Excursion littéraire

Annotation :

"Vous ne pouvez pas imaginer combien j'aime faire ce genre de choses. J'entendais Gemma glousser pendant que j'écrivais : CECI EST UN HOLD-UP à la craie verte. C'était un joli gloussement. Il flottait dans le ciel nocturne. J'aurais bien aimé le glisser dans leur boîte aux lettres, aussi."

"Je vous le jure, la drogue, c'est génial. On se sent bien après, c'est tout. Évidemment que c'est fort, sinon ça ne serait pas dangereux. Mais c'est comme la vie : tant qu'on contrôle la situation, il n'y a rien à craindre. Bien sûr, ça, ils ne vous le diront jamais. Ce n'est pas qu'ils veulent vous empêcher de vous droguer. Au contraire. Le truc, c'est qu'ils veulent être sûrs que vous prenez les bonnes drogues. Ça fait partie du contrôle mental. Le tabac, l'alcool, les médicaments, c'est bon. Le cash, l'acide, l'héro, c'est mauvais. (...) Et votre cousin John qui se tape ses vingt clopes par jour, qui empoisonne l'air, qui fait respirer ça à son bébé et qui le regarde tousser en rigolant ? Et votre père, qui s'enfile trois, quatre ou cinq pintes de bières chaque soir au pub ? J'aimerais bien voir à quoi ressemble ses organes après trente ans à ce régime. Puis un beau jour, ils vous surprennent avec un joint à la main, et c'est : "Oh mon Dieu; elle se drogue..." Alors c'est la police, les assistantes sociales, ils préviennent l'école, les profs contrôlent vos yeux tous les matins, ils vous mettent en pension, et avant même d'avoir eu le temps de dire ouf, vous êtes fou à lier, tandis que leurs pires cauchemars sont devenus réalité. C'est du contrôle mental. Les fabricants de tabac, les laboratoires, les marchands d'alcool ont bien verrouillé le système. On a le droit de se droguer, mais uniquement avec les saloperies qu'ils produisent à la chaîne. La cigarette, ça donne l'air cool... Vous aurez l'air drôlement cool sous une tente à oxygène, avec les deux jambes amputées."

"Je lisais une de ses lettres l'autre jour, avec ces mots écrits tout en bas : "Pissenlit, je t'aime..." C'est magique, d'aimer quelqu'un. Ce n'est pas vous, ce n'est pas l'autre. Ce n'est pas en vous, c'est entre vous. C'est plus grand et plus fort que vous."

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"C'est vrai qu'il me plaisait, pas que ses dents, mais quelque chose au fond des yeux, une capacité d'emballement et d'éblouissement que je devinais, un allant, un élan, quelque chose d'intact et d'enfantin, non pas vraiment d'enfantin je hais les hommes-enfants, quelque chose de dru, de net, de direct, de vivant enfin."

"Quelqu'un de bien ce coq qui vient me voir à mon bureau juste pour vérifier l'effet qu'il fait , si les têtes vont se tourner vers lui, si mes copines vont dire oh ! comme Adrien est ceci, comme Adrien est cela, personne n'est plus intéressant qu'Adrien ? On avait un jeu, avant. Il fallait qu'il arrive à passer devant un miroir sans se regarder. Il n'y arrivait jamais. Ça nous faisait rire."

"Et c'est ainsi que Pablo, quand il a saisi dans quelle dèche on était, m'a dit : tu connais les pâtes au thon ? je vais te faire des pâtes au thon, tu vas voir c'est délicieux, il faut des pâtes et du thon, ou du thon et des pâtes, les riches ne savent pas ce qu'ils perdent. Ensuite quand il en a gagné, de l'argent, on a fait du risotto aux truffes, invité plein d'amis, acheté du très bon vin. Les pauvres n'ont qu'à être riches, il a dit, je le suis bien, moi. Mais non. Il ne le pensait pas. Ni que les pauvres n'avaient qu'a être riches ni qu'il était devenu riche, et la meilleure preuve c'est que, le mois suivant, il n'avait plus rien et il m'a emmené à Melun en RER chez des copains. (...) La vie c'est le mouvement, c'est la danse, c'est aller du chaud au froid, sans transition, sans passer par le tiède. La vie c'est parfois le chaud et le froid en même temps, mais c'est jamais tiède."

"C'est une méchante, ta Paula. Je te l'ai dit, ce jour-là, au café. Je t'ai même dit c'est une salope, une vraie fouteuse de merde, une qui chie dans les ventilateurs et qui regarde l'effet que ça fait."

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"Où se sont cognées les baleines à bosses ?" / "S'il y a une vie après la mort, qu'est-ce qui nous prouve qu'on n'est pas en train de la vivre maintenant ?"

"Pourquoi la masturbation n'est-elle pas considérée comme un génocide ?" / "Est-ce qu'Adam a apprécié à sa juste valeur le fait de ne pas avoir de belle-mère ?" / "Quelle est l'espérance de vie d'une drag queen au Pakistan ?"

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"Une fois par jour, je m'oblige à avoir un mot gentil avec n'importe qui ou n'importe quoi ! Un être humain ou un objet ! (...) Il suffit d'un mot gentil pour connaître le début d'un monde meilleur !"

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"J'ai terriblement envie de parler. Je vais voir tous les gens pour leur dire à quel point je les trouve sympas. Même mes ennemis ont toutes les qualités. D'ailleurs, des ennemis, c'est bien simple : je n'en ai pas. Je complimente tout le monde. C'est un peu embêtant : si Adolf Hitler était dans cette boîte de nuit ce soir, j'irais l'embrasser en lui disant qu'il a dû beaucoup souffrir pour faire tout ce qu'il a fait. Il est temps que je sorte prendre l'air."

"Il y a un crescendo violent dans la chanson de Coutin qui traduit bien l'impuissance exaspérée du vacancier hétérosexuel, anéanti par la chaleur, cerné par une atroce beauté incontrôlée. Les filles gambadent, soulèvent le sable brûlant, crient des prénoms de garçons plus bronzés que lui. Elles sortent de l'eau les tétons mauves ; les poils taillés de leur sexe se collent contre le slip de bain. Elles embrassent des surfeurs australiens, ou des disc-jockeys camarguais. Elles ignorent les garçons malingres et verdâtres qui lisent des livres, la bite enfoncée dans leur serviette éponge. Elles ne remarquent même pas ces admirateurs tétanisés, trouillards de la veste, ces amoureux muets, ces aigris romantiques. Merci à Coutin d'avoir rendu hommage à la douleur silencieuse de l'été."

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"La vérité est qu'il avait été viré parce qu'il ne s'abaissait pas comme les autres au niveau des abrutis pour leur parler. Voilà ce qu'on attendait de lui, en fait. Au royaume des crétins, ceux qui parlent le langage des cons sont rois."

"Tu me rappelles trop mon premier mari ! Lui aussi voyait la vie comme un combat permanent, une résistance de chaque instant. Mon éternelle bonne humeur le rendait fou. Il me voyait chanceuse, épargnée par le sort, alors que lui devait se battre au quotidien contre les tuiles qui lui tombaient dessus. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il réalisa que la plupart de ses ennuis étaient la conséquence de sa vision du monde, pas la cause..."

"Le même panorama était bien plus grandiose après le couteux effort d'une ascension que lors d'une simple halte en voiture. Était-ce la fierté de l'exploit accompli ? Ou la nature réservait-elle sa beauté à ceux qui en avaient payé le prix ?"

"A cette époque là, il ne prenait d'Angela que des photos en noir et blanc. Plus authentique. Plus touchant. Sur celle-ci, elle portait un soutien-gorge en dentelle blanche, et l'appareil avait figé une expression adorable, un sourire contrarié par une joyeuse colère tandis qu'elle protestait, refusant d'être photographiée en s'habillant. Les sourcils froncés sur ses yeux rieurs, elle était absolument irrésistible."

"Et pourtant, reprit-elle, s'indigner contre des choses qu'on ne maîtrise pas, n'est-ce pas une recette de la dépression ?"

"Donnez-moi le courage de changer ce qui peut l'être, d'accepter sereinement les choses que je ne puis changer, et la sagesse de distinguer l'une de l'autre."

"C'est le coeur qui décide. Dans notre société, on s'est tellement mis à l'esprit que tout se passe dans la tête qu'on s'est coupés du reste du corps. (...) Les bonnes décisions viennent du coeur, ou des tripes. Pas de la tête. Dans l'Egypte ancienne, on l'avait bien compris, d'ailleurs. (...) Avant de momifier un pharaon, les Egyptiens extrayaient de son corps tous les viscères. Mais ils ne gardaient que ceux qui avaient de l'importance, qu'ils conservaient dans de somptueux vases destinés à être enterrés avec la momie. C'était le cas du coeur et des intestins, notamment.
Elle marqua une courte pause avant d'ajouter :
- Le cerveau, ils le jetaient à la poubelle."

"La forêt amazonienne est détruite au rythme effroyable de mille six cents hectares par jour (...) La voix du vieil Indien était calme, posée. Malgré la gravité de ses propos, on ne percevait au

Annotation :

"Quand Kamala la belle entra dans son bosquet ombreux,
Le brun Samana se tenait sur son passage.
En voyant cette fleur de lotus il s'inclina profondément
Et Kamala remercia par un sourire.
Et le jeune homme se dit alors : Il est fort bien de sacrifier aux dieux,
Mais sacrifier à la belle Kamala vaut infiniment mieux."

"Presque toutes les créatures, ô Kamala, ressemblent à la feuille qui, en tombant, tournoie dans l'air, vole et chavire en tous sens avant de rouler sur le sol. D'autres au contraire, le petit nombre, ressemblent aux étoiles ; ils suivent une route fixe, aucune bourrasque ne les en fait dévier ; ils portent en eux-mêmes les lois qui les régissent. Parmi tous les savants et les Samanas que j'ai connus, il n'en existe qu'un de cette sorte, un être parfait, dont je ne perdrais jamais le souvenir. C'est ce Gotama, le Sublime, le créateur de la doctrine que tu sais. Chaque jour des milliers de jeunes gens l'écoutent et heure par heure, s'appliquent à suivre ses préceptes ; mais tous sont comme ces feuilles qui tombent ; aucun d'eux ne porte en lui-même sa doctrine et sa loi."