American Primitive Guitar : Avec tes doigts creuse tes racines, avec tes cordes chatouille les astres

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Paru en 1959

Quant on parle de la base, on ne parle de rien d'autre que de ce Blind Joe Death de 1959. Avec sa guitare bas de gamme et son pauvre magnétophone bon marché, Fahey vient à l'âge de 20 ans de poser les bases de tout un genre à venir. Les prémisses sont déjà présents : un style de jeu basé sur un picking répétitif aux notes basses primales et agressives, et des variations qui s'éloignent du simple blues pour se tourner vers quelque chose de plus moderne.

Blind Joe Death, limité à 100 exemplaires à l'époque, n'est certes encore qu'un Fahey dans l'oeuf, bien moins révolutionnaire que ce qui suivra dès 1963, mais comme tous les disques « lo-fi » de la première période du guitariste, cet album conserve une aura intacte qui frappe encore de nos jours.
Pour plus d'éléments historiques sur BJD, se reporter à ma critique (ou à Wiki bien sûr).

John Henry : https://www.youtube.com/watch?v=X4j0j_g_nIs
In Christ There Is No East And West : https://www.youtube.com/watch?v=xu-IF_p6W7Q
Sligo River Blues : https://www.youtube.com/watch?v=_N3rXPc3d9Y

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Paru en 1963

Fahey est certes l'énorme pilier fondateur de l'american primitivism, tout ça tout ça... Mais et si, au fond, le premier album authentique du genre n'était pas paru sur le fameux label Takoma Records mais chez Vanguard ? Et si c'était le premier effort solo du tout jeune Sandy Bull ?

Armé de sa guitare et de son banjo, Sandy est en effet le premier à mélanger radicalement le blues/folk/country à des influences classiques (son arrangement banjo du Carmina Burana) et surtout aux ragas indiens (le monumental Blend, pièce maîtresse jamais égalée), voie dans laquelle nombre de successeurs s'engoufreront (Robbie Basho le premier dès 1965). Sur ce Blend, qui mérite toutes les éloges du monde, Sandy s'accompagne de Billy Higgins (oui oui, le légendaire batteur de jazz) pour concocter 20 minutes d'une ardente jam qui fusionne blues, jazz et raga. Rien que pour ça, chapeau Sandy. Même si tu ne renouvelleras plus jamais l'exploit et que la face B est plus inégale.

Blend : https://www.youtube.com/watch?v=QUgj94xGS3g
Carmina Burana Fantasy : https://www.youtube.com/watch?v=y3vgAaotxls

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Paru en 1963

Ce volume 2, après 4 ans de hiatus pour finir ses études, est le premier disque « visionnaire » de Fahey. Celui sur lequel les choses sérieuses commencent. Et elles commencent très fort : rien que « Stomping On the Pennsylvania/Alabama Border » mélange des mélodies de classique, de chants grégoriens à un blues de Skip James... Quant au reste il prolonge le Blind Joe Death de 59 avec des compositions plus maîtrisées, plus luxuriantes, plus efficaces et mystiques. Et des titres d'albums plus longs aussi.

Dommage que quelques parties de flûte mal mixées et un morceau trop banal viennent un chouia ternir un tableau autrement parfait. Mais quoi qu'il en soit c'est déjà un quasi chef-d'oeuvre que le maestro nous sort pour son deuxième album. Chapeau bas.

PS : Notons que c'est à partir de cette époque que le label « Taokma », qui deviendra le légendaire terreau des guitaristes extraordinaires, existe de façon officielle. La Légende est en marche, elle a désormais un toit sous lequel prospérer.

Stomping on the Pennsylvannia/Alabama Border : https://www.youtube.com/watch?v=QV5Zw9OWO1A
When the Springtime Comes Again : https://www.youtube.com/watch?v=e1BBj9E_ubI

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Paru en 1964

Maintenant que son style est bien planté, John décide de s'en aller faire un tour dans les plantations du grand Sud. De ces sessions effrénées (aidé par la Marie-Jeanne et le whisky) au cours desquelles il joue sur la guitare d'un autre, sortent quelques uns de ses meilleurs morceaux (notamment « Wine & Roses » qui deviendra un de ses grands classiques une fois renommé « The Red Pony »)
Ne vous laissez pas tromper par son apparence traditionnelle car ce volume 3 recèle bien des splendeurs qui ne se révéleront qu'après quelques écoutes confiantes, il est intense et torride.

Wine & Roses : https://www.youtube.com/watch?v=HeYG4PlxG3E
Dance of Death : https://www.youtube.com/watch?v=fEZuL936X2U

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Paru en 1965

Une des toutes premières signatures du tout jeune label Takoma (avec le bluesman Bukka White qui avait été retrouvé par Fahey). Harry Taussig ne demande pas grand chose à personne et n'est pas spécialement ambitieux, ni même spécialement guitariste professionnel (il est d'abord physicien, photographe et analyste de films). Tout ce qu'il veut, Harry, c'est qu'on lui laisse jouer ses petits morceaux brefs en paix. Et qu'il est doux cet album, rempli de petites vignettes sans prétention joliment composées, interprétées avec une maladresse qui ne fait que rendre le tout plus touchant et propre à émouvoir. Attention là encore à ne pas sous-estimer le sieur Taussig, car au milieu des pistes brèves se trouve un morceau de bravoure de plus de 7 minutes joué à la guitare à 12 cordes qui remue les tripes bien comme il faut : Sugar Babe, Your Papa Cares For You.

Notons enfin que le titre de l'album s'est avéré peu prophétique, car si Fate Is Only Once était annoncé comme un one-shot (et il l'est resté très longtemps, si on excepte une brève participation de Taussig à une compilation du label parue en 67), en 2012 (après 47 ans sans rien paraître!) Harry sortira de nulle part un album coquinement nommé Fate Is Only Twice.

Sugar Babe, Your Papa Cares For You : https://www.youtube.com/watch?v=5vxAnNQVjn8

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Paru en 1965

Brace Yourselves, car nous entrons ici en territoire Bashovien. Voici le premier essai discographique de l'autre monstre sacré de l'American Primitivism : Robbie Basho. Si Fahey représente une locomotive massive fermement ancrée sur le plancher des vaches, alors Basho serait ce sage à la volonté de fer qui ne rêve que de s'envoler vers les étoiles.

Ce premier album montre déjà la pleine expression de l'obsession qui sera la plus forte chez Basho dans les années à venir : la musique indienne. Avec son mariage de genres, le guitariste construit un pont symbolique entre l'Amérique et l'Inde (ou la Perse) et recherche activement la transe via une technique musicale virtuose et des compositions toutes plus luxuriantes et échevelées les unes que les autres. Le seul problème de ce premier essai, c'est que Basho manque encore précisément de technique pour parvenir à rendre le résultat tout à fait à la hauteur de ses ambitions. Les passages où il tente de se la jouer Shiva de la gratte acoustique sont ponctués d'imprécisions qui rendent le jeu trop brouillon pour vraiment décoller autant que prévu. Autre défaut qui joue contre lui, mais qui n'est pas de son fait ; la qualité d'enregistrement ne rend pas justice à la précision de ses compositions et en amoindrissent la puissance (là où précisément cette basse fidélité conférait aux compositions bien plus simples et épurées de Fahey une aura folle).

Enfin voilà, pour achever ce long commentaire, rendons tout de même hommage à ce premier abum bien plus ambitieux que tout ce qu'on pouvait voir sur le label à l'époque, Fahey y compris. Heureusement l'épiphanie ne tardera pas à se manifester à mesure que Basho gommera les imprécisions de son jeu.

Dravidian Sunday : https://www.youtube.com/watch?v=OopF2D4fbxo
The Seal of the Blue Lotus : https://www.youtube.com/watch?v=PY6VxlPERDM

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Paru en 1965

4ème album de Fahey, et premier véritable chef d'oeuvre. Avec le recul, The Transfiguration of Blind Joe Death constituera la fin de sa « première période », la plus traditionnelle avec des formats courts. Ainsi donc, cet album est effectivement une transfiguration du blues, une transfiguration de toute cette musique américaine, et même une transfiguration de son propre style : voici le premier album de Fahey qui soit accompli de bout en bout. Parfait du début à la fin, dénué de toute approximation, pas de flûte louche, pas de longueurs excessives, jamais le John n'aura été si direct et jamais n'aura-t-il aussi facilement touché le cœur de son auditeur. Ecoutez seulement « On the Sunny Side Of the Ocean » pour vous en convaincre ; elle vous parlera bien mieux que ne le ferai jamais.

Après un tel disque, le guitariste peut sereinement se tourner vers des horizons plus risqués et marqués du sceau de l'expérimentation.

On the Sunny Side of the Ocean : https://www.youtube.com/watch?v=GYB7dvxacP4
Poor Boy (avec un chutage de chien) : https://www.youtube.com/watch?v=5GNrOo0SrRA
Death of the Clayton Peacock : https://www.youtube.com/watch?v=4A3B80hZi8U

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Paru en 1965

Ce deuxième effort de Sandy Bull est une déception. Certes, « Blend II » et ses 24 minutes glorieuses rappellent les belles heures du premier volume, cependant la face B est loin d'égaler les joyeuses inventions fantaisistes de Fantasias. Les « Gavotte » sont sympathiques mais sans plus, « Manha de Carnivale » c'est 13 minutes de bossa nova sans grand talent (écoutez celle de Baden Powell, la comparaison est vite vue), et les 10 minutes de Menphis Tennesse s'avèrent tout simplement pénibles. Désormais Sandy Bull, c'est plus ou moins de la technique sans rien derrière, et ça fait plutôt mal de la part d'un mec dont le premier album était une bombe qui rivalisait même avec Fahey. Dieu merci, « Blend II » dure 24 minutes.

Blend II : https://www.youtube.com/watch?v=xu3FJ0soSTQ

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Paru en 1966

C'est un mariage réussi entre folk/blues et raga qui fait entrer Peter Walker dans cette liste, lui qui s'illustrera dans des territoires de fingerpicking psych-folk plutôt que dans cette bouillabaisse d'influences qu'est l'American Primitivism.
Rainy Day Raga, donc, c'est un très beau voyage ensoleillé dans des terres indiennes ; Peter Walker maîtrise en virtuose des cordes en nylon et les arrangements qui l'accompagnent (cithare, flûte, tambourins, guitares additionnelles...) ne font que souligner le psychédélisme léger de sa musique.

White Wind : https://www.youtube.com/watch?v=vDygNfFKcPg

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Paru en 1966 :

À peine un an après The Seal of the Blue Lotus, Robbie Basho a fait des progrès remarquables (et a amélioré son matos d'enregistrement de toute évidence). Dès le titre éponyme qui introduit l'album, on décolle bien plus qu'on ne l'avait fait en 65. Basho commence enfin à me toucher au cœur. Et bien qu'on sente toujours que son jeu reste perfectible lorsqu'il accélère le tempo, l'écart de qualité est évident.

Demeurent encore quelques longueurs par moments, lorsque Basho se veut méditatif il frôle parfois l'ennui léger, mais majoritairement ce sont d'authentiques fresques envoûtantes qu'il nous donne à entendre. Et puis zut, on l'entend quand même pousser pour la première fois (et à deux reprises) ce sifflement puissant, terrassant même, qui se veut un hommage aux envolées improbables d'une de ses influences avouées, Yma Sumac, et qu'il réutilisera régulièrement par la
suite.

Plus qu'un an à attendre avant que ça ne devienne renversant !

The Grail & the Lotus : https://www.youtube.com/watch?v=Lqdg99o-_4I
Oriental Love Song : https://www.youtube.com/watch?v=kaQqJFzBbIY

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Paru en 1966

C'est là que les choses se compliquent. Je vous invite à lire ma critique du disque pour mieux comprendre le malentendu qui fit grogner Fahey. En effet, alors qu'il nous sort pour son 5ème essai un disque bardé d'expérimentations diverses (manipulations de bande audio passées à l'envers, jeu dissonant, introduction d'orgue, etc) voilà le gros John taxé de psychédélisme. C'est un peu fort ! Lui qui n'éprouve que mépris pour les hippies et qui se complaît volontiers dans la philosophie nihiliste. Dommage car ça le poursuivra longtemps, et le long morceau éponyme qui couvre la majeure partie de la première face sera probablement le genre de musique qui influencera la scène de guitare New Age qu'il détestera également de toutes ses forces.

Sur cette fameuse piste introductive, John interprète divers thèmes cousus ensemble en une seule et même pièce. À écouter la chose, il est aisé de se figurer pourquoi les hippies s'en sont saisi avidement. Fahey n'a jamais sonné si mystérieux, la guitare est distante, conférant une présence accrue à l'écho qui se profile entre chaque note. Souvent, il marque une pause entre deux parties et laisse respirer la partition. Rajoutez à cela ces accordages peu communs lui permettant d'explorer de nouveaux territoires mélodiques, et vous obtenez la recette parfaite pour faire de cette intrigante pièce méditative un classique de psychédélisme. Je suis moins convaincu par les expérimentations qui parsèment la suite de l'album en revanche, qui vont du moyen au désagréable (avec tout de même un excellent duo avec Alan Wilson de Canned Heat). Là encore, plus de précisions dans ma critique !

La prochaine série d'expérimentations de John sera heureusement bien plus maîtrisée.

The Great San Bernardino Birthday Party : https://www.youtube.com/watch?v=PRu3NyeVrt4
Sail Away Ladies : https://www.youtube.com/watch?v=A5xa9yXzXQ8

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Paru en 1967

En ce début d'année 1967 le temps est venu pour Takoma, avec 4 ans d'existence officielle, de faire le point. Et pour cela ils font paraître une compilation d'inédits (composés pour l'occasion) de certains de leurs plus fiers représentants. Ici donc on retrouvera le bluesman ressuscité Bukka White, le gentil Harry Taussig, l'énigmatique Max Ochs joueur de raga (et cousin de Phil Ochs), et bien sûr Robbie Basho et John Fahey himself. Sans trop de surprises, les deux derniers sont les véritables challengers et ce sont d'eux que viendront les plus beaux frissons de cette précieuse compilation.

En revanche ce qui étonne d'avantage, c'est que des deux c'est bien Robbie Basho qui compose LE sommet de la collection. En un an il semble s'être métamorphosé en Shiva et nous amène au bord des larmes avec son « The Thousand Incarnations of the Rose » dantesque... La puissance endormie de Basho semble être enfin arrivée à maturité, et lorsqu'il gonfle le torse il en éclipserait même le maître des lieux, John Fahey.

The Thousand Incarnations of the Rose : https://www.youtube.com/watch?v=WFshZQYmLBY
The John Fahey Sampler : https://www.youtube.com/watch?v=jQc-S5k3q3A

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Paru en 1967

On en parlait juste avant, et bien voilà ! C'est désormais chose faite, le premier chef-d'oeuvre de Robbie Basho devant nos tympans ébahis. Ce qui frappe au premier abord, c'est cette intrigante distance qui nous sépare de Basho sur cet enregistrement. Comme s'il avait enregistré dans une cathédrale, avec un micro discrètement posé dans un coin, le son nous parvient comme en écho, parcouru de l'acoustique des lieux, ce qui le rend instantanément mystique. Quant au style en lui-même il est largement à la hauteur de ce que nous avait laissé voir son inédit de la compilation Contemporary Guitar '67 : une espèce de syncrétisme sauvage, vorace, absorbant tout ce qui passe à sa portée – country, raga, folk, blues... – pour l'unifier dans une matrice qu'il crée à l'instinct, passant de l'un à l'autre d'un simple mouvement de poignet.
C'est d'une beauté folle. Il faut aussi savoir que cet album sera le dernier album purement instrumental de sa carrière (excepté à la toute fin). Voilà une bien belle page qui se tourne.

The Falconer's Arm : https://www.youtube.com/watch?v=XpBbyOh4lM8
Pavan Hindustan : https://www.youtube.com/watch?v=8pWgUF9bEFE

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Paru en 1967

Après le virage expérimental/psyché renié plus tard par son créateur, voici un bijou qui brille d'un éclat bien plus serein : le volume 6. Plus communément désigné comme son album spirituel, Days Have Gone By voit se développer quelques unes des plus belles compositions de Fahey, « Joe Kirby Blues », « Impressions of Susan », « The Portland Cement Factory... », etc.

Mais, et c'est mon seul problème avec ce disque, la tracklist est coupée en deux par deux pistes méditatives et basées sur du Field Recording. Ces deux pistes, très bonnes au demeurant, ont souvent pour effet de me couper dans mon élan et de m'empêcher d'apprécier l'album dans son intégralité. Enfin voilà, avec un peu d'effort ça passe, et ça demeure un des plus beaux disques de Fahey.

Joe Kirby Blues : https://www.youtube.com/watch?v=Y2-B7KoBb8k
Impressions of Susan : https://www.youtube.com/watch?v=YTtgvJuzRM0
A Raga Called Pat pt1 : https://www.youtube.com/watch?v=__AP56h-aw0

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Paru en 1967

Aïe... Premier (et unique) faux pas de Basho. Si le bonhomme est finalement devenu aussi réputé pour son jeu de guitare superlatif que pour son puissant organe vocal, il n'empêche que niveau chant ce n'est pas trop ça ici... Certaines pistes ne s'en sortent pas mal dans le genre folk-songs, mais la plupart du temps le pauvre Basho sonne comme un sous-Tim Buckley qui ne saurait pas trop quoi faire de sa force vocale débordante... Globalement un album très inégal, avec un chant pas assez canalisés et des parties de guitare forcément moins belles que sur un disque 'lambda' de Basho.

Katari Takawaitha : https://www.youtube.com/watch?v=gJgQ5mc_sO4
Basho's Blues : https://www.youtube.com/watch?v=XG7nmUOGQk4

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Paru en 1967

Et finalement le voilà, le plus grand bond expérimental de la prime carrière de John Fahey...

Sur Requia le principe est simple :

- La première face se compose de trois splendides plages acoustiques tantôt échevelées tantôt solennelles qui comptent sans aucun doute parmi les meilleurs morceaux qu'a jamais composé Fahey. « When the Catfish Is In Bloom » tout particulièrement.
- La deuxième face change RADICALEMENT d'orientation. Si la guitare est toujours présente, elle ne fait qu'accompagner les véritables stars du show : les collages sonores. Après le Field Recording du volume 6, Fahey ne niaise plus et y va à fond dans la musique concrète. On assiste donc à quatre mouvements d'un collage sur lequel figurent en vrac (et à l'endroit comme à l'envers) : toux, sirènes, discours nazis, musiques orchestrales diverses triturées dans tous les sens, aboiements, divagations blues, music-hall distordu... Si cela ne fait que renforcer mon admiration pour ce compositeur de plus en plus complet qu'est Fahey, il n'empêche que je trouve l'essai peu satisfaisant dans l'ensemble.
Un album en demi-teinte pour ma part (et lui aussi renié en partie par son créateur), mais tout de même fascinant.

Requiem for Mississippi John Hurt : https://www.youtube.com/watch?v=PT6W2hJsqYA
When the Catfish Is In Bloom : https://www.youtube.com/watch?v=qgTsWeMFAnU
Requiem for Molly : https://www.youtube.com/watch?v=pDR_f7PcKLY

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Paru en 1967

Voilà qui achève en beauté cette incroyable année 67 pour Robbie Basho. Fort heureusement, les excentricités vocales irritantes de Basho Sings sont oubliées et comme pour le volume 1 la priorité est revenue au tissage acoustique majestueux. Je ne rajouterai pas grand chose à ce que j'ai déjà dit sur le premier volume paru plus tôt dans l'année, le principe est à peu ou prou le même, si ce n'est que je le trouve légèrement moins brillant et que la seconde piste voit Basho pousser un peu la voix, de façon tout de même plus convaincante que sur son disque de chanson.

Song of the Snowy Ranges : https://www.youtube.com/watch?v=IaWgs7aZsPE
Wounded Knee Soliloquy : https://www.youtube.com/watch?v=WT3iqK7A6sM

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(si le disque est sorti en 2004, je préfère le placer à cette étape de la liste car il a vraisemblablement été enregistre en 68 et 69)

Il est temps d'aborder un côté de Fahey qui resta longtemps hors de toute trace discographique : ses concerts (son premier live officiel paraît en 1981 suite à un voyage impulsif en Tazmanie). Fahey est une drôle de personne en live. C'est à ce moment là que son sens de l'humour absurde et pince sans rire s'exprime le plus directement – avec bien sûr sa science des titres à rallonge, qu'il s'amuse à prononcer plus ou moins correctement face à son audience.

Ce live est le plus réputé, et à raison ; déjà car il s'agit du seul live des sixties disponible, avec une setlist du feu de Dieu (regroupant deux concerts différents, en 68 et en 69) qui parcourt une bonne partie de ce que beaucoup considèrent comme sa meilleure période. Deux autres live seront évoqué plus loin dans cette liste, mais préférez celui-ci si vous êtes à la recherche d'une sorte de « best-of » live. En plus à un moment il se mouche, c'est incroyable je vous raconte même pas.

The Great Santa Barbara Oil Slick : https://www.youtube.com/watch?v=UnPIX6ocQMw
When the Springtime Comes Again (version rallongée qui préfigure Mark 1:15 sur son chef d'oeuvre America) : https://www.youtube.com/watch?v=7dZZVFUqA1I
Fahey Blows His Nose ;) https://www.youtube.com/watch?v=Aq-UF0CpvXc

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Paru en 1968

Que voilà un disque particulier dans la discographie de Fahey. Presque un disque farce d'ailleurs, déguisé en album expérimental. Plus que jamais ici Fahey brouille les pistes en y mettant pèle-mêle des expérimentations de musique concrète, de vieux enregistrements jamais révélés au public, des morceaux qui ne sont même pas interprétés par lui (!) ou en créditant un artiste autre alors même que c'est lui qui joue (!!). Bref c'est un sacré bazar, bardé d'instrumentations autres que de la pure guitare (putain on a même droit à du chant à un moment), brillant par instants fugaces, agaçant à d'autres.
Beaucoup le citent parmi ses sommets, je ne souscris pas et je confesse avoir du mal à l'écouter en ayant l'impression d'entendre un album plutôt qu'une collection de pistes très disparates et de qualité assez inégale. Mais, encore une fois, voilà sans aucun doute paré d'une « aura » bien particulière, un disque fascinant en dépit de ses nombreuses failles.

A Raga Called Pat pt.IV : https://www.youtube.com/watch?v=19-XDqToep8
Bean Vine Blues : https://www.youtube.com/watch?v=BRyikr7lxoE

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Paru en 1968

Fred Gerlach est un vieux de la vieille. Il faisait de la musique bien avant Fahey et fait partie de ceux qui, avec Leadbelly entre autres, ont popularisé les techniques de fingerpicking permettant à la main droite de battre la mesure basse avec le pouce tout en jouant la mélodie avec les autres doigts. Et comme le dit si bien Dave Van Ronk en interview : « Si tu savais faire ça, t'avais pas besoin de groupe. »

Lorsque Fahey a monté Takoma, Fred Gerlach a trouvé une opportunité de sortir un disque de 12 cordes (sa spécialité) alors même que les 12 cordes étaient passées de mode – l'âge d'or se situant entre 63 et 67 en gros. Ici donc Fred reprend des traditionnels en même temps que des compos à lui, avec de très rares overdubs ainsi qu'un xylophone pour l'accompagner par moments. Comme les meilleurs du genre, voilà un one man band à lui tout seul. On peut sentir l'influence de Fahey et de ses contemporains, qu'il a lui-même influencé en son temps. La réciprocité des influences est amusante à remarquer. Très bon disque instrumental, quoi qu'il en soit.

Eyrie : https://www.youtube.com/watch?v=5S_uU8enISc
Gallows Pole (qui n'est pas sur l'album mais qu'importe) : https://www.youtube.com/watch?v=-sUFihFieT8

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Paru en 1968

Si ce disque se hisse si haut dans mon estime, sur le podium des meilleurs albums de Fahey, c'est sans doute parce que c'est le premier à comporter un véritable sens de la narration d'un bout à l'autre de l'album, de l'introduction en hommage à Camille St-Saëns au déchirant et mortuaire « Irish Setter ».

Bien sûr, chaque disque de Fahey a une aura propre, évocatrice en soi, mais The Yellow Princess est composé comme une véritable pièce en plusieurs parties, avec des mouvements, des humeurs, un sens du drame clairement mis en avant... Même l'expérimentation est limitée à un superbe interlude, « The Singing Bridge ». C'est la première fois que j'ai l'impression que Fahey me raconte une grande histoire plutôt qu'une collection de petites histoires posées côte à côte. Ce n'est pas pour rien si le morceau titre s'inspire d'un opéra.

The Yellow Princess : https://www.youtube.com/watch?v=C334UCVTPoE
Lion : https://www.youtube.com/watch?v=5x1Mbv1HmTk
Irish Setter : https://www.youtube.com/watch?v=oBEfI6flnog

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Paru en 1968

Monsieur Don Bikoff, qui a disparu dans la nature après un unique disque en 1968, a beaucoup écouté John Fahey. Vraiment beaucoup, c'est évident dans son jeu, qui rappelle fortement celui du John l'année précédente (celle de Days Have Gone By, son fameux volume 6 spirituel). Mais il a tellement écouté Fahey, qu'il a bien compris que l'essentiel n'était pas dans la répétition de certains motifs, dans des tics recrachés à la perfection ; l'essence de la guitare primitive est aussi d'emmener sa guitare ailleurs. Donc pour Bikoff dans des territoires autres que ceux de Fahey.
Il a plutôt bien réussi son coup en tout cas, car il semble ici explorer des terres bien plus psychédéliques que Fahey (qui avait certes effleuré le psyché bien malgré lui, avant de s'en détourner aussitôt parce que c'était mauvais pour son allergie aux hippies). Et avec son talent mélodique, sa capacité à poser des ambiances nocturnes et hantées du plus bel effet, c'est tout simplement une page unique de l'histoire de la guitare que ce petit homme à la brève discographie a écrit cette année là. Chapeau bas.

Celestial Explosion : https://www.youtube.com/watch?v=GEUy-3789GE
Rindler's Metamorphosis : https://www.youtube.com/watch?v=IVDY2pxg7Yw

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Paru en 1968

Fahey aura eu beaucoup de délires dans sa vie. L'un d'entre eux aura été de balancer de temps en temps des disques de Noël. À savoir des réinterprétations de chants de Noël traditionnels, the american primitivism way. Le pire c'est que c'est pas mauvais du tout, d'autant que la longue variation centrale contient des sommets inattendus et un niveau d'intensité étonnant pour un disque si sage. Mais gare, car en la matière le meilleur est à venir : le volume 2 est encore meilleur !

Christ's Saint of God Fantasy : https://www.youtube.com/watch?v=CaTYmey6t4U
God Rest Ye Merry Gentlemen Fantasy : https://www.youtube.com/watch?v=VsFKq6SzlTQ

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Paru en 1969

Robbie Basho nous offre ici son voyage le plus philosophique jusqu'à présent. Le plus méditatif aussi sans doute. Ce qui lui fait composer ici des morceaux lents et majestueux, avec un sens de l'espace qui nous donne l'impression d'être debout au milieu d'une vaste plaine alors que la brise souffle continuellement. C'est le premier album où sa voix devient ce qu'elle sera sur ses chefs-d'oeuvre à venir : un instrument vibrant capable de dompter un fauve enragé d'une simple intonation.

Cette atmosphère méditative est aussi ce qui m'empêche de me plonger dans ce disque jusqu'au point où je me sens véritablement ému et bousculé. À garder pour les humeurs pensives...

Cathedral et Fleur de Lis : https://www.youtube.com/watch?v=1QFXLLneOUA
Kowaka D'amour : https://www.youtube.com/watch?v=YltJZgtApHw

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Paru en 1969

Disclaimer : ce disque a très bonne réputation en tant qu'alternative à l'école Takoma, n'hésitez pas à passer outre mon avis pour vous construire le vôtre.

L'échec que constitue pour moi cet album de Suni McGrath est très intéressant à mettre en parallèle avec ceux qui réussirent dans le même genre (au "hasard" John Fahey et Robbie Basho). De fait McGrath est un très grand technicien, aussi accompli que n'importe lequel de ses pairs, et visiblement un type ambitieux pour jouer une partition aussi complexe et luxuriante que celle de Cornflower Suite (le morceau). C'est peut-être même un très bon compositeur de belles mélodies. Mais avec ce disque il échoue à prouver qu'il est un bon compositeur pour guitare. Et pour cause, à mon oreille le coeur du disque, à savoir le morceau titre de 13 minutes, donne l'impression d'avoir été calqué directement d'une partition pour un autre instrument, ou bien d'avoir précisément été envisagée comme la partition d'une guitare au milieu d'autres. Le hic dans l'affaire, c'est qu'au contraire d'un Fahey qui était à lui seul capable d'occuper aussi bien l'espace que tout un groupe, Suni McGrath nous offre un disque de guitare seule qui manque cruellement de backing-band. Ainsi les 13 minutes de Cornflower Suite peinent à convaincre, on baille sans trop s'en rendre compte... Tout ça semble bien inoffensif.

D'ailleurs le morceau qui m'agrippe le plus est justement celui qui est accompagné d'une percussion, c'est pas innocent. Ajoutez à cela le fait que l'album devient de moins en moins mélodique et inventif à mesure qu'on progresse dans le disque (Pea Plucker's Pavane est répétitive à l'excès et ordinaire à souhait, Blue Domes of Isfahan est une araberie oubliable) et on se retrouve avec un cas d'école de disque au potentiel gâché... Frustrant :(

Corflower Suite :
Pt1 : https://www.youtube.com/watch?v=Mkicy_vbJRM
Pt2 : https://www.youtube.com/watch?v=3nEOA1t1wfk
Xopo : https://www.youtube.com/watch?v=MIy0x9VNvBs

Annotation :

Paru en 1969

American Primitive Banjo motherfuckers.

George Stavis se crée un monde rien qu'avec son seul instrument, un monde rempli de métissages étonnant. Un exemple brillant en est cette réimagination fascinante de My Favorite Things. Mais l'ensemble du disque est à l'avenant, et l'ajout de percussions lorsqu'il intervient est bienvenue. Une curiosité du genre, virtuose et dépaysante, poursuivant les inventions trop tôt taries de Sandy Bull.

My Favorite Things/Firelight : https://www.youtube.com/watch?v=09EjK2fOUk8

Annotation :

Paru en 1969

Léo Kottke est un grand type. Dans le milieu de la guitare acoustique il a autant voire plus de stature que John Fahey (en tout cas il est bien plus populaire) et dispose lui aussi d'une discographie bien fournie. Cependant, il n'aura droit à qu'un album symbolique dans cette liste, car tout fingerpicker qu'il soit, et aussi impressionnante que soit sa célérité technique que lui envient beaucoup de guitaristes (Fahey y compris, on peut l'entendre tenter de jouer aussi vite que lui sur le culte Live in Tasmania), tout signé sur Takoma qu'il soit, Kottke ne fait pas d'American Primitivism. Il n'est « qu'un excellent fingerpicker folk », qui tisse de belles toiles acoustiques mais sans un véritable souci de mélange de genres ou une remise en question de sa technique.

Funfact : Cet album fut la plus grande réussite commerciale de l'histoire de Takoma Records.

Watermelon : https://www.youtube.com/watch?v=he-z7XWDGFM
The Fisherman : https://www.youtube.com/watch?v=SC3t7aIioQ4

Annotation :

Paru en 1970

La présence de Third Ear Band est surprenante dans cette liste car à première vue rien à voir avec les autres disques présents ici. Y a même pas de guitare punaise ! Mais j'ai envie d'étirer à l'extrême la définition de primitivisme musical rien que pour ces gars là, tant l'approche instinctive des compos et le mélange de genre qui forme une sauce complètement inclassable fait rentrer ne serait-ce que de façon symbolique le Third Ear Band dans les outsiders du genre.

Mais plutôt que d'épiloguer sur une musique si difficile à décrire sans s'empêtrer dans les métaphores existentielles à rallonge je vous invite à consulter ma critique.

Air : https://www.youtube.com/watch?v=zZLBAleLAck
Earth : https://www.youtube.com/watch?v=p9WhjadcAlQ
Fire : https://www.youtube.com/watch?v=DGFa9GGRbt0
Water : https://www.youtube.com/watch?v=zFUs5fPDgqo

Annotation :

Paru en 1971

Un disque solide de Basho pour entamer sereinement les seventies, aka sa meilleure période selon mon humble opinion. Il fera cependant bien mieux par la suite. Song of the Stallion est envoûtant par son doux spoken-word mais n'a pas encore la force d'un Voice of the Eagle ni la profondeur d'un Zarthus. Une étape essentielle du parcours de Robbie Basho, quoiqu'il en soit, à écouter comme le reste mais peut-être pas en priorité.

Song of the Stallion : https://www.youtube.com/watch?v=lVfz-tSzu3Q
California Raga : https://www.youtube.com/watch?v=K-kA9UZPHzc

Annotation :

Paru en 1971

Gare avec celui-ci, car il peut être trouvé sous deux formats différents :

- L'originale, qui ne comporte que 4 morceaux (mais des longs), parue en 71 après un écrémage studio pour éviter que ça ne fasse un double album trop ambitieux.
- Mais le plus souvent il s'agit de la réédition qui contient pas moins de 13 morceaux dont les premiers sont très répétitifs et peuvent ennuyer l'auditeur non averti (moi-même parfois je me surprends à bailler). Donc commencez plutôt par l'originale.

C'est peut-être le meilleur album de John Fahey, avec Fare Forward Voyager et The Yellow Princess. Les deux pistes à plus de 10 minutes sont des indépassables, de véritables monuments considérés comme tel même par Fahey lui-même, pourtant souvent très critique à l'égard de ses propres créations.

Mark 1:15 : https://www.youtube.com/watch?v=7ieig2PpBAM
Voice of the Turtle : https://www.youtube.com/watch?v=MEwzCq-WVFM