Films vus en 2020

Annotation :

Makoto Shinkai invente construit, film après film, une sorte de cinéma météorologique. Le ciel le fascine. Entre Your Name et Les Enfants du temps, combien de magnifiques lumières en sont descendues, combien d'objets irréls, combien de nuages féériques. Moi qui, enfant, jubilait de voir de grands nuages noirs recouvrir l'horizon, j'ai adoré la façon dont Shinkai a - manifestement - pris plaisir à dessiner la pluie dans toutes ses variations, l'orage, la tempête. La ville, ses lumières qui se reflètent dans les flaques au sol, son atmosphère sombre, menaçante. Non, sur le plan visuel, il n'y a rien à dire : c'est sublime. Mais qu'est-ce qu'on s'ennuie. On ne nous raconte rien. Hodaka a 16 ans, il fugue et débarque à Tokyo sans le sou. De fil en aiguille (que l'exposition fut laborieuse) il rencontre

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Shinnozuke est exigeant. Il refuse toutes les soupirantes que lui propose sa tante. Un jour, enfin, il tombe sous le charme de l’une d’entre elles, Shizu. Sauf que, dans cette première scène filmée avec une élégance qui demeurera sur l’ensemble du métrage, on s’aperçoit vite qu’il s’est trompé : Shizu est cette autre fille, la sœur de celui qu’il trouve belle, Ozu. Du salon à la forêt environnante, la caméra passe en un seul mouvement et capte le regard amoureux de Shinnozuke, celui d’Ozu (qu’il croit être Shizu) et le visage de la véritable Shizu, toujours dans l’ombre de son aînée. Cette relation entre la sœur aînée et sa cadette n’est pas si toxique qu’elle pourrait l’être ; les personnages de Mizoguchi étant chacun plus nobles l’un que l’autre. Shizu acceptera de se marier avec Shinnozuke pour que sa sœur profite de son homme. D’être « le pont » qui les relie. Voilà une valeur aux antipodes de la culture occidentale individualiste. Quelle noblesse y a-t-il à privilégier l’honneur de sa famille à son épanouissement personnel ? Tout en ébréchant leur dimension absurde, Mizoguchi explore les tréfonds de la tradition japonaise pour en extraire son extrême dignité. Sa caméra se hisse à la hauteur de ses personnages, en restant, du début à la fin, discrète, sobre, pudique, comme l’infinie douceur des intérieurs japonais. Le film aurait peut-être gagné à élaguer la dernière scène, et à s’échouer sur l’ultime travelling, le long de la guitare d’Oyu.

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Des soldats errent sans but apparent dans une forêt. Ils sont jeunes, très jeunes, et ils racontent la Seconde guerre mondiale, le Vietnam, la Somalie ou l’Irak comme s’ils y avaient été. Avec un détachement, une sérénité, une naïveté enfantine, ils racontent des épisodes sanglants, ils ont même des trous de mémoire, comme si la guerre n’était qu’une plate routine à chroniquer comme on discuterait de la météo ou des ragots du quartier. Filmé comme un documentaire, Remembered Film est construit comme un petit documentaire, avec ses séquences d’interview face caméra, et ses plans d’illustration. Isabelle Tollenaere a certainement voulu montrer par là l’absurdité de la guerre, mais pour moi, ça ne fonctionne pas trop. La longueur des plans est finalement inutile (attention au tic auteuriste) et, surtout, la monotonie dramatique n’est jamais compensée par une progression intellectuelle ou sensorielle. L’environnement de la forêt n’est pas exploité à fond, on aurait aimé plus d’éléments d’ambiance comme les moustiques qui volent ou la pluie tropicale. Et le filon anachronique des vétérans de guerre au corps d’adolescent est gâché.

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Elvira était un jour Elwin. L’est-elle encore ? Lui accorde-t-on la possibilité d’être totalement Elvira ? L’année des treize lunes raconte, sous forme de ballade crépusculaire (la première scène a lieu dans une magnifique aube), les ultimes tentatives d’Elvira d’embrasser totalement sa transidentité. Rejetée par son compagnon, puis par l’amour de sa vie – Anton, le joueur de tennis chef de mafia – et enfin par sa famille, Elvira finira par abandonner. Sur cette route du renoncement de soi, Fassbinder a placé de trésors de cinéma, des plans à la symétrie magnifique, surtout dans des décors intérieurs entièrement mis à profit (les appartements, les effets-miroirs, les belles scènes nocturnes dans la salle de jeux d’arcade).

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A la recherche d’un bonheur perdu, tous les personnages de La vie est un roman le sont. C’est un film d’utopie et d’utopistes, qui a d’ailleurs pour théâtre un manoir fantasmagorique, à l’architecture « de pâtisserie », un peu comme le parc Guell de Gaudi à Barcelone. Deux évènements ont lieu à 50 ans de distance : d’un côté, le comte Forbek propose à ses invités une expérience qui doit les conduire à un état de bonheur permanent. De l’autre, 50 ans plus tard, un colloque de chercheurs se réunit pour préciser les méthodes et les moyens d'une éducation de l'imagination. Dans les deux cas, on cherche la source du bonheur dans l’enfance. Ce retour à l’état virginal de l’homme se fait dans un cas à travers la drogue, et donc l’expérience, dans l’autre, à travers la connaissance, la discussion, le débat. Et puis, il y a les enfants eux-mêmes, sortes de passants éternels, plongés dans leurs jeux, dans ce monde imaginaire matérialisé dans le film par un décor moyennageux, volontairement kitsch. On passe d’une histoire à l’autre, avec l’impression qu’Alain Resnais garde toute sa bienveillance pour celle des enfants, finalement les seuls à être véritablement capable de trouver l’harmonie ; l’harmonie perdue des hommes au cours d’un XXe siècle qui les aura vu sombrer dans les pires cauchemars. Les personnages sont tous gentiment moqués, sauf peut-être celui joué par Pierre Arditi (Robert), grand enfant, dont la seule méthode consiste à rire de tout.