Le Temps Scellé, Andreï Tarkovski : liste des références filmiques citées

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"On se souvient comment Buñuel, après la sortie du Chien andalou s'était vu obligé d'éviter des bourgeois rendus furieux et même de marcher dans la rue avec un revolver dans la poche arrière de son pantalon [...] Les spectateurs, qui étaient habitués à un cinéma de distraction, furent révulsés par les images et les symboles d'un film vraiment difficile à regarder."

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"Il y a eu, dans l'histoire du cinéma certaines tentatives pour rapprocher encore plus les films de la vie, de la vérité factuelle".

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"Comme Les Ombres de John Cassavetes, The Connection de Shirley Clarke, Choniques d'un été de Jean Rouch".

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"Ces films, par ailleurs remarquables, manquent selon moi au principe, à la logique de leur objectif : la poursuite de la vérité inconditionnelle des faits".

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"Dans la dernière scène d'Un mari pour Anna Zaccheo, De Santis a placé son héros de part et d'autre d'une grille en fer [...] Cette grille semble hurler : "Ce couple est brisé, il ne sera pas heureux, tout est fini !". Voilà comment le caractère unique d"un évènement particulier devient ordinaire par la banalité de sa forme. En même temps, le spectateur touche au fond de la pensée du réalisateur, et s'y cogne [...] A ce régime-là, on fait du spectateur un paresseux, on le corrompt."

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"Dans La Terre de Dovjenko, le héros du film est tué par un koulak. Pour suggérer le coup de feu, le réalisateur a inséré, entre la chute du héros et le lieu du crime, un plan de chevaux dans un champ qui redressent la tête avec frayeur. Mais ce type de montage a perdu de sa nécessité avec l'apparition du cinéma parlant.
Et on ne peut éternellement faire référence aux films de Dovjenko, fussent-ils géniaux, pour justifier le recours facile au montage parallèle dans le cinéma d'aujourd'hui."

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"[...] L'atmosphère, la composition des caractères, la plastique des images, y sont si proches du théâtre (musical) qu'Ivan le Terrible cesse à mes yeux, d'un point de vue théorique, d'être une oeuvre cinématographique. Un "opéra de plein jour", comme a dit Eisenstein lui-même à propos du film d'un de ses confrères".

(NB : il y a dans toute la page précédente un développement sur une vision de la pureté concentrée autour des haïkus, avec une confrontation faite entre Tarkovski, sa vision et celle de Eisenstein. Je n'ai bien évidemment pas tout cité, ça aurait été beaucoup trop long).

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"Les films qu'il [Eisenstein] tourna dans les années 20 furent tout à fait différents, en particulier Le Cuirassé Potemkine, Au moins, ceux-là restaient-ils naturalistes, au sens visuel."

(Il s'agit de la suite du paragraphe cité précédemment).

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"Le cinéma de montage propose au spectateur des rébus et des devinettes, lui fait déchiffrer des symboles, ou s'étonner devant des allégories, en faisant toujours appel à ses facultés intellectuelles. Toutefois, chacune de ces énigmes a sa solution précise.
C'est ainsi, selon moi, qu'Eisenstein prive le spectateur de la possibilité de ressentir à sa manière ce qu'il voit à l'écran. Lorsque, dans Octobre, il juxtapose une balalaïka et Kerenski, la méthode exprime en elle-même le but recherché [...] Le mode de construction devient le but en soi, et l'auteur engage une véritable offensive contre le spectateur, lui imposant sa propre attitude devant les évènements".

(J'ai volontairement cité tout le passage, pour que l'idée générale reste compréhensible. Dans tous les cas, j'ai bien l'impression que Tarkovski n'appréciait pas beaucoup ce que faisait Eisenstein, puisqu'il se pose très souvent en opposition à ce qu'il faisait).

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"Le rythme, directement lié selon lui [Eisenstein] au montage, démasque l'inconsistance de ses propos théoriques quand l'intuition lui fait défaut et qu'il n'apporte pas la pression de temps nécessaire dans les morceaux à monter.
Il suffit, pour s'en rendre compte, de regarder la bataille [...] dans Alexandre Nevski. Ignorant cette nécessité de donner aux plans l'intensité temporelle qui leur correspond, il s'est appliqué à rendre la dynamique intérieure du combat par un montage de plans courts, souvent à l'excès. Pourtant, malgré le défilé frénétique des plans, le spectateur [...] a de l'action une impression de lourdeur et d'artifice."

(Je m'arrêterai ici. Pour replacer la citation dans son contexte, Tarkovski considère que ce qu'il appelle le rythme doit être inhérent aux plans, apparaître dès le tournage, et ce de façon intrinsèque. Par extension, dès lors que le rythme est donné par le résultat qui apparaît suite au montage, il le considère comme étant purement artificiel, pour reprendre le dernier mot de la citation plus haut).

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"On a beaucoup parlé à une certaine époque en Union soviétique de La lettre non envoyée [titre du film selon le traducteur] de Kalatozov et Ourousevski. On leur reprochait le caractère caricatural et inachevé de leurs personnages, la banalité du triangle amoureux, la faiblesse structurelle du sujet. Mais le problème du film était à mon sens ailleurs.
Les auteurs ont fait fausse route [...] en s'engageant dans une direction qui n'était pas celle de leur objectif de départ. La caméra aurait dû suivre les destinées des héros [...] sans se préoccuper des rapports dramatiques que le scénario surajoutait."

"En respectant aveuglément ce qui restait encore du scénario, les auteurs se sont avérés incapables de suivre leur voie propre [...] Leur vraie problème fut donc leur infidélité aux principes qui étaient pourtant les leurs au départ."

(Le deuxième nom qui a été mentionné par Tarkovski en parlant de La Lettre inachevée était le chef opérateur du film).

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"Je pense [...] à une scène du Château de l'araignée [...]. Comment Kurosawa résout-il la scène où Macbeth s'égare dans le brouillard ? Un réalisateur de moindre qualité aurait dit à ses acteurs de se démener à la recherche de leur chemin, ou de se cogner contre les arbres. Que fait Kurosawa ? Il trouve pour cette scène un lieu avec un arbre caractéristique dont on se souvient. Les cavaliers en font trois fois le tour pour que nous comprenions, en revoyant cet arbre, qu'ils repassent par le même endroit et qu'ils se sont perdus. Pourtant, les cavaliers continuent à ignorer eux-mêmes qu'ils se sont depuis longtemps trompés de chemin.
Avec sa résolution de l'espace, Kurosawa touche ici au plus haut niveau de la pensée poétique, sans aucun maniérisme."

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"[...] Il serait impossible d'envisager une oeuvre cinématographique privée de la sensation du temps qui passe. Par exemple, l'Arrivée du train des frères Lumière."

"Ce film célèbre des frères Lumière n'était pourtant que le résultat de leur découverte de la caméra, de la pellicule et de l'appareil de projection. [...] Un nouveau principe esthétique était né."

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"Je me souviens du premier film que je vis à l'Institut, la veille de mon examen d'admission : Les Bas-Fonds, de Jean Renoir, adaptés de la pièce de Gorki... La projection m'avait laissé une impression étrange et troublante, comme une sensation d'interdit, d'irréalité."

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"La réaction des spectateurs à l'égard du cinéma est aujourd'hui très différente de celle des années 20 ou 30. Lorsqu'en Russie, par exemple, des milliers de gens allaient voir [Chapaev] (noté Tchapaiev dans le texte), l'enthousiasme du public semblait avoir un rapport réel avec la qualité de l'oeuvre".

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(Suite de la phrase précédente)

"Il faut dire, bien sûr, qu'il venait aussi beaucoup de de l'émerveillement devant une nouveauté technique. Mais le fait est qu'aujourd'hui, le public préfère certaines aberrations commerciales à Persona de Bergman ou à l'Argent de Bresson".

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(Suite)

"Les professionnels se résignent et prédisent que les films importants ne pourront plus avoir de succès commerciaux.
Quelle en est l'explication ? Est-ce dû à un déclin du goût du public, du talent des réalisateurs ? Ni à l'un, ni à l'autre. Et en même temps à l'un et à l'autre".

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"Pour prendre un autre exemple, il me semble que les acteurs de Bresson n'auront jamais cet air démodé, tout comme ses films d'ailleurs. [...] Rappelez-vous Mouchette ! Peut-on dire un instant que l'interprète principale se soucie de savoir si le spectateur perçoit bien toute la "profondeur" des évènements qu'elle est en train de vivre ? [...] Au contraire [...] Elle existe, elle vit, absorbée et concentrée dans son univers clos. C'est la raison de son pouvoir de fascination. Et je suis certain que dans des décennies, ce film sera tout aussi bouleversant qu'au premier jour"

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(suite du paragraphe précédent)

"De même pour le Jeanne d'Arc muet de Dreyer, qui n'en finit pas de nous émouvoir".

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"Pour Iosselani, la poésie s'incarne dans ce qu'il aime, et non dans ce qu'il pourrait inventer pour démontrer sa vision pseudo-romantique de la vie".

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[Dans] "La romance des amoureux de Kontchalovski, on ne trouve que de l'emphase, selon les règles d'un genre inventé par l'auteur et auxquelles il se référait constamment au cours du tournage. Un film qui ne dégage que froideur et artifice".

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"Prenons la Honte [...] Il n'y a pratiquement pas un seul jeu d'acteur dans ce film où l'interprète semble livrer la conception du réalisateur, c'est-à-dire où il jouerait l'idée du personnage, sa propre attitude envers lui, ou encore le caractère du personnage en ayant, présent à l'esprit, le point de vue de l'ensemble du film".

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"Que dire des acteurs de Antonioni dans l'Avventura, par exemple ?"

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(suite) "Ou d'Orson Welles dans Citizen Kane ? Tout simplement qu'il émane d'eux une force de conviction unique, une force spécifique au cinéma qui se distingue, dans son principe, de l'expressivité de l'acteur du théâtre."