que quelques créatures largement revisitées, ce qui est un bel effort. Un effort encore plus grand serait peut-être sur les boss, dont la skin peut même évoluer au cours du combat et s’avérer assez imposante et élaborée.


L’OST comprend quelques pistes de très bonne qualité, non composées par Koji Kondo mais par Akito Nakatsuka compositeur d’Ice Climbers, décidément, j’adore celle des donjons par exemple qui retranscrit bien le sentiment d’aventure d’explorer ce lieu sans trop en faire, j’aime également comment le thème principal commence avec les premières notes du thème principal de la saga avant de partir sur des notes très différentes... Malheureusement, elles souffrent du même problème que The Legend of Zelda, on les écoute trop souvent tant elles sont peu nombreuses et elles finissent par saouler un peu, inévitables quand une OST aussi petite est pour un si long jeu. Le bilan technique et esthétique du titre reste très positif, en est-il de même pour ses parties scénaristiques et narratives ?



SCENARIO / NARRATION : 6 / 10



Suite directe de The Legend of Zelda, Link part cette fois-ci à l’aventure pour trouver la Triforce du courage, absente du premier épisode en réalité, et ce n’est pas Zelda que l’on doit sauver, mais la Zelda originelle, comme quoi la profession princesse en détresse se transmet de génération en génération. Ce dernier aspect est plutôt bien trouvé pour une suite, plutôt que de bêtement répéter le même schéma sans le justifier, le récit trouve même moyen de justifier que Zelda est un nom qui peut s’appliquer à toute princesse de la lignée et donc que toutes les Zeldas de la saga sont potentiellement différentes les unes des autres.


Ça n’est jamais qu’une quête prétexte à explorer 6 donjons avant d’atteindre le donjon final, la structure ludique du titre, mais ça prend le temps de justifier ce détail qui fait sens sur toute la saga encore à venir. Après, ce qui est dommage c’est qu’on retrouve tout de même les mêmes enjeux et personnages principaux à peu de choses près, le jeune héros en manque d’aventures, la vieille sage qui nous guide, la menace d’un grand méchant et la donzelle à délivrer du mal. Ça aurait pu être l’occasion d’aller un peu plus loin, mais ce n’est pas dans la trame principale que cela s’est fait, c’est dans tous les éléments enrichissant l’univers exploré.


The Adventure of Link met en place pour la première fois dans la série différents villages dans lesquels il nous faudra parler avec la population pour progresser. Malheureusement, pas mal de PNJ ont des phrases complètement inutiles, comme « bonjour » ou « je ne sais rien », et tous les villages se ressemblent beaucoup, ce n’est pas vraiment l’occasion de découvrir d’autres cultures ou d’autres types de personnages. Il y a bien les quelques petites quêtes annexes à y faire pour leur conférer une petite identité, mais ça ne va pas bien loin.


Le boss final est par contre et sans doute la meilleure idée originale de cette intrigue, même si elle est complètement sous-exploitée :


Dark Link, sortant directement du corps de Link alors que l’on croit la fin arriver, est une excellente surprise et symboliquement il y a de quoi faire. L’aventure de Link aurait mis à l’épreuve sa puissance mais à la fin il faudrait se servir de ce qu’il a appris pour vaincre la part sombre en lui afin de devenir le parangon de vertu que le détenteur de la Triforce doit incarner, ce qui aurait été le véritable but de tout ça. Mais rien n’est dit en ce sens, pas même les derniers mots de Zelda qui aurait pu dire un truc bateau du genre que la force seule n’est rien si l’on est incapable de vaincre ces ténèbres en nous, ou un truc du genre. Là c’est complètement laissé à l’interprétation, un peu facile.



CONCLUSION : 6 / 10



The Legend of Zelda 2 The Adventure of Link est une suite originale et ambitieuse limitée surtout par le manque de maîtrise de son game-design mais aussi par son manque d’ambitions scénaristiques sur ses quelques idées originales. On peut saluer son originalité et le challenge qu’il représente, surtout dans une saga qui est souvent critiquée pour son classicisme, mais pour moi il n’est pas suffisamment réussi pour que je puisse le qualifier de jeu que j’ai pu apprécier. Ce qui est assez rare pour un jeu Zelda par Nintendo, mais il est tout de même intéressant de par sa tentative et un jeu marquant de son époque.

damon8671
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le 1 mai 2019

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