Cover Michel Deville - Commentaires

Michel Deville - Commentaires

Si l’on décèle une profonde unité dans la filmographie de Michel Deville, marquée par les jeux subtils et ambigus de la distanciation, de la manipulation et des faux-semblants, par ceux de l’amour et du dialogue, par la gravité affleurant sous le marivaudage, par la politesse d’un certain ...

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12 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus de 3 ans

L'Ours et la Poupée
6.1

L'Ours et la Poupée (1970)

1 h 30 min. Sortie : 4 février 1970 (France). Comédie

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Sur le patron de la comédie américaine et plus particulièrement de "L’Impossible Monsieur Bébé", qui voit une adorable enquiquineuse poursuivre de ses assiduités un homme s’obstinant à lui résister, cette charmante bulle de fantaisie, légère et débridée, guillerette et colorée, exploite le romantisme d’un Marivaux ou d’un Musset. Que l’exubérante modèle vivant dans un hôtel particulier du seizième rencontre un musicien tranquille retiré à la campagne, que la nature, les enfants, la simplicité, la flânerie et l’utopie d’un mode de vie s’opposent à la sophistication artificieuse de l’autre comme Rossini à Eddie Vartan, cela participe d’une démarche reposant sur une succession de dissonances et de modulations, et se nourrissant des conventions pour mieux en jouer, sans brouiller les cartes ni piper les dés.

Raphaël ou le débauché
7.1

Raphaël ou le débauché (1971)

1 h 40 min. Sortie : 2 avril 1971. Drame

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

C’est la rencontre du vice et de la vertu, l’amour impossible entre un don juan libertin, fatigué de vivre, et une belle veuve pure prise par le vertige de la sensualité. Pour apprécier la rigueur avec laquelle l’histoire s’ajuste au moule de la passion romantique, Deville capte le pouls d’une époque où la notion de fatalité s’est emparée de tous les esprits. Derrière la beauté des formes se devine le déchirement de la texture : sous-bois harmonistes, étangs brumeux, prairies égayées de jeunes filles en chemises, déjeuners de retour de bal, chevauchées au clair de lune forment le contre-point d’une tragédie désespérée, à laquelle Françoise Fabian, superbe jusque dans la déchéance, et Maurice Ronet, Perdican foudroyé par la femme qu’il rejette pour ne pas la maculer, apportent une poignante incarnation.

La femme en bleu
6.6

La femme en bleu (1973)

1 h 35 min. Sortie : 14 janvier 1973. Drame

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Il suffit d’une scène où Michel Piccoli écoute attentivement "La Jeune Fille et la Mort" de Schubert pour que le film nous garde sous son emprise, qu’il nous passionne du parcours de ce quadragénaire blasé se permettant de poursuivre un rêve qui s’avérera prémonitoire, et de mourir pour lui. Deville retrouve une forme de merveilleux quotidien au hasard d’une rencontre ou d’un chemin, une poésie qui se fait librement, et même joyeusement, malgré le tragique de la conclusion. Qu’elle soit politesse du désespoir ou impossibilité à traiter le drame autrement qu’en comédie, sa démarche est celle d’un moraliste à la fois inquiet et facétieux, qui privilégierait au récit classique une mosaïque de sentiments, de sensations, d’états d’âme, figurés par la témérité d’une mise en scène en perpétuelle réinvention.

Le Mouton enragé
7

Le Mouton enragé (1973)

1 h 45 min. Sortie : 13 mars 1974. Comédie dramatique

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Il peut suffire d’un simple geste pour que le quotidien se transforme. Pour avoir posé la main sur l’épaule d’une jeune et belle inconnue, un modeste employé de banque voit son existence modelée par un romancier-démiurge qui, de l’arrière-salle d’un café, organise son irrésistible ascension sociale pour mieux la vivre par procuration. Le jeu, cruel et cynique, consiste à abdiquer ses sentiments afin de remplir le vide laissé par la maîtrise absolue des arcanes de la séduction, du pouvoir et de la politique – un chemin qui passe d’abord par les femmes. Formulant un propos désabusé par le biais d’une forme brillante et incisive, d’un montage alerte épousant l’enchaînement logique des évènements, le cinéaste signe une tragi-comédie dont l’acidité bouffonne génère autant de plaisir qu’elle stimule l’intelligence.

L'Apprenti salaud
6.2

L'Apprenti salaud (1977)

1 h 38 min. Sortie : 12 février 1977 (France). Comédie

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Dès le premier plan on est prévenu : voici un jeu dont on nous invite à être les complices, un jeu sur l’apparence, la manipulation et la mise en scène. Deville n’est pas dupe de ses mensonges, il nous prend à témoin, revendique ses astuces d’illusionniste en multipliant clins d’œil et procédés de distanciation. Son montage survolté, que rythment les extraits de Bizet comme autant de leitmotivs ou de contrepoints, est fondé sur l’ellipse qui précipite l’action, accélère le récit, assure la mobilité permanente des sentiments, des dialogues, des comédiens. Et d’un sujet léger traité avec frivolité, naît un divertissement espiègle sur la complicité amoureuse, la perte de l’innocence, la fragilité d’un rêve rocambolesque, qui provoque un délicieux tournis et cherche, jusqu’à l’ultime seconde, à retarder le dégrisement.

Le Dossier 51
7.3

Le Dossier 51 (1978)

1 h 45 min. Sortie : 30 août 1978. Drame, Thriller

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Comment filmer l’abstraction d’un dossier, des personnages qui ne sont qu’objets et jamais sujets, des manipulateurs invisibles que la caméra refuse de montrer puisque leur regard est confondu avec celui du spectateur ? La réponse, magistrale, est dans le film. Affrontant le contemporain le plus aigu et menaçant, employant un ton prosaïque et glacé pour mettre en lumière l’immoralité de la méthodique destruction d’un individu par les appareils technico-politiques, le film épouse une structure hyper théorique (plans subjectifs, images fixes, voix off...) pour mieux épouser le caractère mécaniquement effroyable de ce pur processus de déshumanisation. La cérébralité du traitement aboutit constamment à l'émotion, mais qui est toujours sous-tendue par la réflexion (sur le cynisme d'Etat, l'identité, la manipulation...). Vertigineux.
Top 10 Année 1978 :
http://lc.cx/Awk

Eaux profondes
6.5

Eaux profondes (1981)

1 h 34 min. Sortie : 16 décembre 1981. Drame, Policier

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Avec cette adaptation de Patricia Highsmith, dont l’univers diaboliquement quotidien offre un terrain favorable à l’expression d’un projet dénué d’effets tapageurs, Deville dissèque l’étrange rapport d’amour fou qui lie, dans leur perversité, deux êtres bien différents. Il invente des parfums, elle est sa femme, troublant enfant boudeur. Entre eux un jeu subtil et dangereux s’organise, et au bout du voyage le flot de la passion se referme sur les eaux profondes de l’indicible. Silences, regards tendus, claustrophobie d’un monde fait de dominations et de soumissions, de névrose et d’irrationnel, canevas de manipulations où chacun cherche à humilier l’autre – à moins que ce ne soit à l’exciter. On dirait presque du Chabrol, la truculence en moins, une forme de distanciation glacée et intellectuelle en plus.

Péril en la demeure
6.4

Péril en la demeure (1985)

1 h 40 min. Sortie : 13 février 1985 (France). Drame

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Ambiances feutrées, liaisons dangereuses sur le fil du rasoir, puzzle et agencement complexe de situations troubles autour des jeux subtils et inavouables du crime et de la séduction : Deville s’ébroue dans les mêmes eaux que celles du film précédent. Une fois de plus, il conçoit une sorte de badinage sérieux et perfide, aux apparences plus que trompeuses, avec au centre de la toile une femme secrète et fatale. Qui mène la partie ? Personne et tout le monde. L’important n’est pas dans la résolution de l’intrigue mais dans le climat qu’elle dégage. Le tout est d’une perversité élégante, d’un brio très calculé, d’un raffinement tout cérébral, et prend la forme d’un thriller psychologique brodant autour du voyeurisme et de la manipulation. C’est supérieurement conçu mais ça me laisse assez froid.

Le Paltoquet
6.3

Le Paltoquet (1986)

1 h 32 min. Sortie : 13 août 1986 (France). Policier

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

C’est comme si Agatha Christie était revue et corrigée par les recherches scéniques des années 60, quand Ionesco menait la danse et que Saunders et Pinter défrichaient avec un aplomb imperturbable les champs de l’absurdie. Un drôle de drame en huis-clos décrivant avec une ironie grinçante mais clinique un fantasme, et que la mise en scène transforme en un manège emballé de l’illusion, sans révéler dans la tête de qui on navigue. Les dialogues se font et se défont au hasard des assonances, des calembours, des glissements de sens, la caméra investit un volume gris pour en faire tantôt un café, tantôt un lupanar, le paltoquet bat la mesure d’une enquête traitée en exercice de style, où tout le monde est capable et chacun est innocent. Mais le jeu est presque trop évident, et l’abstraction trop étudiée.

La Lectrice
6.5

La Lectrice (1988)

1 h 39 min. Sortie : 17 août 1988 (France). Comédie dramatique

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Et si on jouait à… Deville est coutumier de ce registre dans lequel il a fait ses gammes, de ce sens du mouvement dans les images, de ce goût pour le coq-à-l’âne, les jeux de mots et les clins d’œil, de ces bulles de fiction qui s’envolent ou cheminent en toute liberté. Mais il y a chez lui un côté "petit docteur ès plaisirs" assez clinicien rendant l’univers clean de ses appartements, de ses décors, de ses costumes et de ses rues vides un peu factice. Tel un géomètre de l’insolite, un démiurge manipulant ses personnages comme autant de pions, il tente ici de célébrer les épousailles incompatibles du cinéma et de la lecture, du voir et du croire, du représenté et du rêvé. L’humour ambigu, la fantaisie ironique, la légèreté polissonne contrebalancent la sécheresse toute cérébrale de ce jeu de pistes guilleret et malicieux.

Nuit d'été en ville
6

Nuit d'été en ville (1990)

1 h 25 min. Sortie : 22 août 1990 (France). Comédie dramatique

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Une musique de chambre de Saint-Saëns accompagne opportunément ce film-dispositif et caresse le huis clos disert de deux jeunes amants. En quelques heures d’obscurité, d’intimité, ils vont vivre toute une vie de couple, c’est-à-dire l’éternité. L’univers extérieur est aboli, le dehors n’existe plus, les fenêtres sont aveugles. Et l’image souligne la courbe des sentiments avec des éclairages d’humeur changeante. Gros hic : le discours sur l’amour a le tort de déboucher sur l’amour du discours. Tout est écrit et s’emboîte parfaitement, réglé comme du papier à musique, et pourtant presque rien n’accroche ni ne fait saillie. Car ce marivaudage d’aquarium n’est qu’un pur jeu de salon, dénué d’enjeux humains et de racines existentielles. Si verrouillé que le spectateur, tiers-exclu, n’a guère la possibilité de s’investir.

La Maladie de Sachs
7.2

La Maladie de Sachs (1999)

1 h 47 min. Sortie : 22 septembre 1999. Drame

Film de Michel Deville

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Le docteur Sachs soigne, soutient, sourit. Il écoute, prescrit, soupire. Dans la salle d’attente, ses patients s’impatientent. Et comme personne n’écoute le docteur Sachs, il écrit, la nuit, des pages sur la douleur, l’impuissance, la colère, tous ces sentiments qu’éveille en lui ce métier qu’il a choisi autant qu’il l’a choisi. Deville joue avec les voix, mêle passé et présent, offre une mosaïque humaine émaillée de drôleries épatantes, de touchantes émotions. La chronique quotidienne de ce médecin de province, auquel Dupontel apporte une belle humanité, dévoile des tranches de vie touchantes, tout à tour cocasses ou graves, et donne à ressentir sans jamais appuyer le trait la dignité d’un sacerdoce quotidien, dans ses joies minuscules, ses doutes permanents, ses combats dérisoires mais essentiels.

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