Cover Journal de Bord 2022 - Films

Liste de

50 films

créee il y a plus de 2 ans · modifiée il y a presque 2 ans

Mariage à l'italienne
7.1

Mariage à l'italienne (1964)

Matrimonio all'italiana

1 h 42 min. Sortie : 30 décembre 1964 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de Vittorio De Sica

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Vu le 5 janvier ♦

Films d’acteurs qui vaut donc essentiellement pour l’abattage de Mastroianni et Loren dans les rôles qu’on attend d’eux. Le film s’en retrouve vite limité d’autant plus que l’on comprend très vite, sans le générique, qu’il est adapté d’une pièce de théâtre tant il peine à incarner Naples. On sent de bout en bout cette envie mal concrétisée de mettre la ville et ses petites gens à l’honneur malgré un sujet pensé pour le théâtre, pour isoler deux personnages dans des intérieurs (sans doute une frustration trop grande pour l’ancien néoréaliste De Sica ?). Comme la mise en scène, le récit est assez bancal, gère étrangement ses grands moments (par exemple, la première rencontre au bordel sous les bombardements, moins lyrique que sur le papier, car désamorcée par le machisme de Mastroianni, pourtant filmée comme un mélo, avec gros plans très hollywoodiens, en mode automatique), et la résolution non plus ne m’a pas convaincu. Conclu comme un conte de fées, sans ironie, sans nuances de gris, drôle d’issue pour ce « je t’aime, moi non plus » qui aura quand même sévèrement ronronné pour en arriver là ! Restent Mastroianni et Loren, parfaits évidemment.

[6,5/10]

Europa
7.2

Europa (1991)

1 h 52 min. Sortie : 13 novembre 1991. Drame, Thriller

Film de Lars von Trier

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Vu le 6 janvier ♦

J’ai encore du mal à savoir quoi penser du film, intrigué d’une part par le dispositif formel très original : chaque plan est composé en surimpressions très visibles, les acteurs étant filmés séparément des décors, voire séparément d’autres acteurs, certains en couleurs, d’autres en noir et blanc. À des fins symboliques bien sûr (le making-of explique que la couleur apparaît très simplement dans le plan quand il s’y joue une grande émotion) mais surtout pour construire une expérience d’hypnose, un théâtre de marionnettes avec les moyens du cinéma (du muet des années 20 à Tarkovski, en passant par Dreyer et les postmodernes des 80’s…). Je peux comprendre qu’on rejette son éventuelle vacuité, ou ses effets tape-à-l’œil, mais je crois avoir été plutôt convaincu. D’autre part, je ne crois pas être en phase avec le sadisme du film, qui se plaît à organiser la désillusion d’un jeune idéaliste blanc comme neige et amoureux dans l’Allemagne divisée de l’immédiat après-guerre. Son pétage de plombs final prend un effet comique volontaire, on jurerait qu’il s’adresse au metteur en scène, que le personnage se rebelle contre le film, cherche « à quitter Europa », comme le dit le narrateur/hypnotiseur, lequel commande à son « sujet » de mourir après avoir compté jusqu’au chiffre 10. Étrange théâtre de marionnettes dont la finalité consiste à manipuler, moquer puis tuer ses personnages-pantins, aux petits jeux cinéphiles douteux (grand plaisir de retrouver le chef opérateur des derniers Dreyer, la voix off de l’acteur fétiche de Bergman, plus ambigus sont ces choix de noyer de nouveau Jean-Marc Barr, faire de la Mieze/Lola de Fassbinder une terroriste nostalgique du IIIème Reich)

[6,5/10]

Breaking the Waves
7.4

Breaking the Waves (1996)

2 h 38 min. Sortie : 9 octobre 1996 (France). Drame, Romance

Film de Lars von Trier

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 7 janvier ♦

La réputation de cinéaste misanthrope et pessimiste qui colle à la peau de von Trier ne me laissait pas présager un film comme celui-ci, qui souffre à mes yeux des mêmes problèmes (relatifs à la manipulation des personnages par le récit et la mise en scène) que le film ci-dessus, mais le point de vue est inversé. Cette fois-ci, von Trier se positionne du côté de ses deux héros, et leur accorde sa sincère compassion, tient même un discours assez remarquable sur l’idée de la bonté, le décalage qu’il peut exister entre le bien que l’on veut faire et ce qui en résulte, le bien dont on a besoin. L’épilogue (et l’ultime plan en particulier) est franchement curieux, récompense miraculeusement, par deux fois, les efforts surhumains de l’héroïne. J’aurais dû être touché, mais je me retrouve un petit peu embêté, puisque cette apothéose bienfaitrice doit s’opposer de façon très schématique à la mise au pilori d’une communauté de « méchants » hommes d’église plus obscurantiste tu meurs, forcément horrible, immonde, et, pour notre plus grande satisfaction, dupée, et donc punie, par les « gentils » amis du héros. Des facilités narratives (la longue séquence avec la bande d’ados est odieuse) qui ternissent un peu le tableau, alors que nombre de personnages sont beaucoup plus beaux et fins (la sœur Dodo, le docteur Richardson), ou à l’inverse, sublimement simples (les amis de Jan, Jan et Bess évidemment). Le premier chapitre, le mariage et sa consommation, ces quelques jours de plénitude, de bonheur parfait entre les deux amants, est un petit chef d’œuvre, tant l’amour fusionnel, désinhibé, qui ne laisse place au moindre doute entre les deux amants, transpire l’évidence, porté par deux acteurs au firmament de leur art. Que Jan n’inspire pas confiance à sa belle-sœur, que Bess soit trop « hors du monde » est sans importance, « he’s a good lover » d’une part, « she just wants to live » d’autre part. Je n’aime pas le film entier, mais l’amour fou, absolu, n’avait peut-être plus été aussi bien représenté au cinéma depuis Borzage.

[7,5/10]

Entretien avec un vampire
7.1

Entretien avec un vampire (1994)

Interview with the Vampire: The Vampire Chronicles

2 h 03 min. Sortie : 21 décembre 1994 (France). Drame, Fantastique, Épouvante-Horreur

Film de Neil Jordan

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 9 janvier ♦

J’étais très intrigué par le casting, constitué d’acteurs et d’actrices que j’aime beaucoup, et j’ai été très surpris de redécouvrir complètement Tom Cruise, que je ne soupçonnais pas d’être aussi convaincant dans un tel registre. Il porte très nettement le film sur ses épaules, et compose un personnage sophistiqué de vampire dangereux et diablement séduisant. La mythologie du film est captivante, condense peut-être trop un matériau littéraire que l’on devine très riche (la partie parisienne paraît survolée, on aimerait connaître un peu plus de ce « théâtre des vampires »), et le soin apporté à la reconstitution, les décors, les costumes, la lumière, la partition opératique de Goldenthal, ajoutent à l’œuvre un certain cachet. C’est du bel artisanat, appliqué et créatif. Pour le reste, la famille homoparentale que forment Louis, Lestat et la fillette Claudia est passionnante, dans les relations subtiles de dépendance qui s’y jouent, qu’elles soient d’ordre affectif ou de maître à élève, de tuteur, de guide. Le film ne s’en cache pas, et joue régulièrement avec cette ambigüité : Louis s’adresse à Lestat variablement via des périphrases comme « Mon maître » ou « mon compagnon », Claudia à Louis par « My beloved » ou « My lover ». L’indécision sentimentale de personnages infiniment romanesques renforce un peu plus l’attrait de cet étrange trio, idéal pour garder intact le grand mystère érotique de la figure du vampire au cinéma.

[7,5/10]

Un plan simple
7.2

Un plan simple (1999)

A Simple Plan

2 h 01 min. Sortie : 24 mars 1999 (France). Drame, Policier, Film noir

Film de Sam Raimi

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 10 janvier ♦

Le film jouit d’abord d’un très bon scénario, parfaitement huilé. En dépit d’un ultime rebondissement un peu gros (l’agent du FBI), le film se révèle particulièrement habile pour générer une tension crédible entre les différents personnages, à partir d’éléments psychologiques très simples. Les personnages, même dans leur instabilité (la fragilité de l’asocial Jakob, l’alcoolisme de son ami Lou), nous sont familiers, et tous les problèmes et imbroglios qui découlent de ce plan pourtant « simple », sont assez logiques, non tributaires d’un énorme grain de sable imprévisible dans l’engrenage du récit, comme il est d’usage dans ce genre de productions. Le moteur du film est clairement alimenté par l’écriture des personnages, tous complexes, pleins de contradictions et de frustrations dans lesquelles nous pouvons tous nous retrouver (lassitude du train-train quotidien des classes moyennes, sans perspectives de changement, d’ascension sociale etc.). Sam Raimi fait sobre, s’efface pour ses personnages avec toute la belle sensibilité classique qu’on lui reconnaît rétrospectivement depuis ses Spider-Man (ou du moins, que je lui reconnais depuis, puisque c’est son premier film de cette veine que je découvre), mais c’est aussi sa limite. Peut-être trop « classique » pour être un vrai grand film. Mais un très beau polar assurément.

[7,5/10]

Dancer in the Dark
7.3

Dancer in the Dark (2000)

2 h 20 min. Sortie : 18 octobre 2000 (France). Policier, Drame, Comédie musicale

Film de Lars von Trier

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 11 janvier ♦

Alors, comment vais-je m’en sortir ? Car je comprends tout le mal que l’on peut penser du recours à des effets de mise en scène infâmes et misérabilistes, qui ont manqué de peu de m’inciter à insulter l’écran de ma TV (avec en point d’orgue ces horribles zooms et gros plans sur Björk quand elle se débat sur sa planche lors de l’ultime séquence, conclue par un silence brutal odieusement prévisible…), mais je sais que j’ai aimé le film, que j’ai aimé profondément ses personnages. Alors, LVT a un rapport que je trouve assez étrange au mélodrame car je ne crois pas que son but soit réellement de « toucher » son public, le faire pleurer, l’émouvoir comme nous émeuvent Sirk ou Mizoguchi. Si tel était le cas, sa caméra accuserait alors d’un manque sidérant de pudeur. Mais son film est incroyablement viscéral, bouillonnant, met dans des situations extrêmes de beaux personnages qui me semblent vrais, justes, bénéficiant de surcroît d’un traitement équilibré. « Dancer in the Dark » ne manque pas non plus de quelques réels éclats poétiques parfois assez phénoménaux (la fabuleuse scène du train sur « I’ve seen it all », les séances de cinéma où Deneuve mime les pas de danse des comédiens sur la paume de la main de son amie aveugle), systématiquement désamorcés il est vrai par la suite tragique des événements, qui punit les « cœurs purs » d’avoir trop rêvé, mais qui me semblent malgré tout dénués de cynisme. De plus, Björk est incandescente, et les seconds rôles, Deneuve et Stormare en tête, sont eux aussi fins et poignants. Si la cruauté du film est incontestablement artificielle (le procès est honteux, la scène du meurtre est un improbable concours de malheureuses circonstances), les personnages ne le sont aucunement. Et j’aime beaucoup l’originalité formelle du film, ses séquences musicales inédites, la patine fascinante du numérique. Grosso modo, je m’interroge encore sur le regard, le point de vue du metteur en scène, mais pas sur les êtres qui sont filmés. Et je crois que j’ai aussi, et surtout besoin de temps pour tout bien digérer.

[7,5/10]

Marie-Antoinette
6.2

Marie-Antoinette (2006)

2 h 03 min. Sortie : 24 mai 2006. Biopic, Drame, Historique

Film de Sofia Coppola

Jurassix a mis 5/10.

Annotation :

♦ Vu le 11 janvier ♦

Le but du projet m’a complètement échappé, ça radote et ça tourne en rond deux heures durant pour raconter l’histoire éternelle d’une innocence sacrifiée, d’une jeune femme qui s’accroche à une adolescence que l’on cherche à lui ravir, contrainte par son étiquette sociale à devenir adulte beaucoup trop vite… Et tout le reste (Histoire, politique, diplomatie…) est esquivé au maximum, sciemment (cette scène assez représentative où l’ambassadeur Mercy aborde avec Marie-Antoinette le sujet des tensions récentes entre la Norvège et la France, ce à quoi elle lui demande son avis sur ses boutons de manchette…). Il ne subsiste que du superflu, le train-train pénible des commérages de la cour, les grandes fêtes, les jeux d’argent, les essayages de chaussures, les nouvelles coiffures, les vêtements etc… La gravité de l’Histoire intervient si tard, trop tard, que l’on s’en contrefiche. Bien sûr, c’est le sujet, c’est l’audace radicale du parti-pris, je comprends que la légèreté apparente du film cache une profonde amertume, mais je trouve simplement les péripéties, les personnages, les enjeux archi-rabattus et inintéressants. À l’exception d’une poignée de saynètes dont la frivolité peut amuser, une esthétique extravagante agaçante mais pas foncièrement désagréable, et Kirsten Dunst, radieuse, alors au sommet de sa beauté. Ça reste bien peu pour un film qui avait déjà grillé toutes ses cartouches passées trente minutes.

[5/10]

Melancholia
7

Melancholia (2011)

2 h 10 min. Sortie : 10 août 2011 (France). Drame, Science-fiction

Film de Lars von Trier

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 12 janvier ♦

J’ai préféré la 1ère partie à la 2nde, pour les tentatives désespérées mais sincères de Justine d’être heureuse, de feindre la joie pour faire plaisir à sa sœur et sa famille. La méthode von Trier, qui consiste à démolir les espoirs illusoires de bonheur de ses héroïnes en les mettant en face de l’ignominie de leur entourage, accuse des mêmes limites que d’habitude (ou en tout cas, celles des deux derniers films du cinéaste que j’ai vus). La malveillance, la méchanceté, la bêtise des personnages considérés comme « mauvais » (ou au mieux, médiocres), est caricaturale à l’excès, et peine à convaincre (le patron de Justine qui ordonne à son neveu/employé de lui coller aux basques pour qu’elle lui trouve un slogan le soir de son mariage, faute de quoi il le licencie, la demande en mariage du neveu, à côté de la plaque, la mère infecte, la mièvrerie du mari, beaucoup trop gentil, comme s’il ignorait tout de la dépression et du caractère désabusé de son épouse etc.). La seconde est encore plus retorse, avec comme scène-pivot, ce drôle de dialogue où Justine révèle à sa sœur ses qualités d’oracle, qui comprend, voit et sait les choses de ce monde mieux que le commun des mortels. Elle en veut pour preuve qu’elle était la seule à connaître le nombre exact de haricots présents dans le pot de la tombola de son mariage. Justification loufoque et risible qui fait alors douter : faut-il prendre les dons extralucides de Justine au pied de la lettre (et alors, tenir pour acquise cette vision misanthropique du monde) ou peut-on prendre du recul ? Comme souvent avec LVT, je n'en sais rien (le commentaire audio ne nous avance pas, le cinéaste préfère discuter du manque de réalisme des retouches numériques apportées aux visages de ses actrices…). Quoiqu’il en soit, tout aussi inégal que soit le film (aussi bien dans le fond que dans la forme, je trouve le plan final magnifique alors que le pompiérisme arrogant des « tableaux mouvants » de l’introduction me laisse perplexe), j’aime son atmosphère, j’aime son rythme (j’ai beau ne pas être réceptif à tout, LVT ne m’ennuie jamais), j’aime ses héroïnes, Justine, difficile, mal-aimable, mais dont je ne doute à aucun moment de la franchise, Claire, sans doute trop naïve et vulnérable, mais généreuse, bienveillante, donc incritiquable. Ou peut-être que l’isolement auquel je suis soumis depuis deux semaines m’ont rendu aigri, c’est-à-dire prêt à accueillir les idées noires de l’ami Lars à bras ouvert. :/

[7/10]

Bellissima
7.3

Bellissima (1951)

1 h 54 min. Sortie : 12 avril 1961 (France). Drame

Film de Luchino Visconti

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 16 janvier ♦

Dans la grande tradition des films sadomasochistes sur le milieu pourri du cinéma, « Bellissima » sème le trouble dans l’esprit critique du spectateur : ne dénoncerait-il pas exactement ce qu’il filme ? Un poids, deux mesures bien sûr, on imagine (on espère) que les conditions du casting de la petite fille, puis sa direction par Visconti, étaient bien moins obscènes, mais le « film dans le films », les nombreux gros plans sur la petite Maria en larmes, m’ont paru comme « de trop ». De légers électrochocs pour appuyer un discours qui n’en demandait pas tant. Petit bémol de ce point de vue, conséquence d’une mise en scène qui s’adapte autant qu’elle peut au tempérament volcanique d’Anna Magnani, superbe de bout en bout dans un personnage aussi irritant qu’admirable par sa force de caractère. La meilleure scène du film, celle au bord d’une rivière où Maddalena refuse de céder aux avances d’Alberto, lui avoue avoir tout compris de son petit manège, avoir parfaitement conscience d’être manipulée, apporte un nouvel éclairage bienvenu sur ce personnage plus complexe qu’il n’y paraît. Grande gueule, toujours en mouvement, à hurler, à chercher le conflit, le personnage nous apparaît désormais moins naïf qu’extraverti par nécessité, pour ne pas se laisser abattre par un quotidien peu reluisant qui lui fait honte. Le film affiche un bel humanisme, et une description convaincante d’une certaine classe populaire de l’Italie désorientée de l’après-guerre.

[7/10]

Avanti!
7.1

Avanti! (1972)

2 h 24 min. Sortie : 27 septembre 1973 (France). Comédie romantique

Film de Billy Wilder

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 17 janvier ♦

Mais comment fait-il ? Billy Wilder expliquait l’échec du film par son « audace inouïe » : « pas de sexe, pas de drogue », une comédie complètement à rebours des tendances du cinéma américain 70’s, radicalement réac’, anachronique, défiante envers l’évolution des mœurs. Une posture qui pour ma part, pose problème quand Wilder ose des stéréotypes italiens qui auraient largement pu faire polémique vingt ans plus tôt : une dolce vita de carte postale, une tueuse sicilienne moustachue, un employé d’héliport accueillant un diplomate américain une assiette de pâtes dans les mains, une bande de mafieux nazillons aux gueules improbables, un maître d’hôtel et des musiciens qui auraient leur place dans « La Belle et le Clochard »… En plus de gros sentiments, d’effets vaudevillesques datés et d’un goût douteux (les voitures à 200km/h). Wilder est nostalgique des 50’s…, mais ravi de la liberté nouvelle que lui permettent les 70’s. Le film est alors long (2h20), s’autorise une séquence d’avion en ouverture « inutile » (car sans conséquences et largement dispensable, même pour introduire le caractère du personnage), des moments de pause qui cassent la dynamique du récit (Pamela qui visite la ville pour le plaisir une après-midi), multiplie les détours, les sous-intrigues mineures (les photos volées du valet de chambre). Il imite la trajectoire d’un héros trop pressé, qui apprend en Italie à prendre le temps, et qui remet à plus tard jour après jour la fin de son voyage. Et puis, il y a un personnage féminin au charme irrésistible malgré ce léger surpoids qui la tracasse tant (elle serait pourtant moins belle sans), dont je suis tombé amoureux comme systématiquement à chaque découverte d’une comédie de Billy Wilder. C’est la magie de ses films dits mineurs : quelques gros défauts, un récit légèrement bancal, une écriture qui peut manquer de finesse…, quelques kilos en trop. Mais un pouvoir de séduction sans égal, qui pulvérise notre esprit critique, celui qui aimerait tant se croire froidement objectif. À l’aspirant cinéphile redoutant de s’attaquer à une filmographie « ancienne », je ne lui conseillerais que celle-ci, avec la certitude qu’elle conquerra son cœur, qu’elle balayera tous ses préjugés.

[7,5/10]

La Cigogne en papier
7.1

La Cigogne en papier (1935)

Orizuru Osen

1 h 40 min. Sortie : 20 janvier 1935 (Japon). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 18 janvier ♦

Le film, en tant qu’objet historique, est très curieux : le dernier film muet de Mizoguchi, donc quelque chose d’hybride, qui prépare une transition. À une mise en scène enlevée, virtuose et romantique (soutenue par l’utilisation récurrente et surprenante d’ « Une nuit sur le Mont Chauve ») lui succèdent des séquences très statiques, « cadrées », un mélodrame lyrique et enflammé se bat avec un autre, tout en pudeur, sobriété et retenue. Ce conflit qui oppose deux films aux dispositifs de mise en scène bien différents culmine dans ces intertitres lus par un benshi, qui commente (et parasite) tous les plans. Je n’avais jamais vu avant « La Cigogne en papier » un seul film avec ce procédé, d’où une fascination, qui malheureusement s’essouffle vite : le film ne respire plus et m’a rappelé ces films vus sur des plateformes de streaming géorgiennes, couverts (et non doublés) par la voix grave, sans émotions, insupportable d’un traducteur russe… Le benshi m’a gâché le film, pourtant riche en beaux moments de mise en scène, somptueusement éclairé, magnifié par un portrait de femme tragique à ranger parmi les plus émouvants de l’auteur.

[7/10]

Le Désert rouge
7.3

Le Désert rouge (1964)

Il deserto rosso

1 h 57 min. Sortie : 27 octobre 1964. Drame

Film de Michelangelo Antonioni

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 24 janvier ♦

Je n’avais plus vu un seul film d’Antonioni depuis au moins quatre ans, je n’ai pourtant eu besoin d’aucun temps d’adaptation pour me réhabituer à l’univers du cinéaste. Car tout est là, bien en place, c’est carré béton comme toujours. Mais, sans doute parce que la recette est connue, le récit m’a moins intéressé que l’ingéniosité plastique, visible à chaque plan. Les gris, les rouges, cette incroyable brume, l’île de Budelli, le paysage industriel, un monde à lui seul… Ce n’est pas le film le plus élégant, raffiné d’Antonioni, mais il est avec « Identification d’une femme » celui qui me stupéfie le plus visuellement. Un univers extrêmement sensoriel auquel l’ensemble des personnages semble complètement indifférent, à l’exception du personnage de Monica Vitti, dépressive, hypersensible, qui reçoit de plein fouet la toxicité du milieu industriel dans lequel elle évolue. Elle en imagine une échappatoire, une fable sur l’île de Budelli, une illusion, un petit jeu cruel dont la paralysie simulée de son fils révèle l’inanité. Sa solitude est sans issue, la communication avec le monde extérieur est impossible. Rien de plus antonionien. Grand plaisir également de découvrir Monica Vitti en couleurs.

[7,5/10]

L'Homme que j'ai tué
7.7

L'Homme que j'ai tué (1932)

Broken Lullaby

1 h 16 min. Sortie : 15 juillet 1932 (France). Drame

Film de Ernst Lubitsch

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 25 janvier ♦

Le sujet est fantastique et aurait mérité un développement plus approfondi, les 70 minutes laissent un arrière-goût de trop-peu compte tenu de son potentiel. Rien de rédhibitoire bien sûr, l’unique drame de la carrière parlante de Lubitsch porte la marque du grand metteur en scène qu’il était. L’Histoire fait que ces films tournés dans les années 30, profondément humanistes, antimilitaristes, pacifiques, qui rêvent d’une réconciliation illusoire entre Français et Allemands, ont acquis involontairement une indéniable dimension tragique. Celle-ci aurait pu lui être dommageable si le récit avait pris la forme d’une utopie. Or, la reconnaissance d’un soldat français par une famille de substitution allemande se fait en opposition à la méfiance de leurs voisins, de leurs amis. Plus encore, cette adoption ne tient qu’à un mensonge que le héros doit tenir secret jusqu’à la fin de sa vie, sans quoi les rancœurs, la colère, la haine de ses nouveaux parents prendraient à nouveau le pas sur la raison, la conscience des réalités humaines de l’Europe de l’après-guerre. La dernière scène du film est filmée comme une victoire, le héros est exorcisé, il peut vivre passionnément (il rejoue enfin du violon), en harmonie avec les siens. Mais cet équilibre est précaire et ne se limite qu’à un foyer pour tout un village. En réalité, rien n’était gagné, la Seconde Guerre Mondiale éclatera, Français et Allemands s’entredéchireront, et Lubitsch s’y engagera via, cette fois-ci, le registre de la comédie.

[7/10]

Le Jour où le cochon est tombé dans le puits
6.2

Le Jour où le cochon est tombé dans le puits (1996)

Daijiga umule pajinnal

1 h 55 min. Sortie : 26 février 2003 (France). Drame

Film de Hong Sang-Soo

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Vu le 29 janvier ♦

Je ne vais pas mentir, j’ai eu un mal fou à me repérer dans le film, perdu entre tous ces personnages que je peinais bien malgré moi à reconnaître (si dans un film asiatique, je ne connais pas les acteurs, ou s’ils ne présentent aucun trait physique particulier, je les confonds pratiquement tous, c’est ma malédiction), et une narration quadripartite exigeante, difficile à suivre sans louper des informations importantes, des liens subtils entre les histoires. Pire encore, une critique d’In_Cine_Veritas, sur ce site-même, évoque une « déstructuration extrême », un film « raconté dans le désordre » à la manière de « Hill of Freedom ». Je ne m’en suis pas aperçu, je ne l’ai lu nulle part ailleurs, et je me demande donc si je ne suis pas passé complètement à côté de l’œuvre. Déçu donc car c’est la première fois qu’un film de Hong Sang-soo me laisse sur le carreau. Je n’aurais su en apprécier que les bases de ses films suivants (les triangles amoureux, ces femmes mystérieuses que les hommes ne parviennent pas à posséder, la recherche de l’inspiration artistique, les coïts tour à tour passionnels et cruellement froids, les grosses cuites etc…), et une apparition inattendue d’un tout jeune Song Kang-ho, qui jouait alors dans son premier film.

[6/10]

Spider-Man
6.7

Spider-Man (2002)

2 h 01 min. Sortie : 12 juin 2002 (France). Action, Aventure, Science-fiction

Film de Sam Raimi

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Revu le 30 janvier ♦

Ma reconnaissance envers les trois films de Sam Raimi est sans limites, ce sont ces films qui me viennent naturellement à l’esprit quand je cherche à définir l’excitation d’une expérience de grand cinéma populaire en salles. C’est simple, « Spider-Man » est pour moi ce que « Star Wars », « Jurassic Park » ou « Le Seigneur des Anneaux » ont représenté pour d’autres générations. Il s’agit du premier film que j’ai vu dans une salle de cinéma, et depuis, j’attends impulsivement les premières notes de violon, les tremolos, la réverbération des percussions tribales du générique à l’extinction des lumières précédant le démarrage de tous les films que je vois au cinéma. Je ne m’en lasse toujours pas, je frissonne encore à l’écoute de la partition démentielle de Danny Elfman, je craque à la moindre apparition de Kirsten Dunst… Et ce fabuleux baiser à l’envers sous la pluie qui me fit si forte impression quand j’avais six ans continue de me faire fondre. Qui pourrait croire aujourd’hui au potentiel poétique du genre superhéroïque ? Malgré une narration qui colle trop à un schéma de BD (les transitions, abruptes, manquent de fluidité, on y lirait presque une cartouche « Pendant ce temps… », « Quelques jours plus tard… »), et une esthétique globale qui ne s’est pas encore complètement trouvée, « Spider-Man » emporte le morceau grâce à ses énormes fulgurances (entre autres, Peter Parker découvrant ses pouvoirs, et grimpant instinctivement aux murs au rythme des cuivres d’Elfman) et sa magnifique sensibilité, si simple, qui convient si bien au visage juvénile et aux sourires timides de Tobey Maguire.

[7.5/10]

Spider-Man 2
6.5

Spider-Man 2 (2004)

2 h 07 min. Sortie : 14 juillet 2004 (France). Action, Fantastique

Film de Sam Raimi

Jurassix a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

♦ Revu le 31 janvier ♦

En dressant le bilan de quarante ans de superhéros au cinéma, le genre est si faible que je me fiche de savoir si « Spider-Man 2 » est, oui ou non, le plus beau représentant du genre. Je suis un peu chagriné qu’on en parle aujourd’hui moins comme « le possible meilleur film de superhéros » qu’un grand film tout court (ce qu’il est à mes yeux). En revanche, si la comparaison avec les « Spider-man » récents peut mettre en lumière quelques qualités des films de Sam Raimi, c’est bien cette capacité à saisir pleinement tout le potentiel cinégénique du personnage au-delà des scènes de voltige. L’antiromantisme qui ne s’assume jamais vraiment des derniers étrons marveliens nous rappelle les trouvailles splendides des derniers plans de ce deuxième volet : une toile d’araignée pour isoler un court moment deux amants de la frénésie newyorkaise, Spider-Man faisant descendre MJ du haut d’une grue en tissant lentement un fil de toile au bout duquel elle se suspend (
https://www.youtube.com/watch?v=RZkTiBRDUjM). Craignant sûrement l’éventuel ridicule fleur bleue de ces images, les derniers films leur substituent des idées génériques, des baisers nimbés d’une lumière crépusculaire ou des personnages seuls au sommet d’un gratte-ciel… Je tire sur l’ambulance mais ce sont ces éléments-là qui me font aimer profondément les films de Raimi, en plus de leur habileté à filmer aussi bien Spider-Man que Peter Parker et les « gens normaux » dans leur quotidien. Des personnages annexes, sans fonction apparente dans l’intrigue, mais qui ont quelque chose à jouer (au hasard, la fille de son proprio, avec qui il partage un gâteau au chocolat lors d’un de ces moments de pause si importants dans le film), des sentiments simples à partager (le petit Henry qui aide la tante May à déménager…) pour donner une âme à tous ces inconnus que Peter veut protéger, rendre transparente, pour lui et pour nous spectateurs, la valeur humaine de sa mission. L’humour, souvent burlesque, plus présent que dans le précédent volet, donne une fraîcheur supplémentaire à ces personnages, déjà bien vivants.

[8,5/10]

Spider-Man 3
5.5

Spider-Man 3 (2007)

2 h 19 min. Sortie : 1 mai 2007. Action, Fantastique, Aventure

Film de Sam Raimi

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Revu le 1er février ♦

https://i.chzbgr.com/full/7881096192/hF427DB50/wait-until-it-happens
Malgré les multiples revisionnages, rien ne change, l’écriture est aux fraises, incapable de jongler avec quinze intrigues en simultané, mises en stand-by et redémarrées selon l’envie des scénaristes en panique. Malgré quelques pistes intéressantes (un nouveau « méchant malgré lui » en la personne de l’Homme-Sable, Peter dépassé sans s’en apercevoir par son ego de superhéros, aveugle aux problèmes de ses proches, MJ qui peine à gérer l’échec de sa vie professionnelle et les obstacles qui se mettent au travers de sa vie de couple…), le récit est complètement indigeste et, en espérant développer une histoire plus adulte, se vautre dans la puérilité la plus ennuyante (Harry Osborne / Bouffon vert et Eddie Brock / Venom sont affreux). Je m’en mords les doigts car la mise en scène est incroyable, dans la lignée des deux précédents volets, avec un Raimi seigneurial aux manettes, s’autorisant tout, virtuose et créatif à chaque plan, libre (il paraît) de dilapider la moitié de son budget pour une longue scène antispectaculaire de trois minutes (la création de l’Homme-Sable). Malheureusement au service de péripéties souvent beaucoup trop bêtes, elle limite simplement la casse. Malgré tout, j’aime le film car rares sont les superproductions modernes à communiquer un tel plaisir de filmer, d’inventer à chaque plan, sans lâcher d’une semelle ses personnages, toujours aussi bien interprétés par des acteurs très investis. Tout aussi bancal soit-il, il y a de temps à autre de vraies belles scènes (les derniers plans doux-amer dans le jazz-club, sur lesquels nous quittons définitivement nos personnages, très émouvants rétrospectivement) qui me convaincront toujours de revoir la trilogie en entier.

[6/10]

Introduction
6.5

Introduction (2021)

Inteurodeoksyeon

1 h 06 min. Sortie : 2 février 2022 (France). Drame

Film de Hong Sang-Soo

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 3 février ♦

L’appauvrissement formel d’ « Introduction » par rapport aux derniers films de Hong Sang-soo m’a fait un peu tiquer (il se charge de la direction de la photographie pour la première fois si je ne m’abuse, de nombreux mises au point sont très mal faites alors que je me contrefiche de ce genre de soucis techniques d’habitude) mais comme dans ses meilleurs films, ce dépouillement extrême permet de souligner subtilement ce sur quoi il veut mettre l’accent, le détail important. Le geste qui brise la monotonie des mouvements des acteurs : le jeune héros pour qui il est important de prendre ceux qu’il aime dans ses bras. Des idées qui reviennent : les grands yeux de Yeong-ho, de longs moments d’attente, des « vieux » qui demandent aux « jeunes » de les tutoyer car ils n’ont pas tant d’années d’écart. Mais ces « vieux » sont pleins de certitudes et ces « jeunes » pleins de doutes. À nous ensuite d’organiser toutes ces idées, d’essayer de leur trouver un sens, car le film se dénude relativement tard, pendant la désormais traditionnelle cuite au soju, pendant un rêve qui confirme la mélancolie du personnage principal, transmise par le génie structurel du cinéaste, qui use de larges ellipses qui brouillent nos repères temporels, fait douter de l’authenticité des événements via d’étonnantes rimes et répétitions. Mineur peut-être mais un blues fin et subtil.

[7/10]

Un cœur pris au piège
7

Un cœur pris au piège (1941)

The Lady Eve

1 h 34 min. Sortie : 10 décembre 1946 (France). Comédie romantique

Film de Preston Sturges

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 3 février ♦

J’aime beaucoup le fait qu’il n’y ait pas véritablement de scène de coup de foudre, ou de scène qui fait prendre conscience à l’héroïne, à un instant T, qu’elle est amoureuse de l’homme qu’elle cherche à entourlouper. Tout se fait naturellement, tout en douceur, Stanwyck ne résiste pas, ne cherche pas à se convaincre qu’elle n’aime pas Fonda, malgré sa mission initiale. Elle est une femme libre qui écoute ses sentiments. C’est ce qui la perd dans un premier temps, quand Fonda la rejette, lui ment sur ce qu’il ressent pour la punir de ne pas lui avoir dit qui elle était. La suite des événements est invraisemblable, part dans de drôles de directions, s’égare avant de retomber sur ses pattes comme si de rien n’était (je ne suis pas si surpris de la part du metteur en scène et scénariste des « Voyages de Sullivan »). Mais c’est cette légèreté qui fait son charme, le film revendique son inconséquence et mise tout sur la drôlerie des situations (on passe en trois secondes d’un comique lubitschien au slapstick, à un humour tarte à la crème), le capital sympathie énorme du couple vedette, la qualité des seconds rôles (le laquais et le père de Barbara Stanwyck sont hilarants) et sa savoureuse causticité.

[7,5/10]

Le Pouvoir de la province de Kangwon
6.7

Le Pouvoir de la province de Kangwon (1998)

Kangwondoui Him

1 h 50 min. Sortie : 26 février 2003 (France). Drame

Film de Hong Sang-Soo

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Vu le 3 février ♦

Des vingt films de HSS que j’ai vus, il s’agit du plus triste, du plus désespéré. De souvenir, c’est aussi la première fois que le changement brutal de point de vue en cours de film n’induit aucun contrepoint, aucun regard neuf sur les événements revisités. Ainsi, le film est dur car il est implacable et définitif, ne laisse aucune chance de renouveau à ses personnages. La malchance et la mort s’opposent à toutes leurs tentatives de nouveau départ. Le sexe et l’alcool, très présents, plus que dans la majorité des films de son auteur, sont eux aussi impitoyablement dévitalisés. Ni l’un ni l’autre ne procure le moindre plaisir, il est même demandé aux personnages de « consommer » vite. Le film ne manque certainement pas de rigueur, encore moins d’intelligence, mais sa froideur m’a mis à l’écart, ce n’est pas ce versant de l’œuvre de HSS qui me parle le plus.

[6/10]

La Femme au corbeau
7.8

La Femme au corbeau (1928)

The River

54 min. Sortie : 6 octobre 1929 (États-Unis). Comédie dramatique, Muet

Film de Frank Borzage

Jurassix a mis 8/10.

Annotation :

♦ Vu le 5 février ♦

Seul le cinéma muet peut être « augmenté » par ces montages incomplets, frankensteiniens, bricolés avec ce qu’on a sous la main, qui laissent cette marge où s’engouffre notre imagination, qui rêve à toujours plus démesuré, flamboyant. Il y a le cas d’école Stroheim mais « La Femme au Corbeau » a lui aussi de solides arguments. Le premier, c’est la cohérence miraculeuse des séquences « sauvées », qui ne sont consacrées qu’aux jeux de séduction d’Allen John et Rosalee. Quand un autre personnage (en l’occurrence, un seul, Gus le sourd-muet) intervient, c’est pour ramener à Rosalee l’homme qu’elle aime. Le film sauvé est le leur, à eux seuls. Le film aurait logiquement dû étouffer, lasser par sa redondance. Il n’en est rien, et c’est le second miracle, Borzage décida de construire l’histoire d’amour la plus électrisante, lascive et érotique de son cinéma, d’où une attention sans cesse renouvelée à la moindre provocation de Mary Duncan. Le corbeau du titre, le voyeur, ajoute cette petite perversité supplémentaire, délicieusement vénéneuse. Et les séquences perdues, rafistolées et raccordées « à l’arrache » avec quelques photos de tournage (ou même l’affiche du film !), rappellent à quel point cette époque de cinéma possédait des qualités mystiques indépassées.

[8/10]

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
5.3

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire (2021)

1 h 56 min. Sortie : 4 août 2021. Comédie, Aventure

Film de Nicolas Bedos

Jurassix a mis 5/10.

Annotation :

♦ Vu le 6 février ♦

Malgré ce que ma note peut laisser suggérer, je suis positivement surpris. Je ne trouve pas le film si mauvais, il est juste très inégal, mal structuré et mal rythmé. Les blagues sont trop souvent décalquées sur les séquences culte des deux premiers films, et leur écriture a trop tendance à en rajouter. Mais Dujardin est impérial, réaffirme un génie comique dont plus grand monde ne doute aujourd’hui, et le film est très drôle quand il caricature la vieille France droitarde acquise à Giscard, les craintes liées à la montée du communisme, le contrôle que maintient le gouvernement français sur la politique de ses anciennes colonies... Il approfondit aussi avec bonheur ce paradoxe bizarroïde et hilarant du personnage d’OSS 117 : un con certes, mais un con ultracompétent (son apprentissage « matrixien » du langage informatique, la scène du serpent…). Dommage que les personnages secondaires soient si dispensables et l’intrigue si bâclée car il y avait du talent et un savoir-faire. Je n’exclus pas non plus qu’avoir vu une partie du film à trois grammes ait pu me rendre plus indulgent. :o

[5,5/10]

Les Émigrants
7.7

Les Émigrants (1971)

Utvandrarna

3 h 11 min. Sortie : 13 mars 1974 (France). Drame

Film de Jan Troell

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vus du 8 au 10 février ♦

Les plus grandes qualités du film (je considère « Les Émigrants » et « Les Colons » comme les deux parties d’un seul et même film, à la manière d’une mini-série) résident sans aucun doute dans son réalisme, très impressionnant sans en faire trop. Le travail à la ferme, la vie de famille dans la ruralité suédoise, les conditions sanitaires effroyables sur les bateaux faisant la liaison entre l’Europe et le Nouveau Monde… Tout le souci du détail de la reconstitution, la recherche manifeste des acteurs à retrouver les gestes, les attitudes des fermiers de cette époque, apportent énormément à la crédibilité de l’ensemble. Je l’ai trouvé aussi très juste dans sa volonté de ne pas poser un regard contemporain sur les personnages. Toutes leurs actions, leurs décisions répondent un besoin purement pratique, aussi glauque puisse-t-il paraître avec nos yeux d’aujourd’hui. Karl Oscar se marie à Kristina car il a besoin d’une femme pour l’aider à gérer sa ferme, Robert noie son chat car il est devenu trop vieux, Kristina se donne à son mari en courant le risque de mourir en couches, car « elle est une femme », sa mission est de satisfaire son mari, d’enfanter. Le couple bergmanien Max von Sydow / Liv Ullmann est sublime, dans deux rôles pourtant compliqués. Je préfère tout de même la première partie à la seconde, car elle teintait le pathétique ambiant d’une touche d’espoir (fusse-t-elle illusoire), montrait des personnages volontaires, combattifs. La seconde ne trahit pas ses personnages, mais le désespoir sans issue et l’infortune excessive des différents protagonistes lorgne avec le misérabilisme. Belle saga néanmoins.

[7,5/10]

Le Nouveau Monde
7.7

Le Nouveau Monde (1972)

Nybyggarna

3 h 22 min. Sortie : 26 février 1972 (Suède). Drame

Film de Jan Troell

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

Cf ci-dessus

La Scandaleuse de Berlin
7

La Scandaleuse de Berlin (1948)

A Foreign Affair

1 h 56 min. Sortie : 22 avril 1949 (France). Comédie

Film de Billy Wilder

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 11 février ♦

Dans un registre différent, à peu de choses près la même impression que pour « Témoin à Charge » : une utilisation remarquable et redoutable du mythe Dietrich, quelque peu sabordée par un final expéditif et simplificateur. Pas de quoi de bouder le plaisir pris devant un beau film, drôle, intelligent et enlevé mais qui aurait pu aspirer à beaucoup plus. Son plus grand atout, c’est cette histoire d’amour très secrète dans une Berlin en ruines, entre l’officier américain et Dietrich, chanteuse à l’obscur passé nazi, qui, en un minimum de détails, dit énormément de belles choses sur la solitude et le déracinement des soldats loin de leur foyer, le sentiment d’abandon, le besoin d’une compagnie, d’un peu d’amour des vaincus, ceux qui ont tout perdu. Qu’est-ce qui a pu rapprocher à un moment donné les deux âmes perdues que sont le capitaine américain Pringle et la chanteuse allemande Erika ? Dans quel état de désespoir, de misère morale étaient-ils pour oublier les obstacles énormes qui allaient se mettre au travers de leur chemin ? Toutes ces questions restent sans réponses, on ne peut qu’imaginer un autre film, et le génie de Wilder est non seulement de ne pas juger Dietrich, mais aussi et surtout laisser dans le flou la nature précise de ses relations avec les hauts dignitaires nazis. Le problème donc, c’est la fin que je jurerais imposée par des investisseurs apeurés, sortant un vilain nazi du chapeau pour rendre honorable la relation trouble du héros avec Dietrich, éjecter cette dernière d’un triangle amoureux embarrassant, remettre Johnny sur le droit chemin et le caser avec une sénatrice américaine patriote et complètement innocente.

[7,5/10]

Shaun of the Dead
7.3

Shaun of the Dead (2004)

1 h 39 min. Sortie : 27 juillet 2005 (France). Comédie, Épouvante-Horreur

Film de Edgar Wright

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 14 février ♦

Je pensais ne pas aimer et j’ai franchement pris beaucoup de plaisir devant ce film bien de son temps, complètement geek, parfois un peu agaçant dans son trop-plein de virtuosité, mais très drôle et bien servi par une mise en scène de belle tenue. En réalité, c’est le premier film que je vois d’Edgar Wright et ça m’a fait penser à du Matthew Vaughn en bien mieux pensé, moins beauf et moins crétin. Même limites cependant dans ce mélange des genres casse-gueule, qui essaie d’instiller un iota de drame, de gravité, entre deux scènes débiles. La zombification de la mère de Shaun est un grand moment de malaise (comme la petite blague finale un peu limite du super copain zombie attaché, collier autour du cou dans le garage pour gamer en toute sécurité), le film aurait gagné à moins tergiverser, et rester dans le n’importe quoi tout du long. Malgré tout, le rythme est précis, la mise en scène, perfectionniste et pleine de trouvailles, tout le monde s’amuse et tout le monde bosse rigoureusement (les dialogues mitraillette, la scénographie très minutieuse…). Le film exploite aussi à merveille la lenteur des zombies, à des fins comiques ou de suspense.

[7/10]

Hot Fuzz
7.3

Hot Fuzz (2007)

2 h 01 min. Sortie : 18 juillet 2007 (France). Action, Comédie, Policier

Film de Edgar Wright

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 15 février ♦

On prend les mêmes et on recommence, cette fois-ci en mode buddy movie 90’s, et la grandiloquence du genre fait mieux passer le pompiérisme déplacé du film précédent. Au rayon des défauts, l’action hystérique n’est pas très bien filmée ni montée malgré une connaissance manifeste et une bonne assimilation des codes visuels du genre. Il manquait juste, je pense, un peu d’expérience. Toujours trop gourmand, le film fatigue sporadiquement à force de vouloir trop en faire mais je pardonne largement car je suis assez client de cet humour-là, un détournement massif 100% respectueux des clichés d’un genre, qui comprend bien et ne prend jamais de haut les films qu’il cite. Qu’il s’agisse d’un film aujourd’hui plutôt respecté comme « Point Break » ou d’un autre largement conspué et moqué comme « Bad Boys 2 », Wright ne hiérarchise pas ses références, se fait plaisir autant avec l’un qu’avec l’autre. Sinon, le rythme comique est toujours aussi bien rôdé et les seconds rôles sont réjouissants (Timothy Dalton, Broadbent & Co. ont l’air de bien s’amuser). Vraiment sympa.

[7/10]

Le Dernier Pub avant la fin du monde
6.6

Le Dernier Pub avant la fin du monde (2013)

The World's End

1 h 49 min. Sortie : 28 août 2013 (France). Comédie, Science-fiction, Action

Film de Edgar Wright

Jurassix a mis 6/10.

Annotation :

♦ Vu le 16 février ♦

Bon, là je cale, c’est trop « geek » pour moi. Pourtant, il y a un potentiel intéressant et j’aime assez les variations de cette trilogie « Blood and Ice Cream », qui consistent à représenter l’apathie généralisée vers laquelle foncent nos sociétés « connectées », « robotisées », via les métaphores permises par différents genres prisés de la pop-culture. Dans les trois films, les carnages gores opposent à chaque fois le héros à une masse humaine faite de versions outrées, dégénérées de lui-même : des zombies contre un trentenaire stagnant dans sa morne routine, des villageois obsédés par le contrôle, la conformité et la sauvegarde des apparences, tuant ceux dont les défauts sont « trop visibles » contre un policier parfait obnubilé par le maintien strict de l’ordre et le respect scrupuleux de la loi, ici des extraterrestres ayant remplacé les hommes par une version robotique aseptisée, idéalisée d’eux-mêmes, contre un quadra alcoolique nostalgique de ses glorieuses années lycéennes, cherchant à reproduire vingt ans plus tard sa dernière soirée adolescente. On peut bailler et n’y voir que de la psychologie de comptoir, d’autant plus que Wright ne développe pas davantage ses concepts, mais j’apprécie l’effort de toujours remettre ses bastons en perspective en donnant un sens narratif à cette mode très contemporaine de la boucherie drôle et cathartique. Malheureusement, la première partie est assez pénible, la faute à un Simon Pegg en roue libre pas drôle et insupportable (« mais c’est normal, le personnage est censé être pitoyable » me dira-t-on, certes) et la deuxième, boostée par ses robots/extraterrestres (je ne savais rien du film donc le basculement brutal vers l’action SF m’a pris agréablement par surprise) se perd toute seule dans des délires complotistes et post-apo dont je me fous royalement.

[6/10]

Plein soleil
7.5

Plein soleil (1960)

1 h 58 min. Sortie : 10 mars 1960. Policier, Thriller

Film de René Clément

Jurassix a mis 7/10.

Annotation :

♦ Vu le 17 février ♦

J’aime beaucoup la manière dont est représenté Ripley, qui apparaît moins comme un « génie de l’escroquerie » que comme un jeune adulte un peu perdu, outrageusement culotté et prêt à tout pour arriver à ses films. Il se fait démasquer par deux fois (très tôt pour Philippe, qui a vu clair dans son petit jeu dès le début) et ne s’en sort que grâce à la crédulité de ses cibles, qui ne l’imaginaient pas capables d’aller jusqu’au bout, jusqu’au meurtre. Marge est finalement le seul personnage qu’il ait véritablement réussi à duper, et encore, il ne doit son succès qu’au choc traumatique du personnage, car elle avait bien entraperçu quelques failles (Tom ne lui inspirait pas confiance, Philippe lui avait part de ses gros soupçons, les fausses lettres étaient trop platement écrites pour « faire comme » Philippe…). Il est maladroit mais débrouillard et s’en sort presque toujours in extremis (le voilier qu’il peine à manœuvrer, Philippe qui le surprend habillé de ses vêtements en train de l’imiter face à un miroir…). Mais il y a pourtant aussi ce talent inouï d’imitateur qui fait froid dans le dos, et mysticise le personnage. En quelques secondes, le jeune homme devient démon, et le regard dur, bleu acier de Delon, beau comme un dieu grec, n’en est que plus fascinant.

[7/10]

La Piscine
6.9

La Piscine (1969)

2 h 02 min. Sortie : 31 janvier 1969. Policier, Drame, Romance

Film de Jacques Deray

Jurassix a mis 4/10.

Annotation :

♦ Vu le 18 février ♦

Les médias font depuis tant d’années un tel pataquès avec le couple Delon/Schneider, aussi célèbre voire plus que Montand/Signoret, que ça m’a rendu curieux, appréciant les deux acteurs. Malgré tout, le plus renommé de leurs films, « La Piscine », valide tous les préjugés que j’avais à son égard : juste un gros coup marketing, joliment emballé d’une esthétique publicitaire qui sublime en permanence, et au-delà du bon sens, les corps divins de ses interprètes. L’érotisme bon marché peut fasciner un temps, les vingt premières minutes, mais il s’essouffle dès que l’intrigue se met en place, et aligne tous les clichés du polar psychologisant (écrivain raté alcoolique, relation quasi-incestueuse entre le père et sa fille, triangle amoureux et coucheries cachées etc.). La mise en scène ne pourrait pas être plus pompeuse, le scénario ressemble à une ébauche de récit policier, non développée, seuls les acteurs, sans qui le film n’aurait jamais existé de toute façon, surnagent au-dessus du reste.

[4/10]

Jurassix

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