E+E = MétissageCrucial² [Portrait d'une discographie #9 - Elysia Crampton]

Annotation :

E+E, tel est le premier pseudonyme d'Elysia Crampton. Un jeu sur la prononciation espagnole du +, qui se prononce "è". Ainsi la prononciation correcte serait "è è è", traduit en "and and and" ou "et et et", un jeu de sons qui n'est pas que ça, il s'agit surtout d'une déclaration d'intention qui résume l'idéal artistique de Crampton : refuser le "Oui ou Non", accepter les choses qui existent autour d'elle et les intégrer dans sa musique les unes à la suite des autres.

Musicalement, tout est déjà là. Ces basses rythmiques massives et légères, pareilles à des pales d'hélices qui ventilent l'éther, cette surabondance de SFX, bruitages et samples vocaux qui se fracassent façon accélérateur de particules, ces ruptures rythmiques héritées des musique traditionnelles de la Cordillère... Certains de ces samples se retrouveront réutilisés dans la plupart de ses futurs travaux. 4 minutes, une première fresque miniature et maximaliste, un premier chef-d'oeuvre.

https://www.youtube.com/watch?v=blpqWOzjTz0

Annotation :

Ce premier EP est l'occasion de se familiariser avec la coexistence chez Crampton des contraires. Ange ou Démon ? Plutôt les deux à la fois comme sur ce "The Totaled Angelica", qui alterne les nappes séraphiques et les chœurs religieux subaquatiques avec des borborygmes rauques, des bruits de chasse d'eau et des BOUM sortis de nulle part.

Même s'il sera plus tard largement dépassé par les travaux futurs de la dame, cet EP demeure une belle proposition narrative (le récit glaçant d'Angelica Olsen sur "The Wish" - rien à voir avec Angel Olsen -, j'ai d'abord cru que c'était Jenny Hval), avec de belles parties de guitares improvisées sur "The Fired Fortress" signées par le frère d'Elysia, Joshua. Moins maximaliste que d'habitude, c'est l'occasion de respirer un peu dans un collage ambient (presque) apaisé

The Totaled Angelica :
https://www.youtube.com/watch?v=9IUA3FbHBlY
The Demon City :
https://www.youtube.com/watch?v=ZWDosKVnypc
The Wish :
https://www.youtube.com/watch?v=E21Pg0c8NOI
The Fired Fortress :
https://www.youtube.com/watch?v=HBRiYyFHvyE

Annotation :

Edited/Remixed, comme son nom l'indique, compile les travaux de remix et d'edit de Crampton depuis 2008 (trois ans avant Elysian Dream !) jusqu'à 2012 et particulièrement la sortie de l'EP Smile. Comme ça, un album de remix ça n'a l'air de rien. Sauf quand, comme toujours avec Elysia, on s'intéresse à sa démarche. Son artisanat de mashup ou de remix s'étaye sur son héritage Aymaras, qui incorpore la culture environnante à un être en constant mouvement. Parcourir cette compile, c'est être confronté à des chansons pop mainstream contemporaines entièrement revisitées par de nouveaux instrumentaux confectionnés par Elysia. Des nappes cosmiques, des atmosphères new age, des crescendos synthétiques dramatiques, des mélodies minimalistes (dont des samples de Steve Reich)... ainsi subverties, ces chansons prennent un sens nouveau tout en conservant des vocaux inchangés. La réappropriation subjective selon Crampton, et je verserais bien ma larmichette par moments :'( "Energy Sketch" :'((

Les morceaux "The Dreaming" et "Smile" seront repris sur l'EP Smile qui sortira en 2012 et qui constituera, à mon humble avis, l'apex de l'ère mashup de Crampton.

End of Time (remix de Beyonce) :
https://www.youtube.com/watch?v=lcB-RNSNpBo
Have You Ever (remix de Brandy) :
https://www.youtube.com/watch?v=LBOCW4OM7HI

Annotation :

La sortie de cet EP semble consacrer la période remix de Crampton, ces 4 années passées à ré-habiller et magnifier des chansons pop avec divers artifices. Elle nous en livre ici sa plus pure incarnation, et n'y va pas avec le dos de la cuiller. Par deux fois, sur l'intro et la conclusion, elle parvient à me foutre des frissons en mixant Steve Reich (les Electric Counterpoints executés par Pat Metheny) avec... Justin Bieber himself, période mèche. Sur "Dream" je ne reconnais pas, et la piste 2 est instrumentale. Mais le cocktail est invraisemblable sur papier, pourtant si évident à l'écoute : pop de radio + digital cumbia + minimalisme (utilisée dans un contexte maximaliste, belle ironie).

Moi il ne m'en faut pas plus pour être content. 13 minutes de paradis.

Par contre je ne trouve pas de lien pour aucun des morceaux... il y a bien cette version un peu antérieure de Dream, qu'on retrouvait sous le nom de Dreaming sur Edited/Remixed, que je vous posterai donc (c'est pas exactement pareil mais ça reste magnifique donc tout va bien) :
https://www.youtube.com/watch?v=Lr9Xs9JlzxA