Nioh par Antevre

Quand la question de Nioh est abordée, on parle inévitablement de Souls-like, et je ne vais pas faire exception à la règle, parce que d'une part je trouve la comparaison intéressante et d'autre part, on va pas se mentir, la plupart des joueurs de Nioh y viennent à cause de cette étiquette. En plus, cette question en amène une autre : est-ce qu'on peut considérer que le Souls-like est un genre à part entière ?

Attention cependant : il ne faut pas se dire qu'un "genre" est un canevas défini de A à Z dont il faut cocher toutes les cases. Le genre des FPS est ainsi hyper varié, et beaucoup n'ont que peu en commun avec celui qui est considéré comme en ayant défini les codes, Doom (oui je sais y en a eu d'autres avant pas la peine de partir dans ce débat). Pareil pour ce qu'on appelle le Metroidvania, dont le nom même associe deux jeux qui n'ont finalement que peu de points communs comparé au nombre de leurs différences. Une fois cela posé, il est évident que Nioh est un Souls-like, car il reprend beaucoup de mécanismes fondateurs des Souls ainsi qu'une partie de la philosophie, mais il les intègre dans son propre système, sa propre esthétique, son propre game design.

Des Souls, on retrouve le leveling, l'aspect die & retry, les bonfires, l'endurance, le focus sur les armes, l'apprentissage à l'intuition, et j'en passe. Il serait pourtant fallacieux de considérer ce jeu comme "Dark Souls avec des samourai". Le loot est plus proche d'un hack & slash, l'endurance fonctionne différemment (elle s'appelle "ki" et intègre en conséquence des mécanismes liés à l'harmonie de la circulation d'énergie, ce qui en fait un enjeu stratégique assez différent qui change complètement la façon d'aborder le jeu), le game design est beaucoup plus arcade et est pensé pour une progression par leveling (alors que chez FromSoftware celui-ci est présent mais n'est pas au coeur de la progression), on n'est pas en monde ouvert mais face à une succession de missions,... impossible d'énumérer toutes les différences.

Et c'est ça qui fait que Nioh est un vrai Souls-like et pas un clone. C'est un jeu qui a ses propres exigences, son propre fonctionnement, ce qui est rafraichissant. J'avoue y être venu juste pour assouvir ma soif de Souls, et au final bah j'ai retrouvé la plupart des codes, mais réorganisés selon une logique propre qui se défend tout à fait. Le jeu se permet même des ajouts, comme un système de stances (posture haute, moyenne ou basse, plus une posture d'arme au fourreau qui permet quelques techniques de iai)

En outre, la durée de vie de Nioh est massive. Je suis à plus d'une centaine d'heures de jeu et je suis seulement en train de finir la première extension, sachant que je ne me suis pas encore intéressé au multi, aux autres modes de jeu débloqués à la fin (un mode "infini" et un mode hardcore), aux missions secondaires les plus dures, aux arcanes de deux armes et de la magie d'onmyo (il y a sept armes si je ne me trompe pas et chacune a son propre arbre de compétences, auxquels il faut rajouter ceux du ninjutsu et de la magie, chaque arbre de compétence ayant en outre deux à trois compétences ultimes qu'on ne peut débloquer qu'en ayant fini un défi spécifique), ou même à tout une partie de la forge qui est excessivement complète. Il y a aussi les missions crépuscule, des versions plus difficiles des missions de base du jeu, j'en ai fait une partie mais il m'en reste quelques-unes. Nioh est plein à craquer de contenu.

Outre la trame principale un peu bordélique et franchement prétexte (on insère au forceps des persos au milieu des événements historiques de l'époque), la vraie pierre d'achoppement de Nioh, c'est sa courbe de progression. Surtout au début. Passée une première mission d'intro un peu osef, on est jeté dans la première mission du jeu, avec la plupart des systèmes de combat développés, et on n'a pas accès à la world map, aux missions secondaires, etc., avant d'avoir nettoyé le niveau. Un niveau qui ne vous fait franchement aucun cadeau, proportionnellement au niveau d'équipement qu'on a quand on commence je pense que c'est clairement une des missions les plus difficiles du jeu, qui se conclut sur un boss énorme dans une toute petite pièce qui nous balance des boulets à la gueule et dont les coups couvrent à peu près la moitié de la zone et peuvent quasi nous one-shotter. Nioh n'est clairement pas tendre avec les néophytes. Du coup, n'allez pas à Nioh sans vous dire que le jeu va vous paraitre horrible pendant les cinq à dix premières heures de jeu, et que vous ne commencerez à vraiment comprendre les grands mécanismes qu'en souffrant durement. Cette approche n'est clairement pas pour tout le monde, et ce n'est pas grave.

Mais en ce qui me concerne, c'est une expérience assez folle qui me plait beaucoup et qui sait utiliser les codes des Souls sans les recopier à la lettre. Un jeu pertinent, moderne et riche.