Cover Lectures et commentaires (2016)

Lectures et commentaires (2016)

https://www.senscritique.com/liste/Lus_en_2017/1555338

The Black Tarn de William Russel Flint

Changement d'ordre, au plus récent, c'est mieux

Liste de

134 livres

créee il y a plus de 8 ans · modifiée il y a plus de 7 ans

City
7.5

City (1999)

Sortie : 2000 (France). Roman

livre de Alessandro Baricco

Elouan a mis 6/10.

Annotation :

10 décembre
24 décembre

(traduit de l'italien par Françoise Brun)

Un enfant « génial » avec des histoires de western – par sa tutrice, Shatzy Shell (rien à voir avec celui de l’essence) – et de boxe – par la télévision. Ça tient à peu de choses, mais c'est dur de dire quelque chose de ce livre. Je crois que je m'en rappellerai seulement comme d'un bon livre, tendre et amusant, mais rien de plus. Histoire(s) montée(s) en fragments, un peu à la manière d'un album de textes et d'images assemblés par un enfant. Océan mer est plus profond.

"Elle disait vraiment « perdre l’esprit » : et par ici ce n’est pas une simple façon de parler. Elle disait que Closingtown était une ville qui s’était penchée par la fenêtre du monde, avec le temps qui lui soufflait en pleine figure, et la poussière droit dans les yeux pour tout lui compliquer dans la tête. C’était une image pas très simple à comprendre, mais elle plaisait beaucoup à tout le monde, elle avait fait le tour de l’hôpital, je crois que d’une certaine manière chacun y trouvait une histoire que vaguement il reconnaissait, ou quelque chose de ce genre. Le professeur Parmentier lui-même, un jour, me dit que, si ça m’aidait, je pouvais imaginer ce qui se passait dans ma tête comme quelque chose de pas très différent de Closingtown. Ça arrive, que quelque chose déchire le temps, me dit-il, et on n’est plus à l’heure pour rien. On est toujours un peu ailleurs. Un peu avant, ou un peu après. On a des tas de rendez-vous, avec les émotions, ou avec les choses, et on est toujours à courir derrière ou bien à arriver bêtement en avance. Il disait que c’était ça ma maladie, si on voulait. Julie Dolphin l’appelait : égarer son destin. Mais c’était ça l’Ouest : on pouvait encore, certaines choses, les dire. Et elle les disait."

362 pages

La Mélancolie de la résistance
8.3

La Mélancolie de la résistance (1989)

Az ellenállás melankóliája

Sortie : 2006 (France). Roman

livre de László Krasznahorkai

Elouan a mis 8/10.

Annotation :

9 décembre
20 décembre

(traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly)

Il y a des points, mais on dirait qu'il n'y en a pas, la phrase de Krasznahorkai (et ici traduit par Dufeuilly) est comme un train cahotant et cheminant avec lenteur dans une ville où ce qu'il se passe est incertain, désert des tartares mais d'où l'on sait que la violence est là. Savoir si elle est passée, présente ou future, c'est autre chose. J'aime bien l'idée d'amorcer les chapitres en reprenant les mots de la fin des chapitres précédents... Ici les souvenirs que j'avais du film de Béla Tarr, Les Harmonies de Werckmeister, n'ont pas perturbés ma lecture, on peut dire que l'ambivalence des deux oeuvres est harmonieuse. Krasznahorkai captive son lecteur, ausculte un monde qui se décompose tranquillement, un monde de méchanceté et de bêtise.

« Lui ordonner d’arrêter et de se contenter de faire ce pour quoi elle était paye était, bien entendu, inconcevable, en saison du caractère grossier de la chose (Eszter répugnait à s’exprimer en donnant des ordres), mais de toute évidence, la femme – même si elle n’avait plus accès à lui et à son environnement immédiat –, poussée par quelque mystérieux élan de générosité, aurait, malgré son interdiction, poursuivi son combat acharné contre les objets demeurés intacts, c’est donc lui, son employeur, qui dut se contenter, et il s’en contenta, de trouver refuge dans sa pièce d’habitation où, grâce à de prétendues recherches musicales, fausse rumeur qui s’était propagée dans toute la ville et n’avait pas épargné Mme Harrer, la conservation de l’ordre et la santé précaire de son mobilier n’avaient rien à craindre, de surcroît, il avait la certitude que, grâce à cet heureux malentendu, rien ne pouvait perturber la véritable nature de son combat, c’est-à-dire, selon ses propres termes, sa « retraite stratégique face à la pitoyable stupidité de l’humanité. »

443 pages

Le Bois de la nuit
6.8

Le Bois de la nuit (1936)

Nightwood

Sortie : 1957 (France). Roman

livre de Djuna Barnes

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

7 décembre
14 décembre

(traduit de l'anglais par Pierre Leyris)

Il y a des textes pour lesquels il faut s'y prendre à deux fois (voire plus) parce qu'ils déstabilisent et qu'on veut s'y aventurer avec plus d'assurance, peut-être en vain ; T. S. Eliot le dit plus ou moins, on a là un roman qui est, en fait, un poème, ou un poème qui est, en fait un roman... ? Ce que raconte Barnes, c'est la souffrance, perdue dans l'enchevêtrement, la confusion des vies humaines. Ou bien comme les métamorphoses successives de ce qui serait in fine ramené à "La Vie" seule et unique, objet animé, pour un temps, périssable.

"Le parfum qu'exhalait son corps avait la qualité de cette chair de la terre, l'amadou, qui sent l'humidité captée et qui pourtant est si sec, imprégné de l'odeur d'huile de l'ambre, lequel est une maladie interne de la mer, lui donnant l'air d'avoir envahi un sommeil imprudemment et tout entière. Sa chair avait la texture de la vie végétale et l'on sentait au-dessous une armature large, poreuse et usée du sommeil, comme si le sommeil eût été un dépérissement qui la pêchait sous la surface visible. Il y avait autour de sa tête un rayonnement pareil à celui que le phosphore projette à la ronde sur une surface d'eau – comme si sa vie gisait à travers elle en informes désagrégations lumineuses – rencontre de l'enfant et du desperado."

187 pages

Le roman d'un enfant/ Prime jeunesse

Le roman d'un enfant/ Prime jeunesse

Biographie

livre de Pierre Loti

Elouan a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

27 novembre
9 décembre

Bien que Pierre Loti fût un voyageur, ces deux textes fragmentaires où il parle de son enfance, puis de sa jeunesse, sont à placer sous le signe de l’attachement. On sent les regrets, l’amour des vieilles choses et des êtres qui appartiennent au passé ; il y a en lui cette volonté d’arrêter le temps. Il partage cela à un lecteur, « un ami inconnu » comme il dit, lui supplie d’être indulgent face à ces confidences mélancoliques. Loti – qui aura probablement influencé Proust – a sauvegardé et figé son temps, il est parvenu à créer un échange par le biais de ces réminiscences, qui nous est commun.

« Chez mon vieil oncle, même impression, décourageante de vivre ; dans son jardin, son vieux perroquet gris à queue rouge somnolait de chaleur, d’un air caduc, sur un perchoir. Dans son cabinet, où je le trouvai lui-même s’amusant à classer ses coquilles, les objets exotiques accrochés aux murs paraissaient plus que jamais poussiéreux et morts. « Alors, te voilà admissible, Mistigri ! » me dit-il, d’un ton plus indifférent que de coutume. (Mistigri ou Mistenflûte étaient les noms d’amitié qu’il me donnait d’ordinaire.) C’est avec détachement que je revoyais ces bibelots « des colonies » qui me captivaient autrefois ; puisque je me sentais déjà un peu de la Marine à présent, je savais que l’avenir me réservait de connaître toutes ces choses dans leur pays même, où au moins elles seraient fraîches et vivantes. Et surtout je songeais que plus tard, comme le vieil oncle, je reviendrais finir ma vie à Rochefort, obscur, inutile et déçu, possesseur de quelque cabinet comme le sien, où s’immobiliseraient des oiseaux empaillés, des papillons et des coquillages…– Il arrivera, ton mercredi, il arrivera et il passera… »

416 pages

Pierre et Jean
6.8

Pierre et Jean (1887)

Sortie : 1887 (France). Roman

livre de Guy de Maupassant

Elouan a mis 6/10.

Annotation :

5 décembre
9 décembre

Il arrive que les morts laissent à leurs proches encore en vie un nœud. Ici un héritage problématique, partant, de la jalousie et des soupçons qui empoisonnent les liens d’une famille. Une famille qui ne demandait jusque-là qu’une tranquille prospérité. C’est là tout le sel qu’ajoute Maupassant à son court récit d’une vie somme toute ordinaire ; prouver combien les rapports familiaux peuvent se tordre à cause de sous et de vieilles histoires. Tout le sel, c’est-à-dire qu’il n’y a pas assez d’aliments, c’est-à-dire l’impression que Maupassant veut moins raconter une histoire que montrer un aspect des choses.

« Il se pouvait que son imagination seule, cette imagination qu’il ne gouvernait point, qui échappait sans cesse à sa volonté, s’en allait libre, hardie, aventureuse et sournoise dans l’univers infini des idées, et en rapportait parfois d’inavouables, de honteuses, qu’elle cachait en lui, au fond de son âme, dans les replis insondables, comme des choses volées ; il se pouvait que cette imagination seule eût créé, inventé cet affreux doute. Son cœur, assurément, son propre cœur avait des secrets pour lui ; et ce cœur blessé n’avait-il trouvé dans ce doute abominable un moyen de priver son frère de cet héritage qu’il jalousait. Il se suspectait lui-même, à présent, interrogeant, comme les dévots leur conscience, tous les mystères de sa pensée. »

211 pages

La Trêve
8.2

La Trêve (1963)

La tregua

Sortie : 1963 (Italie). Autobiographie & mémoires

livre de Primo Levi

Elouan a mis 8/10.

Annotation :

28 novembre
6 décembre

(traduit de l'italien par Emanuelle Genevois)

J'ai lu "Si c'est un homme" il y a huit ans, et cet épisode du retour, dans "La Trêve" m'intéressait déjà, je ne sais pas pourquoi j'ai attendu si longtemps pour lire, mais peu importe. Il doit être étrange ce retour, qu'on aurait pas cru, et qui s'avère être interminablement allongé. L'expérience est singulière, mais Primo Levi se questionne beaucoup et à travers lui son lecteur ; l'aventure racontée ici – mais quelle aventure, les aléas et la rude trime des migrations – rappelle combien il peut être difficile de se construire ou de se reconstruire avec ce qu'on est.

"Où allions-nous puiser la force de recommencer à vivre, d'abattre les barrières, les haies que l'absence développe spontanément autour de chaque maison déserte, de chaque terrier vide ? Bientôt, dès demain, il nous faudrait comabttre des ennemis encore inconnus, à l'intérieur et à l'extérieur de nous-même ; avec quelles armes, quelle énergie, quelle volont ? Nous nous sentions vieux de plusieurs siècles, écrasés par une année de souvenirs souvanglais, épuisés et sans défense. Les mois, que nous venions de passer à vagabonder aux confins de la civilisation nous apparaissaient maintenant, en dépit de leur rudesse, comme une trêve, une parenthèse de disponibilité infinie, un don providentiel du destin, mais destiné à rester unique."

246 pages

Un long week-end avec Marcel Proust

Un long week-end avec Marcel Proust

livre de Ronald Frame

Elouan a mis 4/10.

Annotation :

25 novembre
5 décembre

(traduit de l'anglais par Françoise Marchand-Sauvagnargues)

Il n'est pas vraiment question de recherche ici, mais d'un agencement du temps, en plusieurs tranches, sans histoires, mais sans réelle consistance non plus. Les récits sont erratiques mais dans le plus mauvais sens du terme. Banal comme la pluie.

314 pages

Les Brigands
8

Les Brigands

Sortie : 1781 (France). Théâtre

livre de Friedrich von Schiller

Elouan a mis 9/10.

Annotation :

30 novembre
5 décembre

(traduit de l'allemand par Raymond Dhaleine)

Cinq actes comme cinq coups de tonnerre, cinq coups frappés à la porte d'un manoir d'où on a été maudit ou assassiné. Il n'y a que la passion qui sauve, ou transforme en démon... Schiller ne devait pas se faire beaucoup d'illusion sur l'homme, mais il a su là le recréer ivre de colère et son lecteur ivre de plaisir.

"– Cela dure trop longtemps pour mon goût. Le docteur prétend qu'il baisse. La vie d'un vieillard est donc une éternité! Et la voie serait libre devant moi, s'il n'y avait ce misérable et tenace amas de chair qui, comme le chien enchanté du souterrain dans les histoires de revenants, me barre la route des trésors."

375 pages

Les Nuits blanches
7.8

Les Nuits blanches (1848)

(traduction André Markowicz)

Belye notchi

Sortie : 1956 (France). Roman

livre de Fiodor Dostoïevski

Elouan a mis 8/10.

Annotation :

(traduit du russe par André Markowicz)

relecture

Ma paresse

Ma paresse

Il mio ozio

Sortie : 2009 (France). Nouvelle

livre de Italo Svevo

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

28 novembre

(traduit de l'italien par Thierry Gillyboeuf)

Apparemment, la dernière volonté d'Italo Svevo, sur son lit de mort à la suite d'un accident de voiture, aurait été de fumer une dernière cigarette. Je ne sais pas si c'est vraiment ça, mais, j'imagine que la demande était comme une ultime ironie un peu nonchalante de sa part. En tout cas "Ma paresse" ressemblerait à ce geste anti-solennel et amusé, et en fort peu de pages, à propos de la vie, de la maladie, de la mort, du sexe, de l'argent... rien que ça.

"Il faut comprendre que Mère Nature est maniaque et qu'elle a la manie de la reproduction. Elle maintient un organisme en vie tant qu'elle peut espérer qu'il se reproduise. Ensuite de quoi elle le supprime et le fait de différentes façons, parce qu'elle a pour autre manie de demeurer mystérieuse. Il lui déplairait de révéler ses pensées en recourant toujours à la même maladie pour supprimer les vieux. Une maladie qui clarifie les raisons de notre mort, un cancer frappant toujours au même endroit."

59 pages

La Pénombre des âmes
8.5

La Pénombre des âmes (1912)

Sortie : 1999 (France). Recueil de nouvelles

livre de Arthur Schnitzler

Elouan a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

23 novembre
27 novembre

(traduit de l'allemand par Dominique Auclères)

Le destin du baron de Leisenbohg (8) – Fleurs (9) – Géronimo l'aveugle et son frère (7) – Le Journal de Radegonde (8) – La mort du vieux garçon (10) – L'Assassin (7) – L'ombre de Gabriel (9) – L'Apothéose (6) – La femme d'un sage (10) – Les morts se taisent (10).

Sont réunies ici, dans le désordre, des nouvelles écrites par Schnitzler de 1897 à 1909. Le titre correspond bien à la teneur de l'ensemble, tant toute sa force s'ourdit dans l'ombre. Agissements suspects ou turbulences intérieures, et d'un ton si juste, si parfait, si maîtrisé qu'il écoeure et enchante. On rit mais on est à moitié effrayé, on se laisse raconter la vie, comme si on l'a découvrait.

301 pages

L'Aile tatouée
9

L'Aile tatouée (2007)

Orbitor III : Aripa dreaptă

Sortie : 2009 (France). Roman

livre de Mircea Cărtărescu

Elouan a mis 6/10.

Annotation :

12 novembre
25 novembre

(traduit du roumain par Laure Hinckel)

"Du monde et du Récit, car sans récit aucun monde ne peut exister. " De là, la trilogie Orbitor est finalement une remémoration de l’histoire roumaine, jusqu’à la révolution et la défaite de Ceaușescu. Le narrateur Mircea se souvient de tout, et raconte une épopée qui se tord et se crispe dans le fantasme et les viscères des êtres roumains. C’est finalement un laïus sans fin, qui ne doit pas finir, et un véritable corps-à-corps avec le lecteur étourdi par l’excès et la vitesse. Ça m’a un peu mis à bout de nerfs, parce qu’à force le récit s’épuise et décline totalement.

"Il y avait aussi dans ce dictionnaire des illustrations de peintures célèbres, parmi lesquelles quelques nus, très appréciés en cette époque où il était tout à fait impossible de trouver la moindre revue pornographique. Les hommes achetaient, pour leurs réclusions secrètes dans les toilettes, des livres d’art et ils se branlaient en hâte en écarquillant les yeux sur la Maja nue, l’Olympia ou sur Vénus sortant des eaux de Botticelli mais en tendant l’oreille, des fois que la bergère se pointe. Entre les Aciéristes de Catargi et un massif Sadoveanu peint par Iser, il était tombé sur le fameux tableau de La Roumanie révolutionnaire, emblème le plus connu et le plus vénéré de notre peuple. "

622 pages

Une saison de machettes
8.4

Une saison de machettes (2003)

Sortie : septembre 2003. Récit

livre de Jean Hatzfeld

Elouan a mis 8/10.

Annotation :

15 novembre
22 novembre

Ce qui frappe à la lecture de ce livre de témoignages (des bourreaux), c'est cette faisabilité de l'horreur, voire de facilité. Savoir quelle attitude adopter à l'égard de choses qui se sont produites et qui pourraient se produire devient problématique. Jean Hatzfeld parvient à transmettre ses doutes, ses questions, naturellement sans réponse. Mais c'est ce qui fait la force de ce livre.

290 pages

La Maison aux sept pignons
8

La Maison aux sept pignons (1851)

The House of the Seven Gables

Sortie : 1851. Roman

livre de Nathaniel Hawthorne

Elouan a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

16 novembre
21 novembre

(traduit de l'anglais par Claude Imbert)

L'invention de la photographie au cours du dix-neuvième siècle nous permet d'avoir un contact (ou l'illusion de ce contact) différent avec le temps passé, avec la vie, telle qu'elle était à cette époque, à l'époque où Hawthorne écrivait La maison aux sept pignons. L'histoire se construit autour de cette maison et ces dépendances, parmi lesquels l'atelier au dagerréotype du discret Holgrave. Elle se construit, d'accord, mais avec le lecteur, et c'est stupéfiant de voir à quel point Hawthorne lui laisse la liberté de s'approprier ce vieux domaine frappé par la malédiction. L'étonnant processus narratif mis en place par l'auteur nous fait traverser le temps, sur plusieurs générations... C'est comme si on était vraiment né au siècle de Hawthorne et qu'il avait été aussi étrange que dans la fiction.

"Quel instrument que la voix humaine ! Comme elle correspond bien à chaque mouvement de l'âme ! L'accent d'Hepzibah à ce moment-là était plein de profondeur liquide, comme si les mots pourtant ordinaires qu'elle prononçait était imprégnés de la chaleur de son coeur. De nouveau, en allumant la lampe dans la cuisine, Phoebé crut que sa parente lui adressait la parole.
– Un instant, cousine, répondit la jeune fille, ces allumettes s'éteignent tout de suite.
Mais au lieu d'une réponse, elle crut entendre le son d'une voix inconnue, étrangement indistincte, qui au lieu de former des mots articulés, émettaient un murmure confus, plein de sentiments et de douceurs plutôt que de raison, et si vagues que l'impression, ou l'écho qu'il laissa dans l'esprit de Phoebé était frappé d'irréalité. Elle en conclut qu'elle avait dû prendre un bruit quelconque pour une voix humaine, ou bien qu'elle avait tout simplement rêvé."

334 pages

Marcher droit, tourner en rond
6.8

Marcher droit, tourner en rond

Sortie : 18 août 2016 (France). Roman

livre de Emmanuel Venet

Elouan a mis 6/10.

Annotation :

13 novembre
15 novembre

La personnalité du narrateur sert toutefois de cadre à un monologue visant à torpiller, sans la moindre concession, l'hypocrisie d'une famille et celle de nombreuses personnes. Le récit s'ouvre d'ailleurs sur un enterrement, difficile de ne pas évoquer le roman Extinction de Thomas Bernhard, même si le motif n'est pas le même, ni le ton, ni le regard ; il est à la fois naïf et très rigoureux, et donne parfois aux portraits dressés un tour parfois très comique.

"Le syndrôme d'Asperger, atypie du développement appartenant au spectre de l'autisme et qui ressemble à l'idée que je me fais du surhomme nietzschéen, me rend asociognostique, c'est-à-dire incable de me plier à l'arbitraite des conventions sociales et et d'admettre le caractère foncièrement relatif de l'honnêteté. Je suis tout à fait prêt à reconnaître mes déficiences da,s ce domaine, d'autant qu'elles me donnent droit à une pension modeste mais bienvenue. Cependant il me semble qu'il serait plus sain de préférer la vérité au mensonge, et que l'humanité devrait plutôt s'attacher à dessiller les crédules et à punir les profiteurs qui entretiennent le climat de duplicit et de tromperie dans lequel, pour notre plus grand malheur, notre espèce baigne depuis la nuit des temps."

123 pages

Confiteor
8.4

Confiteor (2011)

Jo confesso

Sortie : 4 septembre 2013 (France). Roman

livre de Jaume Cabre

Elouan a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

29 octobre
12 novembre

(traduit du catalan par Edmond Raillard)

Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je n’apprécie pas beaucoup le terme « poignant » ou plutôt, je n’aime pas l’employer souvent. Mais c’est le mot juste pour cette lecture, sans aucun doute. La confession ininterrompue d’Adriá Ardévol, érudit en déroute morale, s’interrogeant sur le mal. Confiteor n’apporte pas de réponse, en tout cas pas de réponse arrêtée à la question. Mais on se laisse porter par une litanie d'histoires qui gravitent autour d'un violon volé et extorqué. Le roman est habité par ce mot "Confiteor" qui lui donne, toute sa profondeur, toute son humanité.

"Je serais un autre je ne serais pas en train de te parler en ce moment. Je sais bien : Je t’ai tout raconté en désordre, mais c’est que ma tête est aussi un peu démeublée. Je suis parvenu à grand-peine jusqu’ici, sans guère de possibilités de revoir tout ce que je t’ai écrit. Je n’ai pas le courage de regarder en arrière ; d’un côté, parce que lorsque j’écrivains certaines choses je pleurais ; et de l’autre parce que chaque jour je sens qu’une chaise ou un bibelot disparaissent de ma tête. Et je me convertis peu à peu en un personnage de Hopper, regardant à travers la fenêtre ou à travers la vie, le regard vide et la langue pâteuse de tabac et de whisky. […] je veux te dire une chose qui m’obsède, ma bien-aimée : après avoir passé ma vie à essayer de réfléchir sur l’histoire culturelle de l’humanité et de jouer correctement d’un instrument qui ne se laisse pas faire, je veux te dire que nous sommes tous, nous et nos affects, un pputain de hasard. Et que les faits s’embrouillent avec les actes et avec les événements ; et que les gens se heurtent, se trouvent ou s’ignorent également par hasard. Tout arrive au petit bonheur la chance. Ou alors, rien n’est dû au hasard et tout est dessiné à l’avance. Je ne sais pas quel postulat adopter, parce que les deux sont vrais. Et si je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas croire en un dessein préalable, qu’on l’appelle destin ou autrement."

906 pages

La Treizième Nuit
8.2

La Treizième Nuit (1894)

Jūsanya (十三夜)

Sortie : 1894. Recueil de nouvelles

livre de Ichiyô Higuchi

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

10 novembre
11 novembre

(traduit du japonais par Claide Dodane)

Ces cinq nouvelles sont courtes, mais elles explorent bien le monde et l'amertume qu'il a engendré pour Ichiyô Higuchi. Les rapports amoureux, tendus par toutes les difficultés possibles, jusqu'à la dévastation... C'est triste mais ça donne à réfléchir, et finalement, à voir les choses avec plus de hauteur. L'un des personnages d'évoquer un vers de Shikibu ; "La première neige tombe sur un monde aux peines toujours croissantes" presque neuf fois centenaire à l'époque.

"– Vous ne répondez pas à ma question, dites-moi la vérité ! Si vous ne pouvez pas me parler de vos origines, parlez-moi de l'avenir, au moins ! insista-t-il.
– En voilà une question difficile ! Si je vous le disais, vous seriez tellement surpris ! Mon ambition est pareille à celle d'un Ôtomo Kuroushi, rien de moins ! plaisanta-t-elle.
– Vous ne pourriez pas cesser de plaisanter et tenter d'être sérieuse un moment ? J'imagine bien que vous vivez dans un monde où la comédie est reine et la sincérité malmenée, mais dites-moi la vérit. Avez-vous perdu votre mari ? Ou bien faites-vous cela pour vos parents ?
A la gravité de ces questions, O-Riki sentit la tristesse l'envahir.
– Je suis un être humain, vous savez. Il y a des choses qui pèsent sur mon esprit, à moi aussi. Mes parents sont morts lorsque j'étais très jeune. Je suis seule au monde. Oh, bien sûr, il y a des hommes que ma profession n'a pas empêchés de me demander en mariage, mais je n'ai jamais eu de mari. J'ai grandi dans une famille si méprisable ! Je vais probablement finir ma vie comme ça ! dit-elle en laissant parler son coeur."

186 pages

Anaconda
7.8

Anaconda (1921)

Sortie : 1921. Recueil de nouvelles

livre de Horacio Quiroga

Elouan a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

6 novembre
11 novembre

(traduit de l'espagnol par Frédéric Chambert)

Les dix-huit nouvelles d'Anaconda (1921) s'enchaînent si bien que le tout, malgré tout composite, pourrait former un récit qui suit lentement son cours. Dix-huit étranges nouvelles qui circulent en rond, et on se trouve à bord, avec Quiroga qui nous racontent les hommes comme un personnage de Conrad. Là-dessus, la dix-neuvième nouvelle change totalement d'univers mais pas la sensibilité. La lecture d'Anaconda est comme un jeu sur le sens et sur les mots, mais laisse en morceaux, c'est difficile de dire ce qui s'est passé, ou comment. On baigne dans ce qui est à la fois étrange et familier.

"– Mais cet accent vous va très bien. Je connais beaucoup de Mexicains qui parlent notre langue, on ne ne croirait pas... Ça n'est pas la même chose.
– Vous êtes écrivain ? reprit Stowell.
– Non, répondis-je.
– C'est dommage, parce que vos remarques nous seraient d'une grande valeur, d'autant qu'elles viennent de très loin, d'une autre race.
– C'est ce que je pensais, appuya Miss Phillips. Votre littérature prendrait un nouveau souffle avec un peu plus de parcimonie dans l'expression.
– Et dans les idées, dit Burns. C'est ce qui manque le plus, par là-bas. Dolly est très calée dans cette branche.
– Et vous, vous écrivez, lui demandais-je en me tournant vers elle.
– Non ; je lis dès que j'ai un moment... Je connais assez bien, pour une femme, ce que l'on écrit en Amérique du Sud. Ma grand-mère était du Texas.
Je lis l'espagnol, mais je ne le parle pas.
– Et vous aimez ?
– Quoi ?
– La littérature latine d'Amérique
Elle sourit.
– Sincèrement ? Non.
– Et celle de l'Argentine ?
– En particulier ? Je ne sais pas... Tout se ressemble tellement... Tout est si mexicain !"

198 pages

Suttree
8.1

Suttree (1979)

Sortie : 1994 (France). Roman

livre de Cormac McCarthy

Elouan a mis 9/10.

Annotation :

20 octobre
8 novembre

(traduit de l'anglais par Guillemette Belleteste et Isabelle Reinharez)

On ne compte plus les légions de récits sur les bas-fonds, mais avec une aussi superbe prose, c’est déjà plus rare. Elle suit des chemins sinueux et incertains, et plonge véritablement dans l’imprévu. Les personnages triment dans cette odyssée nocturne, et la mort rôde, ou les morts, car le monde est en putréfaction. Je n’ai pas l’impression pour autant que la comparaison qu’on a faite avec Joyce, aille bien loin. McCarthy raconte parce qu’il décrit avec minutie, entre deux rencontres ou chassés croisés, il inquiète rassure ou fait éclater de rire.

« Allongé sur sa couchette aux petites heures, Suttree à moitié endormi entendit un choc sourd quelque part en ville. Il ouvrit les yeux et à travers sa petite fenêtre jeta un coup d’œil aux étoiles qui pâlissaient, à la joaillerie éparse des éclairages du pont suspendus au-dessus de la rivière. Sans doute un tremblement de terre, veines tressaillant au plus profond de la terre, sable s’infiltrant pendant des kilomètres dans les failles plongées dans une obscurité éternelle. Puis plus rien et au bout d’un moment, Suttree s’endormit. »

672 pages

Lettres de mon moulin
6.8

Lettres de mon moulin (1869)

Sortie : 1869 (France). Recueil de nouvelles

livre de Alphonse Daudet

Elouan a mis 5/10.

Annotation :

22 octobre
4 novembre

Daudet avait-il été inspiré par les Mille et une nuits en écrivant ses fameuses Lettres de mon moulin ? Pour ceux qui imaginent qu'il n'y a que le silence en campagnes, ces "contes" qui viennent comme des rumeurs, devraient les détromper. Le tour que prennent les caractères et les récits est intéressant... Malheureusement il m'a été un peu pénible de le suivre tant il s'attarde sur certains traits et se renouvelle très peu. C'était mieux d'espacer la lecture de ces nouvelles, dont peu d'entre elles se distinguent réellement.

"C'est ainsi que je passai toute la nuit à rêver, évoquant, à dix ans de distance, l'âme du pauvre navire dont les débris m'entouaient !... Au loin, dans le détroit, la tempête fait rage ; la flamme du bivouac se courbait sous la rafale ; et j'entendais notre barque danser au pied des roches en faisant crier son amarre."

255 pages

Anvers
6.8

Anvers (2002)

Amberes

Sortie : 2002 (France). Récit

livre de Roberto Bolaño

Elouan a mis 5/10.

Annotation :

2 novembre
4 novembre

(traduit de l'espagnol par Robert Amutio)

Un curieux sentiment de dispersion ressort souvent de mes lectures des textes de Bolaño. Mais quoi de plus naturel en ce qui concerne Anvers, puisque ce sont des fragments. Des fragments publiés en 2002, mais écrits en 1980. (Bolaño a alors 27 ans) La déroute comme fil rouge de cette recherche qui ne fait encore que balbutier. Il y a tout bonnement un élan, une inspiration faite de rage et de doute, d'incertitude et de dégoût. Les fragments s'entremêlent et se noient dans une sorte de mélasse informe.

"PS : De ce qui est perdu, de ce qui est irrémédiablement perdu, je ne désire récupérer que la disponibilité quotidienne de mon écriture, des lignes capables de me saisir par les cheveux et de me remettre debout quand mon corps désormais n'en pourra plus. (significatif, dit l'étranger.) De manière humaine et de manière divine. Pareille à ces vers de Leopardi que Daniel Biga récitait sur un pont nordique pour se donner du courage, ainsi soit mon écriture. Barcelone, 1980."

121 pages

Thérèse Desqueyroux
6.9

Thérèse Desqueyroux (1927)

Sortie : 1927 (France). Roman

livre de François Mauriac

Elouan a mis 6/10.

Annotation :

28 octobre
1er novembre

Portrait d'une jeune femme dans un vase clos, empêtrée dans son monde et les nécessités qu'on lui a créées... c'est moins elle que les autres personnages qui font vivre ce récit qui ressemble à une chronique, une affaire de moeurs. Les pensées deviennent des événements mais de façon éphémère, et il n'est pas évident de voir Thérèse surnager dans cet excès d'hermétisme et de mystère. Reste les sentiments, et les ressentiments qui donnent au roman toute sa couleur.

"Et Thérèse, elle aussi, savait ce qu'elle allait dire. La solution la plus simple, c'est toujours à celle-là que nous ne pensons jamais. Elle allait dire : Je disparais, Bernard. Ne vous inquiétez pas de moi. Tout de suite, si vous voulez, je m'enfonce dans la nuit. La forêt ne me fait pas peur, ni les ténèbres. Elles me connaissent ; nous nous connaissons."

148 pages

Le Rouge et le Noir
7.2

Le Rouge et le Noir (1830)

Sortie : 1830 (France). Roman

livre de Stendhal

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

12 octobre
28 octobre

Le Rouge et le Noir c'est un peu la comédie des passions. Le genre d'aventure qu'on feuillete avidement pour être au courant de ce qui arrivera à Julien Sorel, héros de rage, de ridicule, d'orgueil. Une passion qui surjoue, à cause de l'exaltation romantique, les mots de Girodet l'illustrent bien : "Se sacrifier à ses passions, passe ; mais à des passions qu'on n'a pas ! Ô triste dix-neuvième siècle !". Parque Mathilde de la Mole ne pouvait aimer Julien Sorel pour ce qu'il est (d'ailleurs, qui est-il ?) mais parce qu'il pouvait être un Boniface, un Napoléon...? J'ignore si le "je" qu'on peut apercevoir à certains moments du récit est imputable à un narrateur absent de l'histoire ou bien plus simplement à Stendhal, parce qu'il se faufile délicieusement dans la tête des personnages, les Mme de Rênal, les Mlle de la Mole... ce qui donne le tournis pendant un moment, même si j'en voulais plus. Reste que j'aurais voulu découvrir ce roman un peu plus tôt.

508 pages

Le Partage des eaux
7.7

Le Partage des eaux (1953)

Los pasos perdidos

Sortie : 1955 (France). Roman

livre de Alejo Carpentier

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

20 octobre
27 octobre

(traduit de l'espagnol René L. F. Durand)

Le livre d’Alejo Carpentier happe son lecteur dans une aventure sonore ; le journal d’un spécialiste de musique quittant le bruit de New York pour les contrées silencieuses du Venezuela. Où malgré tout, le silence, à l’instar de tous les objets qui paraissent inanimés, est au contraire, vivant. C’est une nature puissante et inextricable qui domine. Alejo Carpentier le décrit avec un talent énorme, à comprendre pourquoi Volodine, ce passionné des apocalypses, l’affectionne tant. Le chant est beau, la terre semble transporter avec elle une musique qu’on ignore souvent. A se demander ce qu’il manque, en fait, peut-être que Carpentier ne livre ici pas tous ses secrets, qu’on reste, lecteur, dans l’observation.

"Et voici que ce passé, soudain, devient présent. Que je le palpe et le respire. Que j'entrevois la stupéfiante possibilité de voyager dans le temps, comme d'autres voyagent dans l'espace... Ite missa est, Benedicamus, Deo Gratias. La messe prenait fin et avec elle le Moyen-Age. Mais chiffres des dates diminuaient toujours. Dans une fuite désordonnée, les années se vidaient, remontaient leur cors, s'effaçaient, dévidaient l'écheveau des calendriers jalonnés de Lunes, passaient des siècles à trois chiffres aux siècles à unités. Le Graal perdit son éclat, les clous tombèrent de la croix, les marchants revient au Temple, l'étoile de Noël s'estompa, et ce fut l'An Zéro, au cours quels l'Ange de l'annonciation remonta au ciel."

371 pages

La Conscience de Zeno
7.7

La Conscience de Zeno (1923)

La Coscienza di Zeno

Sortie : 1954 (France). Roman

livre de Italo Svevo

Elouan a mis 8/10.

Annotation :

8 octobre
24 octobre

(traduit de l'italien par Paul-Henri Michel)

Voilà qu'à la veille de la première guerre mondiale, un psychanalyste retors décide par vengeance de publier contre son gré la confession de Zeno, puisque celui-ci a arrêté son traitement. Nous sommes en 1923. Italo Svevo décrit avec humour l'inconséquence des êtres en perdition dans leurs histoires de famille, d'argent et de fesses, tandis que le courroux de la guerre se fait lointain, pour n'être que surprenant quand il éclate tout près d'eux. J'ai l'impression que Svevo peut rire de tout, ce n'est pas, drôle d'un bout à l'autre... et c'est qu'ainsi parfois il me perd, mais avec le chapeau bas.

"Sa faiblesse, il en donna la mesure quand cette canaille d'Olivi le poussa à rédiger son testament. La chose, pour Olivi, était d'importance, car ce testament plaçait mes affaires sous sa tutelle et il semble qu'il ait tourmenté longtemps le vieux avant de le décider à entreprendre une tâche aussi pénible. Mon père, enfin, s'y résigna, mais, dès lors, son grand front serein s'assombrit. Il pensait constamment à la mort, comme s'il avait de ce fait, pris contact avec elle.
Un soir, il me posa cette question : – Quand on est mort, crois-tu que ce soit la fin de tout ?
Le mystère de la mort, j'y pense chaque jour, mais je n'étais pas encore à même de fournir à mon père le renseignement demandé. Pour lui faire plaisir, j'étalai la foi la plus rassurante :
– Je crois que le plaisir survit, tandis que la douleur n'est plus nécessaire. La décomposition pourrait rappeler le plaisir sexuel. A coup sûr, elle s'accompagne d'un sentiment de félicité et de détente, puisque c'est l'effort pour se recomposer sans cesse qui fatigue l'organisme. La dissolution serait ainsi la récompense de la vie !
Je n'eus aucun succès."

537 pages

Sangsues

Sangsues (2006)

Pijavice

Sortie : 29 octobre 2009 (France). Roman

livre de David Albahari

Elouan a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

6 octobre
20 octobre

(traduit du serbe par Gojko Lukic)

Véritable roman-enquête dans la lignée de Philip Roth ou Paul Auster, où la frontière entre la paranoïa et le complot est floue. Le narrateur se perd dans les digressions et les conjectures, les mathématiques et figures géométriques complexes, dont le point de départ est une gifle retentissante. C'est drôle, ridicule, jusqu'au moment où le drame se profile réellement par des gens dépourvus d'humour. Les mots, écrit-il, sont des organismes vivants – s'immiscent comme du poil à gratter ou s'agglutinent pour former une boule d'herbes qui roule dans le désert, entre deux hordes assoiffées de sang.

"Il a fallu quelques mois pour intégrer correctement les fragments du nouveau manuscrit à l'ancien, mais il en est pourtant resté certains, assez nombreux, qui n'ont pas trouvé leur vraie place et qui, telle des planètes, gravitaient autour du noyau du manuscrit. Un hébraïsant belgradois, Eugène Werber, a été le premier à développer pleinement l'idée du manuscrit comme organisme vivant, l'idée qui, comme je viens de le dire, a ajout Margareta, circulait déjà parmi les commentateurs et les traducteurs. D'après Werber, l'auteur du manuscrit a conçu son écrit selon la technique cabalistique d'animation d'une matière inanimée, donc selon la technique de la création des golems, modifiée de manière à rendre vivant le texte lui-même, à le rendre autosubsistant, bien que sans mobilité physique."

397 pages

La Maison dans laquelle
8.2

La Maison dans laquelle (2009)

Дом, в котором…

Sortie : 5 février 2016 (France). Roman, Fantastique

livre de Mariam Petrosyan

Elouan a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

2 octobre
19 octobre

(traduit du russe par Raphaëlle Pache)

La maison dans laquelle n’était pas destiné à la publication, Mariam Petrosyan l’a conçu dans l’intimité et a mis des années avant que son livre n’arrive entre les mains d’un éditeur. Elle a créé des personnages, d’abord en dessin, puis tissé très habilement la structure et l’univers d’une maison où vivent des enfants inadaptés au monde extérieur. L’intérieur a ses lois, ses rites et ses mythes, les jeunes sont tendres ou cruels entre eux, rêvent, fument et prennent des breuvages expérimentaux. Mariam Petrosyan multiplie les points de vue et les bonds dans le temps – parfois à rebours – ce qui ne rend pas les choses plus difficiles vu qu’il n’y a pas réellement de fil conducteur, mais une kyrielle d’histoires qui se répondent entre elles… Tandis que nous sommes à la recherche d’une sauterelle (ou d’un putois), qu'on s'amuse, qu'on tente de comprendre la vie réelle dont le récit est finalement un fidèle reflet, bien que déformé, les tours que prend le récit nous rappellent l’impermanence des choses et des lieux. Attendrissant.

"Je baragouinai encore quelque chose, car sa question était importante et méritait des éclaircissements... Mais une immense fatigue s'abattit sur moi, une douce chaleur ouatée envahit mon visage et m'empêcha de parler; sans en avoir conscience, je m'enfonçai dans un sommeil pesant, mauvais, où un homme aux incisives d'acier et au visage strié de fines cicatrices me traitait de petit bâtard, me frappait pour un oui ou pour un non, et promettait de me jeter en pâture à ses dobermans, cinq chiens au museau pointu, maigres et enragés, enfermés dans des cages. Je devais les nourrir et nettoyer leurs merdes. Je les haïssais presque autant que leur propriétaire, et ils me le rendaient bien. J'avais treize ans, j'étais seul, abandonné, et je savais que personne ne viendrait me délivrer. C'était lui qui m'avait rendu accro à la bière. Parce que dans son maudit pick-up, il n'y avait jamais d'eau..."

955 pages

Deux amours cruelles
7.8

Deux amours cruelles (1933)

Sortie : 25 septembre 2002 (France). Recueil de nouvelles

livre de Junichirō Tanizaki

Elouan a mis 7/10.

Annotation :

13 octobre
15 octobre

(traduit de japonais par Kikou Yamata)

Ceux qui voient l'art japonais comme s'incarnant dans l'esquisse pourraient s'apercevoir qu'il en est parfois de même dans la littérature, et en particulier de ces deux nouvelles de Tanizaki. Son efficacité se trouve cependant dans le fait qu'il nous laisse comprendre et voir, comment les hommes et les femmes aiment et haïssent, comment ils se trompent, comment ils souffrent. Les chatouilles du coeur sont ici d'un charme éphémère, mais résolument bien reproduis.

"Les gens croient qu'il est triste de perdre la vue, mais depuis ma cécité ce n'est pas ce que j'ai ressenti. Pour moi, l'univers est soudain devenu un paradis. Il m'a semblé demeurer avec mon professeur dans la coupe d'une fleur de lotus. L'homme atteint de cécité acquiert la faculté de voir les choses qui lui étaient jusqu'alors cachées. Je n'ai pleinement compris la réelle beauté de mon professeur qu'une fois aveugle moi-même. Je me demande pourquoi cette connaissance me manquait quand j'avais mes yeux ?"
"Au cours des vingt et une années qu'il avait vécues dans la solitude, il avait dû se faire de Shunkin une image idéalisée, sans grand rapport avec la femme qu'elle avait été en réalité."

145 pages

Lumière d'août
8.3

Lumière d'août (1932)

Light in August

Sortie : 1935 (France). Roman

livre de William Faulkner

Elouan a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

21 septembre
11 octobre

(traduit de l'anglais par Maurice-Edgar Coindreau)

Quelque chose me disait que si Faulkner n'avait pas écrit Le Bruit et la Fureur, je l'aimerais un peu moins. Après avoir l'avoir lu, ses autres romans me semblaient moins forts... j'en ai pas encore lu beaucoup non plus. Mais celui-là, le conseil d'une amie, ce titre lumineux... mais lis donc chaque livre pour ce qu'ils sont, là, la poésie qui s'en dégage, m'est avis que c'est ça qui compte, non ? Reste que, le bruit, la fureur, sont toujours là : Life it is a tale... la fuite, une rue sombre qu'on met trente ans à traverser.

"Dès que nous le pourrons, là où, en regardant par la fenêtre, nous pourrons voir la rue, peut-être même l'empreinte des sabots, ou leur forme dans l'air, car, même si la poussière, la boue ont changé, ce sera toujours le même air. Affamés, hâves, hurlants, ils mettent le feu aux magasins d'approvisionnement de toute une campagne soigneusement préparée ; ils s'éloignent ensuite au galop. Pas de pillage. Pas le plus petit arrêt pour chiper des souliers ou du tabac. Crois-moi, ce n'étaient point des hommes qui cherchaient le butin ou la gloire ; c'était des enfants qui galopaient – sur la simple, la formidable vague d'une existence désespérée. Des enfants, simplement."

640 pages

L'Iguane

L'Iguane (1965)

L'Iguana

Sortie : 1 janvier 1988 (France). Roman

livre de Anna Maria Ortese

Elouan a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

(1965)

29 septembre
5 octobre

(traduit de l'italien par Jean-noël Schifano)

L'Iguane raconte une aventure, dans une sorte d'indéchiffrable entre-deux d'irréalité et de réalité. Dès que Daddo aborde Ocaña, où il rencontre l'Iguane, fille adoptée ou employée (voire asservie) – on ne sait pas très bien – une succession de scènes et de sentiments s'enclenche. Ocaña, ou semble-t-il l'oeuvre de Ortese, est une zone achalandée de joies et de tristesses. Comme le comte, le lecteur est privé de la possibilité de maîtriser ou comprendre ce qui se joue-là, bien que Ortese nous guide dans ce dédale de l'émotion et de la perdition. A la croisée de Woolf et de Gadda. Ou peut-être de Cortázar, dans le jeu, avec le lecteur.

"– Non... ce n'est pas de ça que tu dois avoir peur, poursuivit-il en plissant le front à cause du léger effort qu'il devait faire, de temps en temps, pour se rappeler, comme pour prendre acte de ces changements, et distinguer entre ces superpositions continues de réel et d'irréel, pas de ça, Ilario, mais de ton esprit même, comme moi du mien. Il y a quelque chose que nos ignorons, que nous ne voulons pas savoir, il y a quelqu'un de caché, qui nous empêche de regarder... Il y a une tromperie au détriment des personnes faibles... Il y a, dans notre éducation, quelque erreur de base, qui coûte du tourment à beaucoup, et c'est ce que j'entends assainir."

198 pages

Elouan

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