La Légende de Cletus Awreetus-Awrightus & Le Grand Wazoo

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L'Oncle Viande est dans le sous-sol de son laboratoire secret, les lumières sont tamisées. Partout dans le sous-sol pendent de mystérieux fils et câbles, pendant, s'échappant, encerclant et traversant une collection improbable d'objets recouverts de poussière : bureaux, malles, porte-parapluies et un énorme sofa bordeaux se terminant par une fausse bibliothèque d'érable, du genre qu'on vous offre pour l'achat - en une fois - de l'intégralité de l'Encyclopédie Colliers.

Stu (c'est le prénom de l'Oncle Viande) s'accroupit d'un air malveillant du côté de la bibliothèque et fouine dans un tas de livres, de disques, d'articles de journaux, de brochures religieuses et de badges électoraux. Il frotte doucement une rougeur sur sa gorge et marmonne : " Oui, oui ... tout est là ... rien ne manque ... tout ce qu'il me faut pour créer mon plus grand chef d'oeuvre ! "

Après avoir entassé avec excitation tout l'attirail sur l'étagère supérieure vide de la bibliothèque, Stu se faufile vers le bureau, revêt sa visière de protection verte et ses gants de jardin, émet son rire pseudo-scientifique particulier, et se met à secouer frénétiquement le manche de ce gros commutateur électrique dont il se sert tout le temps. Comme on pouvait s'y attendre, de grosses étincelles pètent de partout et l'ampoule du plafond se met à clignoter. Une partie de violoncelles filtrés se met à faire TSON TSON TSOOOON, mais on ne l'entend pas car les effets sonores sont trop bruyants.

Lorsqu'il coupe le commutateur, les étincelles cessent, ainsi que le bruit et les livres, brochures, ... disparaissent. A leur place, à l'extérieur du laboratoire, se trouve, à pas plus de 5 stades de distance, reproduite grandeur nature, minutieusement détaillée, une réplique historiquement inexacte et quelque peu dénaturée de la ROME ANTIQUE, ou quelque chose d'approchant.

Le Maître de cette illusion est CLETUS AWREETUS AWRIGHTUS, l'Empereur funky. CLETUS a une armée fantastique de musiciens au chômage. Lui et son armée dirigent l'endroit quand ils ne font pas la guerre au traître de service, le chimérique MEDIOCRATES OF PEDESTRIUM. MEDIOCRATES possède lui aussi une armée fantastique. Ces deux armées s'affrontent chaque semaine, le lundi. Le résultat de chaque bataille hebdomadaire est annoncé sur les panneaux d'affichage, les dépliants pour poteaux téléphoniques, les aqueducs peints à la bombe et les tablettes de pierre qu'on appelle le HIT PARADE.

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Chaque empereur, funky ou non, a des problèmes à gérer, et CLETUS ne fait pas exception à la règle. Outre la guerre de longue durée, il est confronté à un problème de troubles civiques. Un culte saugrenu de fanatiques ascétiques masochistes n'appréciant pas la musique a vu le jour dans les catacombes, sous les thermes même de l'empereur. Ces personnes s'appellent les QUESTIONS.

Dans l'auditorium municipal, CLETUS les traite avec bienveillance. Une fois ceux-ci capturés et oubliés pour un moment, on annonce au reste du GRAND PUBLIC l'ouverture d'un FESTIVAL.

Dans l'arène au parterre de terre battue, le genre dont vous avez l'habitude, on piétine les QUESTIONS. C'est ce moment que choisit CLETUS pour faire son entrée en grand tralala et s'adresser aux QUESTIONS par l'intermédiaire d'un mégaphone surdimensionné, primitif-mais-efficace, connu sous le nom de GRAND WAZOO. Il commence ainsi : "Salut, chats et chatons !", à quoi la foule répond : "AWREETUS ! AWRIGHTUS ! AWREETUS, CLETUS !" Sur quoi l'empereur demande : "Y en a-t'il parmi vous qui chantent, dansent ou jouent d'un instrument de musique ?" En de rares occasions, une ou deux QUESTIONS se dressent parmi les fanatiques et lèvent la main pour signifier un quelconque talent refoulé ou un intérêt pour les choses de nature musicale. Ces QUESTIONS, amendées, sont autorisées à quitter l'arène pour rejoindre l'armée de CLETUS (qui est, en réalité, un BIG BAND). Au lieu de s'agiter dans un un camp d'entraînement, on les envoie travailler dans l'une des nombreuses boîtes de nuit topless/bottomless distribuant de la bière, sous les ordres attentionnés d'un PROPRIETAIRE DE CLUB sensible et compréhensif qui les formera pour les gros travaux.

Une seconde chance est donnée aux QUESTIONS qui n'ont pas répondu la première fois, sous la forme d'une vierge nubile en tenue légère qui se précipite parmi eux armée d'une boîte en carton aux couleurs gaies contenant des CUILLERES, et s'ils font preuve à leur contact de la moindre propension naturelle au rythme, on les libère et on les envoie à Nashville.

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Après s'être montré le plus juste possible envers les prisonniers, CLETUS doit maintenant, à regret, se débarrasser de ceux qui refusent de modifier leur conduite anti-musicale. Inclinant la tête en signe de tristesse officielle, il donne le signal secret au pianiste électrique situé dans la fosse, qui lance aussitôt une intro funky. A la fin de celle-ci, marquée par l'entrée de la batterie et des guitares électriques, s'avance une procession de représentants syndicaux, de mouchards, d'hommes de main et d'entrepreneurs, tous habillés avec goût et tirant de tout leur poids sur un câble de nylon afin de propulser au centre de l'arène un gros chariot impressionnant contenant des prospectus radio.

Le chariot transporte une sorte d'aquarium géant dans lequel on voit frémir une quantité impressionnante de T.I.D. (Tissu InDifférencié), l'accumulation symbolique de toutes les erreurs statistiques et tentatives râtées de la communauté scientifique de cet empire imaginaire. Le réservoir fétide est remorqué jusqu'à une distance fatale pour les non-musiciens. Les représentants des syndicats s'en vont, selon leur habitude, et, après avoir reçu une pléthore de félicitations, de récompenses, de cartes de visite professionnelles et de donations de fonds. Ils tiennent, sur le côté, une réunion de leur conseil d'administration durant laquelle il est décidé, à l'unanimité, d'apporter une solution finale aux QUESTIONS. La solution elle-même est déclenchée sous la forme d'un accord de guitare suraigu qui brise le verre du réservoir de T.I.D. Celui-ci bouillonne et fume pendant quelques instants, puis finit par tous les engloutir. Le calme retombe sur l'arène tandis que les vapeurs se dissipent et que l'orchestre, dans la fosse, reprend triomphalement le thème d'ouverture.

Pour CLETUS, passée la partie de plaisir de l'arène, c'est le retour à la vie normale et au boulot. Il retourne dans sa chambre royale pour un dîner protocolaire avec son personnel. A sa droite, ceux qui lui apportent le soutien dont il a besoin ; ERRONEOUS, son bassiste, GREGARIOUS, son batteur, et PER DIEM, son roadie.

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A sa gauche, il garde les autres, cette clique de gens qui ont tendance à traîner avec tous les empereurs : TRIVIA, une nana chaude qui aime bien se faire fouetter, CRETINUS, le biographe, ABOMINABLE, le gars à la moustache longue et filiforme, qui donne des conseils, EQUILIBRIUM, le pharmacien, DYSMENHORREA, l'oracle féminin atteint de strabisme, PHOTON, le chef éclairagiste et ainsi de suite tout autour de la table.

Chaque semaine, au même moment de la cérémonie du dîner, juste avant de servir les pessaires huilés, un coureur épuisé franchit les portes, tombe à genoux devant l'empereur et ahane : « Ils arrivent ! Vite ! Ils vont nous encercler !" Le coureur est ensuite réanimé (étant donné qu'il s'évanouit toujours à cet instant précis) à l'aide d'un transistor syntonisée branché sur Wolfman Jack. Une fois ses esprits retrouvés, des gardes l'emmènent dans un endroit secret où on le cuisine pour en obtenir de plus amples informations.

CLETUS appelle immédiatement son service. On affecte des instructeurs à BEN-HUR BARRETT pour engager l'armée entière (si Motown le laisse prendre des travailleurs d'appoint). Les forces combinées de l'Army Awreetus comprennent 5 000 joueurs de cuivres (assortis) formant l'AIR FORCE, 5 000 batteurs (assortis) constituant L'ARTILLERIE, 5 000 joueurs d'instruments électriques (assortis) composant LA SECTION DE LA GUERRE CHIMIQUE / BIOLOGIQUE / PSYCHOLOGIQUE, et 5 000 gars avec des planches d'aggloméré sanglées sur la poitrine, chacun saisissant fermement une demi-coquille de noix de coco dans chaque main qu'ils martèlent en rythme sur la planche ... formant LA CAVALERIE. CLETUS les mène au combat avec son brillant COR MYSTERIEUX (cet instrument est considéré par beaucoup comme n'étant rien de plus qu'un saxophone de mélodie en Do, emprunté à Jackie Kelso).

L'armée ennemie de MEDIOCRATES OF PEDESTRIUM (connue sous le nom de LA M.O.P.) possède des sections similaires, à l'exception d'un peloton supplémentaire de sinistres mercenaires répondant au nom de LA SECTION DE CORDES ou, alternativement, L'EDULCORANT. La différence majeure entre les deux armées réside dans le fait que LA M.O.P. s'appesantit sur les vocaux.

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LA M.O.P. possède 5000 vocalistes masculins pleins d'entrain en smoking, qui assurent, délaçant leur noeud-pap et arquant le sourcil, 5000 vocalistes masculins enjoués en vestes à franges, tuniques, pull-overs ou chemises porno, 5000 vocalistes masculins dynamiques (mais soigneusement sous-estimés), dans de vieux Levis, pleurant, boudant, gémissant et soufflant dans un harmonica et 5000 artistes de plus au sexe indéterminé, ne sachant pas du tout chanter mais dansant honnêtement et effectuant des mouvements sexy avec le câble du micro.

Le tout est renforcé par 100 000 choristes noires (assorties) en soutien se déhanchant de manière étudiée et suant sur commande. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a encore 5 000 autres chanteuses, dont beaucoup sont si délicates qu'on ne les voit pas, alors que les autres sont si attirantes qu'elles font mal aux yeux chaque fois que la lumière les éclaire.

Tous les lundis, LA M.O.P. traverse le Pays de CLETUS et prend position au coeur de la métropole principale. A l'aide d'un émetteur portable, petit-mais-puissant, les forces armées de MEDIOCRATES se mettent à fredonner, à se pavaner et à faire les idiots, en balançant un barrage de CHANSONNETTES suspectement accessibles sur les ondes, dans le but de soumettre les braves citadins à une anesthésie extatique.

CLETUS et l'Armée d'Awreetus défendent leur territoire en marchant vers un monticule proche, tout en jouant un shuffle.