Cover Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2020

Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2020

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6 livres

créee il y a plus de 4 ans · modifiée il y a plus de 3 ans

Macabre
8.1
1.

Macabre

Traité illustré de la mort

Sortie : 16 novembre 2018 (France). Beau livre

livre de Joanna Ebenstein

Morrinson a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

La collection de Joanna Ebenstein portant sur la représentation de la mort et sur une pléthore d'artéfacts macabres est d'une diversité et d'une étendue toutes deux impressionnantes. Divisé en 7 chapitres (l'art de mourir, l'examen des morts, la commémoration des défunts, la personnification de la mort, symboliser la mort, la mort comme divertissement, et la mort outre-vie), ce "Traité illustré de la mort" se lit avec beaucoup de plaisir et une curiosité sans cesse renouvelée. Le découpage des sept chapitres n'est pas toujours très clair, certaines thématiques étant très largement plurielles, ce qui a pour effet de rendre certains contours quelque peu flous. De même, en introduction de chaque chapitre, plusieurs textes sont présentés : ils ne présentent que très rarement un réel intérêt (j'ai trouvé la majorité absconse ou interminable). Mais ce n'est rien en regard du contenu, qui se dévore goulûment. L'occasion aussi de parfaire son vocabulaire en la matière, avec des vanités (représentation allégorique de la mort, du passage du temps, de la vacuité des passions et activités humaines, faisant souvent intervenir des crânes humains et des sabliers), des ossuaires impressionnants, et des corps écorchés à mi-chemin entre art et science. Les documents varient continument des photographies aux sculptures en passant par des travaux sur cire, des marionnettes, des peintures très célèbres (à l'image de celles de Jérôme Bosch et Pieter Brueghel l'Ancien) et des artéfacts totalement obscurs. Le ton varie du macabre frontal à une forme délicieuse d'érotisme, et quelques graphismes sont particulièrement frappants (le tableau de Hans Baldung Grien, La mort et la jeune fille, marque la rétine). L'histoire de la représentation de la mort à travers le temps, avec les peintures de cadavres disséqués de la Renaissance, les momies égyptiennes, la littérature gothique ou les peintures du Jugement Dernier, agrémentée de crânes, de statuettes, d'ex-libris, de danses macabres ou encore de catacombes, se révèle passionnante.

Champion dans la tête
5.7
2.

Champion dans la tête

Sortie : septembre 2006 (France). Essai

livre de François Ducasse et Makis Chamalidis

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

Je m demande s'il ne faudrait pas que je remercie mon entraîneur, in fine, pour avoir imposé la lecture d'un tel livre. J'y suis allé à reculons, et pourtant, j'ai appris beaucoup de choses. Mais pas forcément là où j'aurais dû.

Difficile pour moi de départager François Ducasse, l'ancien sportif qui voit dans les sportifs de haut niveau les nouveaux chevaliers et qui parsème sa prose vraiment vaine dans ses grandes largeurs de grandes citations ampoulées, et Makis Chamalidis, le docteur en psychologie qui consacre un chapitre entier pour faire la promotion de sa profession (en la camouflant derrière la dénomination foireuse de "druide"), entre sophrologues, maître en programmation neurolinguistique, psychiatre, psychologue, psychanalyste, psychothérapeute ou même professeur de yoga.

Non pas que le fonctionnement (de la construction) du mental soit totalement inintéressant, mais le niveau global est de mon point de vue effroyablement bas. Quand on en arrive à lister une série de particularités ou d'anecdotes de grands champions officiels pour en tirer des généralités voire des leçons, c'est quand même grave. Sans doute que ce bouquin s'adresse plutôt à des adolescents (mais encore dans ce cas de figure le contenu n'en reste pas moins mauvais, seul le ton serait plus adapté), avec sa petite panoplie de métaphores qui mènent à la Terre de la Création (après être passé par la formulation d'un rêve et le chemin du plan). Cette vision bicéphale du sport, partagé entre "deux pôles de performance" que sont le plaisir et la souffrance, me fait bien rire.

Tellement de concepts fumeux ou non-développés, tellement de théories faussement démontrées, tellement d'allusions vaseuses aux chevaliers de la Table ronde avec la quête du Graal convoquée pour imager le parcours du sportif de haut niveau... L'impression d'avoir subi en 300 pages une tentative de lavage de cerveau.

La Fabrication du consentement
8.1
3.

La Fabrication du consentement (1988)

De la propagande médiatique en démocratie

Sortie : octobre 2008 (France). Essai, Politique & économie

livre de Noam Chomsky et Edward S. Herman

Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

À lire en complément, pour poursuivre au-delà de la thèse principale publiée par (l'oublié)Edward Herman et (le célèbre) Noam Chomsky en 1988 et augmentée en 2002, un entretien avec Daniel Mermet via le Diplo en 2007 : https://www.monde-diplomatique.fr/2007/08/CHOMSKY/14992

"La Fabrication du consentement" est le fruit d'un travail universitaire rigoureux, soutenant une thèse touffue qui modélise les empires médiatiques des sociétés occidentales comme les tentacules d’un régime de propagande — le terme retenu n’est pas pris à la légère — complexe, et à ce titre il en ressort un défaut (ou du moins une difficulté) évident : c'est long, dense, farci de notes et de références. Il en résulte une lecture difficile, pour ne pas dire éprouvante. La thèse des auteurs, résumée de manière très succincte : les médias constituent un système globalement homogène qui communique des symboles et des messages implicites (avec effet Pavlov moral et intellectuel) à la population, et servent d'instruments à une vaste communication idéologique visant notamment à promouvoir le libéralisme économique et à légitimer la politique étrangère des États-Unis. C'est un peu la destruction d’un miroir aux alouettes, celui des illusions démocratiques quant aux prétendues neutralité et nécessité des médias.

Le modèle, évoqué dans les premières parties avant de le mettre à l'épreuve avec plusieurs cas de figure, se base sur une série de 5 critères, 5 filtres qui conditionnent profondément la nature de l’information produite : 1) Taille, actionnariat et orientation lucrative, 2) Régulation par la publicité, 3) Sources d'information, 4) Contre-feux et autres moyens de pression, et 5) Anticommunisme — ce dernier point s'étant transformé depuis en antiterrorisme, selon Chomsky. Il est question de la formation d'une industrie oligarchique dominée par les classes fortunées qui oriente les directions d’observation, de la sélection du contenu par des logiques consuméristes de rentabilité et de complaisance pour assurer sa survie, de la négligence de certaines sources différentes des canaux officiels, faciles d’accès et immédiatement digérable, et bien sûr du poids de l'idéologie dominante (à savoir l'anticommunisme pendant la Guerre froide, à l'époque de la première parution).

Suite en critique

Le Propre et le Sale
7.5
4.

Le Propre et le Sale (1985)

L'hygiène du corps depuis le Moyen Âge

Sortie : 1985. Essai, Histoire, Culture & société

livre de Georges Vigarello

Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Le Propre et le sale est un travail d'historien qui se lit presque comme un roman, comme le récit passionnant et documenté de l'histoire de la propreté corporelle, du Moyen Âge jusqu'à l'avènement du 20ème siècle. Dans ces termes figurent le cadre temporel précis de l'étude, et peut-être aussi ses limitations : la situation moyenâgeuse est prise comme telle, sans transition avec les siècles précédents, et à l'autre bout de la fenêtre temporelle, la situation à la fin du 19ème siècle est décrite sans passerelle avec l'époque moderne. Mais c'est un reproche minime si on le met en perspective avec la densité de l'histoire de l'hygiène à travers ces quelques siècles, fondée sur l'étude de la variété des usages et des imaginaires de l'eau.

À noter également, coïncidence heureuse, un article dans le Diplo de novembre 2020 : Le miasme et la jeune fille, par Érika Wicky. "Encouragée tantôt à se soustraire au bain afin d’exhaler un « parfum » de vertu, tantôt à se parer de l’odeur subtile de la propreté, de la jeunesse et de la virginité, tantôt à rehausser son aura naturelle par la délicatesse de senteurs florales, la jeune fille du XIXe siècle se voit donc proposer un large éventail de pratiques, chaque autorité présentant ses recommandations comme les seules acceptables."

Si l'on devait résumer.
Au Moyen Âge, être propre se limite à entretenir une zone limitée de la peau, celle qui émerge de l'habit et s'offre au regard : les mains et le visage, essentiellement. Les bains ont mauvaise réputation, ils sont liés aux tavernes, aux bordels, aux tripots, et l'eau comme lieu de jeu ou de volupté attire bien plus qu'en tant qu'acte de nettoiement. Au 16ème siècle l'usage du linge crée un nouvel espace de propreté, en différenciant le dessus du dessous de l'habit. Au 17ème, la blancheur du linge prend le dessus sur le nettoiement, avec un rejet relatif de l'eau, vue comme un substrat potentiellement contaminateur (les souvenirs de la peste noire étaient vraisemblablement encore frais) dans la représentation d'un corps aux frontières pénétrables : les paradoxes ne manquent pas.

Suite en critique.

Mad maps
5.8
5.

Mad maps (2019)

L'atlas qui va changer votre vision du monde

Sortie : 25 septembre 2019. Beau livre, Essai, Guide & manuel

livre de Nicolas Lambert et Christine Zanin

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

À la limite de la tromperie sur la marchandise : je m'attendais à un travail beaucoup plus rigoureux, dans la lignée des excellentes cartes composées jadis par Philippe Rekacewicz pour le Diplo, aujourd'hui par Cécile Marin et Fanny Privat. D'ailleurs, tout est là : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/

Dans "Mad Maps", beaucoup d'esbroufe, beaucoup d'effets d'annonce qui ne débouchent sur vraiment pas grand-chose. Quelques chapitres découpent mollement l'ensemble, avec de grandes phrases interrogatives du type "Êtes-vous prêt à changer de regard, à bouger les lignes, à perdre le Nord ?" etc. qui structurent vraiment très mal les 60 cartes proposées ici. Une fois passé le côté ludique des trois ou quatre premières, et encore, la lecture d'un tel recueil perd vite son intérêt. Les textes qui accompagnent chaque carte se veulent malins, revendicateurs, limite subversifs, mais c'est plutôt la pauvreté de l'analyse qui transparaît. Bon, je reconnais la dureté de mon jugement, ce n'est évidemment pas le but de Nicolas Lambert et Christine Zanin de développer des analyses profondes des sujets qu'ils abordent à chaque double page, mais tout de même, c'est en partie ce qu'ils prétendent en commentaires.

Les principes qui sous-tendent la représentation cartographique sont naturellement intéressants, l'idée que derrière une carte se trame de nombreuses prises de position subjectives / analytiques aussi, mais ce ne sera pas développé. Vraiment beaucoup trop simpliste. Le potentiel ne me paraît pas du tout exploité.

Et puis sur un plan plus formel, je ne comprends pas du tout l'aberration qui consiste à exposer des cartes sur deux pages avec un énorme pli central qui bouffe une grosse partie du contenu...

Petite et grande histoire des légumes
6.

Petite et grande histoire des légumes (2020)

Sortie : 2020.

livre de Eric Birlouez

Morrinson a mis 7/10.

Annotation :

Synthèse historique très agréable à lire qui s'intéresse non pas à la perspective nutritionnelle des légumes (même si quelques éléments de diététique sont abordés) mais avant tout à l'histoire que chacun d'entre eux porte. Car force est de constater que ce que nous avons à disposition aujourd'hui est le résultat de grands voyages internationaux au cours des derniers siècles — l'histoire de certains étant particulièrement récente, remontant à seulement quelques dizaines d'années, alors que d'autres sont arrivés au-delà du Moyen Âge. À cette époque, d'ailleurs, il y avait une hiérarchisation très basique des aliments : la terre renfermait les légumes absolument pas nobles tandis que tous les oiseaux élégants faisaient partie des recommandations des classes aisées.

La chronologie est particulièrement intéressante, pour comprendre comment tomates et patates sont devenues la norme dans les assiettes alors qu'au moment de leur découverte, au début du 16ème siècle, on les croyait dangereuses, uniquement utilisées par les sorcières car appartenant à la famille des solanacées comme la mandragore, la belladone, le datura. L'apparition des maladies comme le mildiou, aussi, ont profondément structuré les pratiques et les habitudes, avec des nombreuses tentatives pour éviter des famines en cherchant des substituts ou des moyens de lutter contre ces pestes. La domestication des légumes occupe une place importante, depuis leur état sauvage jusqu'à des variétés digestes. Un voyage à travers le temps (première domestication il y a 9000 ans), l'espace et les pratiques pour se retrouver adoptés à travers le monde.

En résumé : en France on ne mangerait pas grand-chose d’autre que des choux si on n'avait pas eu des apports de l’Amérique, de l'Asie, du Moyen Orient. On constate à quel point la définition du légume n’est absolument pas triviale : légumes-fruits, légumes-fleurs, légumes-feuilles, bulbes, racines ou tiges, cosses... Une synthèse agréablement organisée entre ceux du Nouveau Monde, ceux d'hier et d'ailleurs, pour illustrer autant leur histoire que leur diversité. Hier, aliment du pauvre, aujourd’hui produit tendant vers le luxe.

Morrinson

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