Sélection Roman des étudiants France Culture - Télérama 2014

Annotation :

La première partie du roman, richement documentée, est une ôde à l'exploration urbaine. La deuxième, plus mystique, se penche sur la dimension sectaire et rituelle accordée par la cité. Un roman poignant et virtuose pour qui a déjà laissé vaquer son imaginaire dans les confins de la ville.

"Car le vide à ceci de supérieur au plein qu'il est riche de mille circulations : chaque disparition libère une nuée d'informations et de détails qu'aucune certitude ne viendra jamais souiller. L'humanité n'accède au sublime qu'en s'évanouissant."

"Ne reculer devant rien. User la trame de Paris jusqu'à la corde, effacer les tracés et délaver les couleurs."

"Ils feront de la ville un infini murmurant. Et la langue elle-même deviendra paysage."

"Allez maintenant : allez aussi loin qu'il est possible d'aller. L'espace n'est plus qu'offrande à vos pouvoirs."

Annotation :

Bertrand raconte sa maladie avec humour et légèreté. Un style brillant mais un récit bancal et décousu. Quelques passages lumineux :

"On ne m'ôtera pas l'idée que Rimbaud, bien que prétendument moins âgé, était plus vieux que Verlaine et que Soliers."

"La découverte du Vide. On vous dira que le vide, ce n'est rien justement, ce ne serait pas la peine d'en parler. Et pourtant. Dans certaines circonstances, le vide en chacun de nous prend des proportions vertigineuses. Nous sommes un puits. ordinairement, nous vivons à la margelle de nous-mêmes.
Le monde s'est rhabillé, peu à peu. S'est légèrement remaquillé. Nous sommes le puits et nous sommes le monde."

"Restent les souvenirs des soirs de fin d'été, qui ne sont pas à proprement parler des souvenirs. Des filaments de nuage, plutôt. Très beaux, très fins, comme certaines peintures chinoises.
Appelons-les "soirs de fin d'été".
Même si c'était en hiver, parfois, au printemps, ou déjà en automne.
Appelons-les "mélancolie"."

"Il n'est pas question que je cesse d'exister tout de suite."

"La minute d'hôpital est une unité de temps variable qui peut aller d'un quart d'heure à plusieurs heures."

"Est-ce qu'on ne pourrait pas mourir en paix, cinq minutes ?"

Annotation :

Plus laborieux que "Faire L'amour", ce dernier Toussaint donne une impression de répétition, de lourdeur. La narrateur, constamment dans le doute et le trouble, souvent indécis, toujours flottant, livre une narration trébuchante et pénible. Déçue donc, en espérant trouver la légitimité de "Nue" en lisant "Fuir" et "La Vérité sur Marie". Un passage magnifique néanmoins : le début de l'acte II, la rencontre du narrateur et de Marie dans un café place Saint-Sulpice (pages 87 à 98).

"Où étais-je alors ? Où - si ce n'est dans les limbes de ma propre conscience, affranchi des contingences de l'espace et du temps, à invoquer encore et toujours la figure de Marie ?"

"Il n’y avait personne dans le quartier ce soir-là, la pluie avait retenu les gens chez eux, il n’y avait que nous sur la place Saint-Sulpice, moi dans cet espèce de passerelle de navire vitrée qui donnait sur l’horizon enténébré, et elle dehors, en figure de proue, devant l’océan invisible."

"Je regardais Marie devant moi, j'apercevais fugitivement ses traits quand elle esquissait un mouvement, elle continuait de regarder fixement devant elle, une cigarette à la main, silhouette de dos en manteau sous la pluie, Marie, océanique, qui semblait exhaler des vapeurs de spleen qui allaient se dissiper dans la nuit au gré des effluves de la fumée de sa cigarette."

Annotation :

Celui qui rencontre un succès auprès des libraires se heurte néanmoins à l'incrédulité d'une tranche de son lectorat. Réalité crue et fiévreuse, peinture froide d'un village du Nord, c'est la France profonde, celle qui dérange, qui est mise en lumière. Dans une autofiction au service du fait social, Édouard Louis brille par sa virtuosité abrupte et son recul saisissant.

"Dans ce monde où les valeurs masculines étaient érigées comme les plus importantes, même ma mère disait d'elle - J'ai des couilles moi, je me laisse pas faire."

"Je ne pense pas que les autres - mes frères et sœurs, mes copains - aient souffert autant de la vie au village. Pour moi qui ne parvenais pas à être des leurs, je devais tout rejeter de ce monde. La fumée était irrespirable à cause des coups, la faim était insupportable à cause de la haine de mon père.

Il fallait fuir."

"Aveuglé par cette impression de m'être arraché à un mal qui jusque-là m'avait semblé incurable, j'oubliai quelque temps la résistance du corps. Je n'avais pas envisagé qu'il ne suffisait pas de vouloir changer, de mentir sur soi, pour que le mensonge devienne vérité."

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Le sport, le corps, la nation. Tels sont les thèmes que Lola Lafon entrecroise pour livrer un récit complexe, où les narrations s'opposent et se répondent. L'histoire romancée de Nadia Comaneci, gymnaste roumaine et première à obtenir un 10 en gymnastique aux JO de Montréal en 1976, alors que la Roumanie plie sous le communisme de Ceausescu. Une écriture rugueuse, hachée parfois, mais qui sert cet atypique dialogue entre Comaneci et la narratrice, entre l'Est et l'Ouest.

"On convoque les éléments : nage-t-elle dans un océan d'air et de silence ? On repousse le sport, trop brutal, presque vulgaire en comparaison de ce qui a lieu, on rature, on recommence : elle ne sculpte pas l'espace, elle est l'espace, elle ne transmet pas l'émotion, elle est l'émotion. Elle apparaît -un ange-, remarquez ce halo tout autour, une vapeur de flashs hystériques, elle s'élève au-dessus des lois, des règles et des certitudes, une machine poétique sublime qui détraque tout."

"Les écureuils rebondissent, s'étourdissent, leur dos plie sans résistance, si ça ne saigne pas, affirme Béla aux fillettes, ne t'en fais pas, ça n'est probablement rien de très sérieux."

"Plus de soixante mille lettres venues de la planète entière arrivent à Onesti, certaines portent uniquement ceci sur l'enveloppe :

Nadia Comaneci
Gymnaste
Roumanie"

"Nommée championne d'Europe pour la troisième fois dans le Brøndby Hallen, elle démentira ceux qui affirmaient que la gymnastique était une somme de "difficultés ne pouvant être maîtrisées que par des éléments aux segments courts et ignorant la peut : des petites filles"."