Cover Marco Bellocchio - Commentaires

Marco Bellocchio - Commentaires

Des films souvent passionnants, complexes et riches, chacun à leur manière, pierres d’une œuvre d’une profonde cohérence s’interrogeant sur l’identité et l’histoire italiennes, ouvrant des perspectives à la fois éthiques, politiques, existentielles, laissant percevoir un talent singulier : Bellocchio ...

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12 films

créee il y a plus de 11 ans · modifiée il y a presque 3 ans

Les Poings dans les poches
7.3

Les Poings dans les poches (1965)

I pugni in tasca

1 h 45 min. Sortie : 18 avril 1966 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Matricide, fratricide, parfum d’inceste, tabous mis à sac en autodafé païen… Le premier long-métrage de Bellocchio a fait l’effet d’une bombe dans une nation ne prévoyant pas ou ne voulant pas imaginer le processus de dissolution et de violence qui la menace. C’est un jeu de massacre vénéneux qui pilonne trois fondements de la société italienne : l’Église est ridiculisée, la patrie jetée à terre avec le drapeau tricolore, la famille nourrie de haines recuites, d’histoires d’argent et de rapports troubles. Le réalisateur ne préserve rien ni personne, surtout pas son héros adolescent pris d’un mal de vivre, d’un goût du blasphème, d’un instinct de destruction névrotiques, justicier malade car trop lucide, naturellement dément à force de logique. Un huis-clos étouffant et un authentique film d’horreur domestique.

Viol en première page
6.8

Viol en première page (1972)

Sbatti il mostro in prima pagina

1 h 26 min. Sortie : 26 avril 1973 (France). Thriller, Comédie dramatique

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Sur un script de dénonciation socio-politique à la Rosi, limpide mais le serrant un peu aux entournures, le cinéaste raconte comment un fait divers sordide est utilisé par la presse conservatrice pour fabriquer un coupable gauchiste afin de canaliser l’opinion en période électorale. Il en va du film comme de la cuisine familiale : il est sain, goûteux, parfois savoureux, mais sans génie. L’application y tient lieu d’inspiration, on y enfonce des portes qui ne restent fermées qu’à ceux qui se refusent délibérément à les voir ouvertes, et si tout est dit (intérieur minable du concierge opposé à la splendeur de la seigneuriale demeure du magnat journalistique, survivance des attitudes surannées au sein de la morale la plus libre, persistance de l’emprise de la religion), rien ne sonne faux et rien ne sonne neuf.

Le Saut dans le vide
6.2

Le Saut dans le vide (1980)

Salto nel vuoto

2 h. Sortie : 21 mai 1980 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

L’histoire d’une relation toxique entre un juge bourgeois, respectable, hanté par la mort, qui inocule le microbe de l’anéantissement à tout son entourage, et sa sœur recluse dont la révolte et le délire scandaleux favorisent peu à peu la guérison – l’autre ne pourra l’accepter. C’est bien l’auteur des "Poings dans les Poches", le peintre implacable du déséquilibre, de la folie domestique, du poison asphyxiant de l’enfer familial, ravagé par les ténèbres profondes de pensées secrètes, qui dirige cette danse fascinante et angoissante sur le fil du rasoir. L’analyse rationnelle y est sans cesse assouplie par les mystères inexprimables du quotidien, et la progression dramatique s’y double d’une évolution en glissades, soumise à une sorte de fougue exhibitionniste, que ponctuent les remontées traumatiques du passé.

Le Diable au corps
5.4

Le Diable au corps (1986)

Diavolo in corpo

1 h 50 min. Sortie : 18 juin 1986 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Sur le papier, on perçoit assez bien les intentions du cinéaste (se servir du roman de Radiguet pour fustiger l’Italie du post-terrorisme et sa morale petite-bourgeoise) ainsi que certains thèmes familiers (un univers clos, asilaire, dont l’ordre est établi par une famille toute puissante et dont l’unique contestation révolutionnaire serait le sexe). Mais l’exécution cumule les poncifs du drame psychologique au rabais, troquant la fièvre et le trouble par un plaquage hystéro-freudien sans ambigüité et une lourdeur d’illustration qui en fait un cousin ennuyeux de "37°2 le Matin", sorti – détail révélateur – la même année. Ici la folie se résume à une série de clichés artificiels, la passion est froide, filmée sans lyrisme ni inspiration, et la lecture sociale trop superficielle pour susciter autre chose que le désintérêt.

Le Prince de Hombourg
7.1

Le Prince de Hombourg (1997)

Il Principe di Homburg

1 h 29 min. Sortie : 1 juillet 2015 (France). Drame, Guerre

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Clairs-obscurs sculptés par les torches et les chandelles, remarquable jeu du net et du flou, contre-jours aveuglants qui engloutissent soudain les corps : il fallait à Bellocchio cet art de l’image pour insuffler la vie nécessaire à sa lecture toute cérébrale de la pièce de Kleist, dont le minimalisme baroque recherche une théâtralité pleinement assumée. L’inconscient travaille ici en pleine lumière pré-analytique, et la brillance de cet univers renvoie à un mode clos sur lui-même, cristal d’hallucination qui confine à la claustrophobie, comme si le cinéaste parvenait à montrer en même temps l’attrait et le danger de cet enfermement dans l’imaginaire. La vie est un songe, semble affirmer le réalisateur, et le cinéma a pour tâche de le figurer. Ce qu’illustre la conclusion, assez magnifique mais très ambigüe.

Le Sourire de ma mère
7

Le Sourire de ma mère (2002)

L'ora di religione: Il sorriso di mia madre

1 h 42 min. Sortie : 20 novembre 2002 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

C’est à travers les yeux d’un héros rétif et perplexe que Bellocchio mène cette singulière enquête, quasi policière, au cœur des instances vaticanes, durant laquelle la réalité s’estompe au profit de son envers fantomatique. On y croise un vieux comte antimonarchiste qui provoque un duel lors d’une scène à l’anachronisme délirant, une beauté blonde irréelle n’existant peut-être pas ailleurs qu’en songe, et toute une famille liguée avec l’épiscopat dans un sombre complot. À travers ce monochrome étouffant, ce ballet d’ombres et de secrets, le cinéaste stigmatise l’obscurantisme et les relations occultes entre pouvoir et religion, rend aux manœuvres politiques leur visage le plus cynique, et affirme un agnosticisme radical qui trouve sa pleine expression dans le sourire ironique du génial Sergio Castellito.

Buongiorno, notte
7.2

Buongiorno, notte (2003)

1 h 46 min. Sortie : 4 février 2004 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

D’un des événements les plus traumatisants de l’histoire italienne contemporaine, Bellocchio tire une méditation complexe et captivante sur l’engagement et ses compromissions, le libre arbitre et la conscience individuelle, qui évite tous les pièges inhérents à son sujet au profit d’une approche presque fantasmatique et qui charrie les rêves brisés d’une utopie se fracassant aux contingences de la réalité. À travers un beau portrait de femme, héroïne ambivalente en proie au doute et à la remise en question de ses idéaux, le cinéaste radiographie l’état moral et les aliénations d’un pays en pleine période de crise politique, et use tout à la fois des armes du thriller en huis-clos et de l’investigation socio-psychologique en passant sans arrêt de l’ombre à la lumière, de l’immobilité carcérale au mouvement.

Le Metteur en scène de mariages
6.3

Le Metteur en scène de mariages (2007)

Il regista di matrimoni

1 h 37 min. Sortie : 22 août 2007 (France). Drame, Romance

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

L’auteur remet en jeu sa préoccupation centrale : le combat de l’individu contre la société, les conditions de sa liberté d’action et de création dans un monde de plomb, verrouillé par les institutions (l’église, le pouvoir, la famille) et l’emprise du passé. Il fait pénétrer son personnage, double de lui-même, dans une Sicile de rêvé éveillé, mythique et littéraire, débordante d’humeurs, où une princesse bifront et un prince ténébreux, symbole de l’omnipotence sur terre, l’entraînent comme des vagues en avant et en arrière dans le temps. Avec sa forme heurtée alternant stases dialoguées et élans avortés, son absence d’intrigue traditionnelle, ses digressions vers la satire, la farce ou le lyrisme, le film cherche volontiers à dérouter, quitte à perdre de la cohérence qui lui aurait assuré un propos fort et clair.

Vincere
7.1

Vincere (2009)

1 h 58 min. Sortie : 25 novembre 2009 (France). Drame, Historique

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 9/10.

Annotation :

Dès les premières secondes, la puissance opératique et l’ampleur de la mise en images, en phase avec la musique wagnérienne de Carlo Crivelli, prennent à la gorge – jusqu’au chavirant regard-caméra final, le film tiendra cette intensité. Portée par un souffle fiévreux, l’œuvre fait bouillonner les flots d’un lyrisme total, pleinement en phase avec son sujet : Bellocchio donne à ressentir la folie exaltée d’un pays hypnotisé et galvanisé par Mussolini, la propagation d’un fascisme broyant les individus dans une course effrénée vers le pouvoir, dans sa dimension la plus abstraite, la plus mythologique. Mélodrame flamboyant sur les oubliés de l’Histoire, où l’analyse est vectrice d’une révolte permanente, ce grand film creuse la question du religieux et du politique, de la corruption et de l’inconscient, avec la même inspiration baroque et hallucinée.
Top 10 Année 2009 :
http://lc.cx/UPX

La Belle endormie
6.3

La Belle endormie (2012)

Bella addormentata

1 h 55 min. Sortie : 10 avril 2013 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

S’il freine la pompe formelle qui nourrissait les eaux du précédent film, Bellocchio n’en ose pas moins une structure chorale qui s’abreuve d’une demi-douzaine de lignes individuelles pour confronter les questions de la conscience, du choix et de la liberté au consentement de la fin de vie. Le refus de reconstituer l’affaire Eluana Englaro de front est louable mais, dans son éparpillement, le récit perd en autorité, peinant à approfondir avec une égale réussite les différents fragments de la mosaïque. Reste la vigueur d’une analyse psycho-sociétale qui décèle avec lucidité le somnambulisme collectif, la belle unité romanesque de l’ensemble, et le plaisir de voir certains segments abattre leurs cartes lorsque l’on s’y attend le moins (ainsi des jolis échanges finaux entre la toxicomane et le médecin).

Fais de beaux rêves
6.6

Fais de beaux rêves (2016)

Fai bei sogni

2 h 11 min. Sortie : 28 décembre 2016 (France). Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Au centre du drame : la figure éminemment bellocchienne de la mère, dont la mort entourée d’un halo de non-dit familial plombera la vie sociale et amoureuse du fils orphelin qui l’adorait. On croirait le film sorti du cinéma psycho-freudien des années soixante-dix tant il s’empare bravement de tout cet attirail traumatique sans jamais chercher à biaiser la transparence de ses implications. Mais le cinéaste est plus subtil que les écueils de son sujet, et il le prouve en ordonnant une mosaïque de souvenirs hantés, de rêveries sombres, de doutes et de peurs parfois à la lisière de l’étrangeté fantasmatique. Il tient surtout avec fluidité et rigueur les rênes d’un récit enveloppant où se dessine patiemment, par les effets conjugués de l’introspection et de l’amour salvateur, la possibilité d’une délivrance.

Le Traître
7.2

Le Traître (2019)

Il traditore

2 h 33 min. Sortie : 30 octobre 2019 (France). Biopic, Policier, Drame

Film de Marco Bellocchio

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Parce qu’il sait que le film de mafia est un genre déjà très exploré, le réalisateur n’en active les lieux communs (fêtes explosives, fuites dans l’urgence, tensions paranoïaques) que pour mieux les neutraliser. Et c’est à nouveau comme l’éternelle mauvaise conscience de son pays qu’il convoque des évènements parmi les plus traumatisants de l’histoire italienne contemporaine (l’attentat contre le juge Falcone, le scandale Andreotti…). Son ambition consiste à déplacer le spectacle de la réalité vers une arène (celle du tribunal, véritable panier de crabes) où la parole est contrainte de soutenir le regard, et où la nécessité du combat éthique s’affirme sans emphase ni héroïsation. Reste que l’entreprise, peu disposée à tailler dans ses morceaux les plus gras, peine à atteindre le lyrisme et le tragique qu’elle courtise.

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