Cover Nanni Moretti - Commentaires

Nanni Moretti - Commentaires

C’est bien simple : Moretti est aujourd’hui, avec Bellocchio peut-être, le seul vrai grand cinéaste italien en activité, portant sur ses uniques épaules tout l’héritage de l’un des cinémas les plus prestigieux du monde. On a longtemps dit qu’il était le Woody Allen de son pays ; ce n’est pas ...

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11 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

Je suis un autarcique
5.5

Je suis un autarcique (1976)

Io sono un autarchico

1 h 35 min. Sortie : 25 janvier 1978 (France). Comédie

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

C’est la profession de foi d’un grand adolescent déçu par les lendemains de Mai 68, une chronique foutraque et brouillonne relevant parfois du plus grand dilettantisme, tournée en super 8 entre potes puis gonflée en 16mm. Empruntant d’abord les sentiers pénibles d’un post-godardisme aux frontières de l’imbitable, elle opte ensuite pour la satire parodique d’un certain gauchisme devenu à la mode en ce milieu des années 70, d’une nouvelle idéologie qui s’amollit dans les drogues douces, la musique planante, le théâtre nouveau, les fringues et le désespoir luxueux. Mais elle a beau brocarder l’usure d’une mini-société qui se voudrait exclusivement intellectuelle et cultive poussivement un pessimisme snob, les ressources traditionnelles auxquelles elle recourt demeurent franchement minces.

Bianca
6.9

Bianca (1984)

1 h 36 min. Sortie : 16 avril 1986 (France). Comédie dramatique

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Titre trompeur, tant le personnage féminin n’est ici qu’un fantôme et le véritable sujet du film son auteur. Après une idée comique utilisée pendant une demi-heure (la description d’une école ultra-moderne où la névrose infantile des professeurs le dispute à l’outrecuidance des élèves), la trame zigue-zague entre plusieurs emprunts patauds (notamment à "Fenêtre sur Cour"), plusieurs registres plus ou moins hétérogènes (du policier à la comédie de mœurs) pour dresser le portrait d’un homme en état de scission permanente, névrotique, lâche, vaguement compulsif, animé par une rigueur inquisitoriale et une totale intransigeance morale. La relative mise en ordre des matériaux ne compense pas l’impression d’inachevé qui émane de ce film sincère mais bien trop brouillon et approximatif.

La messe est finie
7.1

La messe est finie (1985)

La messa è finita

1 h 34 min. Sortie : 14 janvier 1987 (France). Comédie dramatique

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Pas facile, le sacerdoce de curé. Le jeune prêtre incarné par Moretti, confronté à l’évolution des mœurs et des mentalités et à sa propre crise spirituelle, s’en rend compte bien vite. Avec une ironie tendre et malicieuse, le cinéaste suit le parcours d’un homme désemparé qui ne comprend pas pourquoi tout se met à dérailler : névroses et angoisses d’une famille désunie, tristesse morose des amis, désertion de la générosité au profit d’un individualisme amer. Dans l’Italie des années 80 où la pagaille morne des sentiments a remplacé le désordre tonique des espérances, il pratique un humour accidentel, décalé, incongru, une sorte de comique d’implosion qui déferle par bouffées, à contre-pied et contretemps. Et ce ton de comédie se nourrit de détresse, parfois de colère, mais jamais de désespoir.

Palombella rossa
6.9

Palombella rossa (1989)

1 h 29 min. Sortie : 29 novembre 1989 (France). Comédie dramatique

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Une balade de Bruce Springsteen se fait entendre et le temps s’arrête sur la piscine, avant que ne reprenne le match entre les équipes mais surtout entre les idées, les convictions et les ardeurs philosophiques. Moretti déplace l’étude des comportements, des mœurs sociales et de l’autoanalyse du terrain religieux au terrain politique, où s’affrontent communisme, catholicisme, gauchisme, saisies en vue de coupe, avec autant d’acuité que d’invention. Il règle ses comptes avec l’Italie contemporaine, la religion, la morale, la culture médiatique et encore plus avec lui-même : car si la charge contre Berlusconi est féroce, l’auteur ne s’épargne rien, se remettant constamment en question par le recours original aux motifs de l’amnésie, de l’autarcie intellectuelle, de la psychanalyse.

Journal intime
7.3

Journal intime (1993)

Caro diario

1 h 40 min. Sortie : 25 mai 1994 (France). Biopic, Comédie, Drame

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Une rencontre émerveillée avec Jennifer Beals, un séjour solaire dans les îles Éoliennes, une ballade en Vespa dans les humeurs estivales de Rome : trois épisodes euphorisants, caustiques et chaleureux de la vie intime du cinéaste, qui nous fait partager ses désirs, ses colères, ses angoisses, ses instants de bonheur. L’autoportrait n’est nullement égocentrique, car la fluidité du style et la liberté du ton lui font dépasser le stade de l’anecdote pour atteindre à la chronique voltairienne du monde contemporain. La catharsis personnelle prend ainsi la valeur d’un acte conjuratoire universel. Ce recueil de souvenirs, de promenades et de réflexions impose un charme enchanteur et primesautier, une espièglerie mordante, une poésie douce. À la fin, on a l’impression de compter Nanni parmi le cercle de nos amis.

Aprile
7.1

Aprile (1998)

1 h 18 min. Sortie : 20 mai 1998 (France). Comédie dramatique

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

L’introspection de l’éternel atrabilaire se poursuit, entre angoisse artistique, paternité et lubies fantaisistes. Il continue de nous parler à l’oreille, sans se soucier de fignoler un récit cousu main, parce qu’un homme libre, ça ne se laisse pas caser. Ce nouveau chapitre de son journal intime raille une fois de plus, avec ironie mais sans agressivité, les dérives de la politique italienne, tout comme il moque le conformisme, la pusillanimité, l’hypocrisie et le grégarisme de ses concitoyens. Entre la victoire électorale de Berlusconi et le naufrage d’un bateau albanais, Moretti fait entrecroiser les événements autobiographiques avec une délectation communicative, gratte là où ça fait mal, considère le spectateur comme son confident privilégié et rit autant de lui-même que du monde qui l’entoure.

La Chambre du fils
7.4

La Chambre du fils (2001)

La stanza del figlio

1 h 39 min. Sortie : 18 mai 2001 (France). Drame

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 9/10.

Annotation :

Sans la moindre maladresse sentimentale, la moindre complaisance affective, Moretti aborde ici le plus "impossible" des sujets : la mort d’un enfant. La perte, le désespoir, l’affliction insurmontable causée par l’absence sont considérés de front, avec une pudeur, une retenue, un tact admirables, qui confèrent à cette analyse feutrée du travail de deuil une exceptionnelle justesse. Le film restitue tous les états de la souffrance : pratique sportive comme délassement puis comme recherche de l’épuisement, rapport obsessionnel au passé et à la culpabilité, fracture entre des êtres que tout devrait réunir, incapacité à supporter l’autre, sa détresse la plus profonde comme son mal-être le plus banal. À son terme, lorsqu’un travelling accompagne père, mère et sœur dans une sérénité fragile, l’intense émotion qui l’aura parcouru atteint son comble.
Top 10 Année 2001 :
http://lc.cx/UPW

Le Caïman
6.7

Le Caïman (2006)

Il caimano

1 h 52 min. Sortie : 22 mai 2006 (France). Comédie, Drame, Romance

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Berlusconi a toujours été dans le collimateur du cinéaste. L’attaque déjoue cependant les attentes, emprunte des chemins de traverse, appelle à la raison et à l’engagement. Surtout, elle ne prend jamais le pas sur la tendresse drolatique d’une chronique intimiste qui excède largement le cadre de la charge politique et suit un héros débordé par ses problèmes sentimentaux et professionnels, pour lequel financer un film devient délicat, et sauver son couple une mission impossible. S’épanouit alors une émotion prégnante, infusant le film jusqu’à un final saisissant : lorsque Moretti lui-même incarne son pire ennemi, qu’il en fait un manipulateur populiste à la séduction ambiguë et au fascisme larvé, le couperet tombe et la légèreté s’évapore pour ne laisser la place qu’à une inquiétude glaçante. Énorme, ce final : https://lc.cx/43pd

Habemus Papam
6.9

Habemus Papam (2011)

1 h 42 min. Sortie : 7 septembre 2011 (France). Comédie dramatique

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Notoirement athée, régulièrement anticlérical, le réalisateur aurait pu se livrer à un pamphlet féroce contre le microcosme du Vatican. Comme tous les grands cinéastes, il choisit de prendre les attentes à contre-pied et livre une méditation cocasse et secrètement profonde sur les troubles de l’identité, les difficultés d’être à la hauteur et de ressembler à soi-même. Maniant la tendresse autant que l’ironie, offrant à travers son personnage de pape démissionnaire (formidable Michel Piccoli) une méditation inquiète sur le pouvoir et la responsabilité, liant le jeu à la psychanalyse, le théâtre à la religion, il glisse d’un registre à l’autre avec une aisance harmonieuse et signe une drôle de comédie angoissée, miroir saisissant d’un monde contemporain (et de la société italienne) au bord du précipice.
Top 10 Année 2011 :
http://lc.cx/qET

Mia Madre
6.9

Mia Madre (2015)

1 h 47 min. Sortie : 2 décembre 2015 (France). Drame

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

D’une rectitude absolue mais apte à entremêler rêves et souvenirs de la représentation mentale, grave comme une complainte mais désopilant de cocasserie, très personnel mais crucial dans les sujets qu’il aborde (la difficile harmonie entre les désirs individuel et collectif, l’engagement et le doute qui le lézarde, la valeur résiliente du souvenir et de la transmission), ce drame feutré multiplie les fausses contradictions comme autant de vertus qui concourent à en faire, après "La Chambre du Fils", un nouveau parangon de délicatesse et de bienveillance. Attentif à révéler en chacun le fond de bonté qui l’anime, Moretti lui offre le droit de surmonter les épreuve de la vie à travers les voiles de la souffrance pour mieux se rapprocher des autres, de lui-même et de l’être aimé qui s’éteint. Un grand film pudique, introspectif, universel.
Top 10 Année 2015 :
https://lc.cx/4xvN

Tre piani
6.3

Tre piani (2021)

1 h 59 min. Sortie : 10 novembre 2021 (France). Drame

Film de Nanni Moretti

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Trois étages dans une résidence cossue de Rome, trois destinées familiales frappées par une tragédie commune, pour un même regard compatissant sur une société morcelée, insularisée, minée par le manque de confiance, le poids du doute et de la faute, le conflit intergénérationnel : en un mot, la difficulté à vivre ensemble. Si le film adopte le ton romanesque qui reste traditionnellement attaché au mélodrame, il se dépouille jusqu’à l’épure de toute charge stylistique, de toute séduction conventionnelle, pour éclairer les affres et dilemmes de chacun d’une lumière transparente mais distanciée, perméable à l’émotion mais hostile aux facilités de l’épanchement pathétique. L’auteur y actualise ainsi, dans une veine classique très consommée et avec une belle acuité morale, le "chacun ses raisons" renoirien.

Thaddeus

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