Les 100 romans qui ont le plus enthousiasmé Le Monde depuis 1944
L'ensemble des critiques, dans leur intégrité, sont recensées dans cet article du Monde : https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/21/les-100-romans-qui-ont-le-plus-enthousiasme-le-monde-depuis-1944_5479594_3246.html
Liste de 100 livres
créee il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 4 ans
Le Zéro et l'Infini (1940)
Darkness at Noon
Sortie : 1945 (France). Roman
livre de Arthur Koestler
Annotation :
« Ce livre remarquable et d’un pathétique éprouvant, qui par la puissance du conteur et son agilité à se mouvoir dans les méandres d’une âme révolutionnaire russe, rappelle Crime et châtiment, de Dostoïevski, et l’admirable Sous les yeux de l’Occident, de Conrad, apporte sinon une explication décisive, du moins un éclairage plausible sur ces mystérieux procès de Moscou, où l’on put s’étonner de voir les inculpés reconnaître publiquement leurs torts à l’égard du parti et trouver juste et mérité leur châtiment. » Emile Henriot
Louons maintenant les grands hommes (1941)
Let Us Now Praise Famous Men
Sortie : 1972 (France). Essai
livre de Walker Evans et James Agee
Annotation :
« En Alabama, accompagné du photographe Walker Evans (ses photos sont reproduites dans le livre), James Agee séjourna six semaines, à se partager entre trois familles de métayers : les Ricketts, les Gudger, les Woods. (…) Le génie de James Agee est à chaque page presque et d’abord dans un style fait de phrases interminables, bourrées d’incidentes qui vivent chacune pour soi, bien lancées par les participes présents et les points-virgules, et on pense à ces fleuves qui se partagent en plusieurs bras, si imposant le bras qu’on le prend pour le corps même de la rivière, et tout à coup, alors qu’on en avait perdu le souvenir, nous voici, au terme d’une navigation essoufflante, revenus au sujet même, que les digressions ont comblé d’images lyriques et oniriques. » Yves Berger
Aurélien (1944)
Sortie : 1944 (France). Roman
livre de Louis Aragon
Annotation :
« Les romans d’amour dans la vie ne s’achèvent pas avec une telle symétrie. On cesse de se voir, voilà tout, et les années passent. Ce n’est que dans les livres qu’on se retrouve pour mourir exceptionnellement. Il me faudrait un autre feuilleton pour dire le talent d’Aragon, le détail savoureux du livre, son brio, sa vérité noire et son éblouissante poésie. Aragon a le trait, le tour, la cadence, un mouvement du diable avec cela ; du feu, de l’esprit et du style, cette vertu suprême de l’écrivain né. » Emile Henriot
Famille Boussardel
Sortie : 4 décembre 1944 (France). Roman
livre de Philippe Heriat
Annotation :
« Je ne rapporterai pas le détail de ce livre, si bien mené par M. Hériat au cours de ses 450 pages, où il nous fait assister aux passions et aux entreprises de quelque vingt à trente héros familiers, sans compter les comparses et les figurants. L’aïeul, le père, les enfants, les brus, les petits-enfants, tous étonnamment divers et particulièrement typés, qui constituent au long du siècle la gens Boussardel, vivent sous nos yeux, animés du même génie héréditaire, occupés de leur seule fortune, indifférents à tout le reste ; et c’est, il me semble, par là que le romancier psychologue, sans jamais intervenir et proposer une appréciation ou un blâme, s’affirme le juge sévère des personnages inventés, et, par tant de traits nets, montrés vrais mais peu sympathiques : de prodigieux égoïstes, persuadés que servir d’abord et exclusivement la famille suffit pour faire œuvre de bon citoyen. » Emile Henriot
Alexis Zorba
Βίος και Πολιτεία του Αλέξη Ζορμπά
Sortie : 1946 (France). Roman
livre de Níkos Kazantzákis
Annotation :
« Dès les premières pages de ce fascinant roman qu’est Alexis Zorba, on se sent envahi par l’odeur des plantes sauvages des collines crétoises, qui évoque toute une nature punique et qui procure le plus complet dépaysement. (…) S’il n’est pas sans affinités avec les héros des romans picaresques espagnols, ou même avec le Panurge de notre bon Rabelais, le portrait que Kazantzaki fait de son héros a un tel relief, un tel éclat, qu’Alexis Zorba est digne de prendre fièrement sa place dans la galerie d’honneur des “types littéraires”. » Marcel Brion
Au-dessous du volcan (1947)
Under the Volcano
Sortie : 1949 (France). Roman
livre de Malcolm Lowry
Annotation :
« C’est le propre des chefs-d’œuvre littéraires que de rester non pas inconnus, mais souvent hors de portée, de heurter la logique et les habitudes, de ne progresser que lentement dans la familiarité des lecteurs. Au-dessous du volcan connaît donc le sort du Procès, de Kafka, ou de l’Ulysse de Joyce. (…) Il n’est pas vrai – on doit ici contredire l’auteur – qu’Au-dessous du volcan soit un “roman d’ivrogne”. Certes, l’alcoolisme y est saisi dans sa force maudite, mais il n’est pas dans ce livre un vice, ou une simple tare physiologique ; il est plutôt une “maladie (…) de l’âme”. Et il y a bien autre chose que l’imprégnation par la tequila ou le mezcal, dans ce monument dont on n’a pas fini de faire le tour, qui paraîtra peut-être écrasant aux pusillanimes, mais où chacun, pourtant, déchiffrera, s’il le veut, son destin. » Maurice Chavardès
Moïra
Sortie : 1950 (France). Roman
livre de Julien Green
Annotation :
« Après tant de romans improvisés où l’on a trop souvent l’impression du travail bâclé et du premier jet envoyé à l’imprimerie, comme si c’était aujourd’hui l’ébauche et le brouillon qui importaient plus que l’œuvre achevée, c’est une joie de se trouver enfin devant la maîtrise d’un écrivain de grande classe comme M. Julien Green, que sa remarquable Moïra vient de placer au premier rang. (…) Dans une petite ville universitaire d’Amérique, le jeune Joseph Day est venu prendre pension pour faire au collège ses humanités. C’est un garçon de la campagne, fils de paysans, ignorant du monde, ne sachant que la Bible, nourri et bardé de ses interdits, obsédé par l’importance capitale du péché et par la nécessité du salut (…) ; au physique fort comme un Turc, avec des mains énormes d’étrangleur, une âme naïve et violente, et des cheveux couleur de flamme. Il a suffi à M. Julien Green des vingt lignes de sa première page pour camper de biais l’étrange et inquiétant personnage (…). Le péché pour lui sera Moïra, une fille crapuleuse dont il occupe la chambre et le lit dans la pension où il habite. » Emile Henriot
La Haute Mort
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de Paul Vialar
Annotation :
« Par hasard fait prisonnier par un groupe de SS qui fuyaient Paris, Larnaud, qui se croyait libre, vainqueur, est envoyé par un dernier convoi dans un camp de concentration pour y subir l’épreuve suprême à laquelle Paul Vialar l’avait réservé. Dans ce camp tout entier voué à la mort lente, Larnaud est pris sous sa protection par un médecin qui l’engage dans son service, où les conditions d’existence moins pénibles pourront lui permettre de survivre à cet enfer. Mais cette faveur est offerte en échange d’une adhésion totale au parti (…). Larnaud, d’abord à bout de souffle, a accepté. Mais, s’avisant bientôt que l’obéissance exigée dans cette organisation communautaire ne l’a momentanément préservé qu’au prix de sa liberté renoncée, il refuse et (…) il retourne au camp où il sait qu’il doit immanquablement succomber. Il a choisi. Le dernier feuillet de son journal atteste cette vue héroïque… J’admire encore plus M. Paul Vialar d’avoir si exactement réussi ce grand ouvrage si vivant. » Emile Henriot
L'Attrape-Cœurs (1951)
(traduction Annie Saumont)
The Catcher in the Rye
Sortie : 1986 (France). Roman
livre de J. D. Salinger
Annotation :
« The Catcher in the Rye, traduit en français sous le titre fâcheux de L’Attrape-Cœurs, [c’est] l’histoire de ces trois jours que Holden Caulfield, renvoyé de son école, passe à New York avant de rentrer chez ses parents. C’est l’histoire du refus de la solitude, d’une solitude qui n’est pas due seulement à l’anonymat des vastes agglomérations urbaines.
Mais, ici, Salinger s’efface pour laisser parler, avec son vocabulaire de potache, le gamin douloureux et débrouillard qui ne trouve de confiance que chez sa petite sœur, alors que les adultes lui paraissent stupides ou le trompent dans sa naïveté. Tour à tour sarcastique, mordant, moqueur, pitoyable, le ton de Holden est toujours émouvant, pathétique. Seuls les adultes savent revêtir la carapace de bienséance ou d’assurance derrière laquelle ils se dissimulent hypocritement comme si disparaissaient du même coup les problèmes qu’ils refusent de voir. L’enfant, lui, est désarmé, mais du moins il ne triche pas. Et parce qu’il ne triche pas, le jeu de sa vie vaut d’être joué. Le reste n’est que pourriture.
Voilà ce que dit Salinger. La sobriété de son style lui permet de sous-entendre ce qui perdrait du poids en étant écrit noir sur blanc. C’est pourquoi on a scrupule à parler de ses livres, à les analyser. Il pourchasse un rêve perdu, et le rêve s’effondrerait s’il était formulé avec précision. Pour l’originalité de son talent, Salinger doit être lu et relu. A travers lui, une Amérique gigantesque cherche dans l’univers de l’adolescence des valeurs piétinées par un corps grandi trop vite. Et d’autres avec lui poursuivent la même quête. » Claude Julien
Le Sagouin (1951)
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de François Mauriac
Annotation :
« Le Sagouin, c’est un pauvre enfant d’une dizaine d’années : un petit dégénéré de bonne famille, affreux, cagneux, morveux, bavant, la lèvre pendante, terrifié entre un père avachi et une mère furieuse, toujours grondante, la gifle prompte et l’injure sans cesse à la bouche. Elle a voulu être baronne, elle l’est ; voilà le résultat : ce raté. C’est elle qui, parlant de son fils, l’appelle le Sagouin, et dans son abominable rancune passe sur ce malheureux “avorton” (encore une de ses gentillesses) la haine qu’elle a de son triste mari, l’affreux géniteur de cette larve. Ce père et cette mère, et ce fils, est-ce tout comme monstres dans ce court volume ? Non. Il en va des personnages de Mauriac comme des pins des Landes. Quand un brûle, tous les autres se mettent à flamber. » Emile Henriot
Le Rivage des Syrtes (1951)
Sortie : 25 septembre 1951. Roman
livre de Julien Gracq
Annotation :
« J’aime beaucoup ce roman de M. Julien Gracq. M. Julien Gracq est poète, et comme tel incapable d’accepter la vie telle qu’elle est. Je crois que s’il racontait (mais il ne pourrait s’y résoudre) un sujet aussi ordinaire que ceux des petites nouvelles de Maupassant, il le transposerait dans un château de nuées, dans les enchantements d’Argant. » Robert Coiplet
La Fin d'une liaison (1951)
The End of the Affair
Sortie : 1952 (France). Roman
livre de Graham Greene
Annotation :
« The End of the Affair, dont le titre français, plus vulgaire, La Fin d’une liaison, situe tout de suite le sujet sur son plan – du moins sur son plan initial puisque celui sur lequel débouche finalement le roman est tout simplement ce que la théologie appelle le plan divin. » André Fontaine
Mémoires d'Hadrien (1951)
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de Marguerite Yourcenar
Annotation :
« Le beau livre de Mme Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, appartient à la catégorie des autobiographies supposées. C’est une vie imaginaire, racontée à la première personne. L’empereur Hadrien, le successeur à Rome de Trajan et le prédécesseur de Marc-Aurèle, qu’il désigna (une bonne note pour lui), avait commencé d’écrire ses Mémoires, au dire de son biographe Spartien ; et le livre aurait été intéressant, Hadrien étant demeuré, malgré les contestations, une des grandes figures de l’empire et du siècle d’or des Antonins en particulier. Très digne de la pourpre romaine, à voir comme elle fait écrire et penser le monarque, Mme Yourcenar était donc fondée à suppléer aux réels Mémoires manquants par une reconstitution psychologique minutieuse, d’ailleurs servie par un savoir considérable et scrupuleux. J’admire beaucoup Mme Marguerite Yourcenar d’avoir si bien réussi dans son entreprise. » Emile Henriot
Léon Morin, prêtre (1952)
Sortie : 24 décembre 1952 (France). Roman
livre de Béatrix Beck
Annotation :
« Je ne crois pas à ce Léon Morin. Ce n’est pas lui le sujet du livre, bien que son nom soit sur la couverture. Il n’y a pas d’autre sujet dans ce roman que Mme Béatrix Beck elle-même, ou sa Barny Aronovitch, en face d’un missionnaire véhément, dont elle subit, en femme, la force de mâle. Un passionné, lui aussi, qui aime la casse et la bagarre, comme il dit ; qui assure une de ses ouailles vichyssoises qu’il éprouvera du plaisir à l’accompagner au poteau, après la Libération. Il trouve aussi nécessaires l’un que l’autre le peloton qui exécute et le prêtre qui absout. Dans un autre temps, ce sectaire de Dieu, qui n’aime pas les bondieuseries, aurait tranquillement conduit les hérétiques au bûcher, et c’est ce qu’il aurait d’un cœur sincère appelé sa charité. Mais il se met en colère contre Barny quand elle avoue détester les gens. Et, quand une autre malheureuse lui demande ce qu’il y a de vrai dans la religion, il se contente de lui répondre : “On le saura quand on sera mort.” » Emile Henriot
Bonjour tristesse (1954)
Sortie : 15 mars 1954. Roman
livre de Françoise Sagan
Annotation :
« Un petit chef-d’œuvre de cynisme et de cruauté. » Emile Henriot
La Modification (1957)
Sortie : 1957 (France). Roman
livre de Michel Butor
Annotation :
« Sa Modification, à lire, à faire lire et à discuter, à relire si on en a le temps pour en apprécier les richesses profondes, est un des livres les plus attachants et les plus importants de l’année, l’un des importants de ces années-ci. J’aurai des réserves à faire sur la nourriture compacte que cette sorte de roman nous apporte. Amateurs de gaufrettes et de petits-fours, les estomacs légers ne s’accommoderont pas encore de ce robuste et massif kougelhopf. (…) J’ai dit qu’il contenait quelque chose d’irritant, dans son caractère en quelque sorte mécanique, dans ses répétitions, sa minutie, ses retours d’images identiques, ses formules ; dans ses alinéas commandés par de simples virgules, un bon truc pour mettre ses incidentes à la ligne ; dans la place excessive donnée à la méticuleuse description des choses médiocres, qui n’éclairent rien, qui n’ajoutent rien. Ces pesants défauts sont d’autant plus sensibles et plus regrettables que dans l’analyse des sentiments et des passages d’états d’âme Michel Butor se révèle ici un romancier de premier ordre et un psychologue hors de pair. » Emile Henriot
La Gloire de mon père (1957)
Souvenirs d'enfance, tome 1
Sortie : 1957 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Marcel Pagnol
Annotation :
« Pagnol a cet humour, doublé et feutré de tendresse, avec un grand soin de ne pas l’étaler. En outre, il est sain. Tous les pères ne sont pas des monstres, tous les fils n’ont pas envie de faire l’amour avec leur mère. » Emile Henriot
Le Docteur Jivago
Доктор Живаго
Sortie : 1957 (France). Roman
livre de Boris Pasternak
Annotation :
« Cela semble une gageure que, dans l’URSS de Khrouchtchev, puisse avoir été pensé et écrit un livre qui procède directement des grands romanciers russes du XIXe siècle. » Maurice Vaussard
Le Dernier des Justes (1959)
Sortie : 1959 (France). Roman
livre de André Schwarz-Bart
Annotation :
« Si l’on n’était pas pressé par l’actualité, et débordé par l’avalanche saisonnière des romans, il faudrait pouvoir s’arrêter, jeter de temps à autre un regard en arrière, et faire le compte des bons livres qui caractérisent une époque et ont du premier coup fait apparaître un écrivain. Je ne pense pas me tromper en signalant à cet égard l’émouvant début de M. André Schwarz-Bart, dont le premier écrit, Le Dernier des Justes, étonnant tous ceux qui l’ont lu, vient se classer au premier rang dans la course aux prix qui vient de s’ouvrir.
Couronné ou non, le livre restera comme un documentaire puissant et vendeur sur une des ignominies les plus flagrantes de notre temps, et aussi comme un témoignage digne de foi sur la vocation permanente d’une race au martyre. L’épisode central du roman porte sur les épreuves d’une famille juive et l’héroïque essai de résistance de l’un des siens au cours des persécutions racistes pendant le règne des nazis en Allemagne, sous Hitler. Satire, épopée, reportage et martyrologe, roman de mœurs et de caractères, et tableau d’époque, Le Dernier des Justes fait résonner toutes les cordes, et, pour le définir, en ses moyens divers, j’aimerais pouvoir dire que M. André Schwarz-Bart est tout simplement un grand écrivain ; ce n’est malheureusement pas le cas, et la chose n’a pas d’importance. Soucieux de seule vérité, il n’est pas un écrivain d’art ; son style sans délicatesse relève du langage parlé le plus populiste, et, s’il a un moment passé par la Sorbonne avant de redevenir un ouvrier, ce fils ou petit-fils d’étrangers persécutés et émigrés reste foncièrement l’autodidacte qu’il n’a cessé d’être à travers ses avatars et ses expériences. Mais tant pis pour l’art et le goût, quand un souffle puissant anime comme ici un grand livre, lui donne un accent d’épopée, et que l’émotion l’emporte. » Emile Henriot
Le Chevalier inexistant (1959)
Il cavaliere inesistente
Sortie : 1962 (France). Roman
livre de Italo Calvino
Annotation :
« L’Italie nous envoie ces jours-ci un jeune et séduisant conteur dans la tradition voltairienne. Car c’est bien à un conte de Voltaire que fait d’abord penser Le Chevalier inexistant, d’Italo Calvino. Une histoire ironique et bouffonne, prestement enlevée, riche en péripéties multiples, et servant de support à l’auteur pour les condamnations ou les réflexions que la société contemporaine lui inspire. Le thème : une armure de chevalier sans chevalier et qui se comporte comme un chevalier du Moyen Age. Ce paladin “qui n’y est pas” parle, marche, se bat comme un parfait soldat. Mais si l’on soulève la visière de son heaume, on ne trouve que le vide. » Jacqueline Piatier
Le Festin nu (1959)
Naked Lunch
Sortie : 1959 (France). Roman
livre de William S. Burroughs
Annotation :
« Cette descente aux “fosses à égout de l’univers” qu’est Le Festin nu est en même temps une ascension vers les cimes de la poésie authentique. Le martyre d’un être écartelé entre la drogue, la pédérastie et l’impuissance porte en lui sa propre rédemption. » Piotr Rawicz
La Promesse de l'aube (1960)
Sortie : 26 avril 1973 (France). Autobiographie & mémoires, Roman
livre de Romain Gary / Émile Ajar
Annotation :
« Un livre de premier ordre, auquel aucun lecteur ne pourra rester insensible ; irritant parfois ou gênant, caricatural, excessif, à la fin profondément émouvant, atteignant même à la grandeur et ne cessant pas d’attacher par la présence de l’auteur, bien qu’il se défende d’avoir écrit là une autobiographie, et assure que le souci de l’art, sous sa plume, s’est à chaque instant glissé entre l’événement et son expression littéraire, au point que toute vérité se réduise à une vérité artistique.
S’il en est ainsi, Romain Gary, tant pis pour vous, qui ne seriez plus qu’un orfèvre ; tant pis aussi pour votre livre, où votre art d’arrangeur nuirait à votre sincérité. Mais je ne crois pas bonne votre explication. » Emile Henriot
La Femme des sables (1962)
砂の女 (Suna no onna)
Sortie : 1962. Roman
livre de Kōbō Abe
Annotation :
« Au fond de ce trou, sans interruption envahi par le sable et qu’il faut vider sans cesse, sous peine d’être enseveli, on retrouve une des plus antiques inquiétudes de l’âme humaine, le mythe de Sisyphe. Cette chute dans le sable qui menace l’inoffensif et inattentif chasseur d’insectes est la contrepartie du supplice que lui-même inflige aux innocentes bestioles qu’il capture. (…)
L’attitude de la femme, bête de proie nichée dans sa frappe à prendre les hommes, mais elle-même captive innocente et punie pour l’éternité, condamnée à être simultanément la victime et le bourreau, constitue la plus forte et la plus curieuse originalité de ce roman. Le débat du couple, le plaisir érotique partagé mais toujours marqué de ce signe de la cruauté, de la souffrance, qu’ont si délibérément souligné les auteurs d’estampes du XIXe siècle, surtout dans leurs gravures obscènes, agressivement féroces, et les cinéastes modernes, Kurosawa, Mizoguchi, et qui se déploie dans ce livre avec une crudité allégrement meurtrière, ce corps-à-corps tantôt voluptueux, tantôt animé de la volonté de blesser et de tuer, donnent à La Femme des sables une sombre et terrible grandeur." Marcel Brion
Le Carnet d'or (1962)
The Golden Notebook
Sortie : 1976 (France). Roman
livre de Doris Lessing
Annotation :
« Lessing, c’est la force tout court. (…) [Elle] est de la race des bâtisseuses, avec, en elle, la plénitude un peu douloureuse de qui a vu le fond des êtres. » Françoise Wagener
Le Général de l'armée morte
Sortie : 1963 (France). Roman
livre de Ismaïl Kadaré
Annotation :
« Un quart de siècle après la seconde guerre mondiale, un général italien, accompagné d’un prêtre et d’un expert, parcourt l’Albanie, de longs mois durant, à la recherche des restes de ses compatriotes tombés lors des combats de jadis. Certains corps se trouvent dans des cimetières, et il est relativement aisé de les exhumer ; d’autres ont trouvé une sépulture plus hâtive et nécessitent le zèle de plusieurs terrassiers recrutés sur place.
Ce qui frappe tout de suite, c’est la fine ironie de l’auteur : son général italien n’est pas une caricature. Il a ses vertus, dont la principale est sans doute de ne croire qu’à moitié en sa mission ; et quelques défauts, notamment celui d’une assez surprenante indifférence pour toute chose. L’attitude d’Ismail Kadaré ne manque pas de subtilité non plus à l’endroit de ses compatriotes, qu’il juge avec détachement et presque avec sévérité, ci et là. Toujours est-il que les recherches se poursuivent avec leur ronron d’humour noir teinté de rose, leur ennui, et une sorte de grotesque que le bon goût du romancier transforme aisément en allégorie sans méchanceté. (…) Une comédie de tibias glissés dans des sacs de Nylon et de clavicules méticuleusement répertoriées. » Alain Bosquet
Le Procès-verbal
Sortie : 1963 (France). Roman
livre de J.M.G Le Clézio
Annotation :
« Ce jeune écrivain possède une perception du monde, à la fois rigoureuse et décalée, née d’un authentique malaise – peur de vivre propre à l’adolescence ou durable névrose ? –, et qu’il nous impose. Ce n’est pas un romancier que ce livre révèle, c’est un poète à ranger du côté des voyants. » Jacqueline Piatier
V (1963)
Sortie : 1966 (France). Roman
livre de Thomas Pynchon
Annotation :
« Il s’agit là d’un roman ambitieux, déroutant par sa composition, et quant au style : plein de propositions incises, de parenthèses, de dialogues tronqués, respectueux de la langue parlée, de la psychologie des personnages, environ la centaine, dont les conduites et les pensées ont quelque chose de médusant. Ajoutons que l’auteur, d’évidence très avisé, très cultivé, inquiétant et légèrement fou, a mêlé tous les genres, de la chanson à l’épopée, du roman mystique genre Golem au roman de cape et d’épée, au roman d’aventures, au roman politique, à la farce, à la tragédie – et le reste. Il y a là un cerveau à la Hugo et le rêve d’une œuvre qui rassemblerait Sade, Céline, Joyce… » Yves Berger
Les Mots (1964)
Sortie : 1964 (France). Autobiographie & mémoires, Récit
livre de Jean-Paul Sartre
Annotation :
« La question précisément posée est de savoir comment la vocation de l’écrivain et certaines intuitions fondamentales de sa pensée se sont insérées sur l’expérience première de la vie, sur l’aventure intellectuelle et morale de l’enfance avant la douzième année ; c’est donc Sartre se penchant sur Jean-Paul, ou plutôt sur Poulou, car tel était son surnom d’enfant, pour débrouiller ses racines et, sinon ses fatalités – il n’aimerait pas ce mot –, au moins ses prédéterminations et ses pentes. » Pierre-Henri Simon
Tristesse et beauté (1965)
美しさと哀しみと (Utsukushisa to Kanashimi to)
Sortie : 1981 (France). Roman
livre de Yasunari Kawabata
Annotation :
« Tristesse et beauté est le dernier livre de Kawabata, qui se tua en 1972, deux ans après la mort de son ami et disciple Mishima. (…) Livre désenchanté, où règne une vision rebutante de la chair : le corps n’est vu avec précision qu’à travers la déformation du dégoût – sueurs, crèmes épilatoires, vomissements de femme enceinte. Seuls comptent le souvenir de la douleur maternelle, l’éclat d’une nuque blanche, le son retrouvé des cloches d’antan, la quête mélancolique des rituels disparus, comme si le temps était orphelin. Ce que Kawabata fut lui-même dès l’enfance. » Diane de Margerie
Le Polygone étoilé
Sortie : 1966 (France). Roman
livre de Kateb Yacine
Annotation :
« Le Polygone étoilé se passe de fin et de commencement, le passé y semble accessible de toutes parts et l’avenir paraît y refluer vers nous, l’histoire et la légende, la chronique et le mythe, le rêve et la réalité, incessamment, y échangent leurs pouvoirs. C’est aux dernières pages du livre qu’il faut peut-être chercher le sens de ce mouvement, au creux d’une expérience individuelle où se dessine la figure de l’expérience collective, de toute l’histoire algérienne. Ce sont des pages autobiographiques où l’auteur fait éclater à nos yeux la nécessité de son œuvre. La rupture, le déchirement, l’exil sont à l’origine de son langage et de son écriture et les nourrissent. Jeté à 7 ans “dans la gueule du loup”, Kateb, l’Algérien, apprend à dominer ce qui le domine, la langue française. Son triomphe sera acquis au prix d’une solitude dont tous les jours, dans le regard de sa mère, il pourra mesurer l’étendue. » Jean-Pierre Gorin