Tsui Hark et l'esthétique du combat chaotique

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Premier film de Tsui Hark, Butterfly Muders préfigure déjà le mélange des genres caractéristiques du réalisateur : le film d'arts martiaux rencontrant ici la comédie burlesque et le film d'épouvante, il propose un premier essai un poil hystérique et bordélique. Le réalisateur, encore inexpérimenté mais déjà généreux, tente énormément de choses dans un tout brouillon, certes audacieux mais manquant clairement de sens et de précision. Il laisse cependant entrevoir quelques éléments caractéristiques de sa carrière à venir, notamment l'inventivité de sa mise en scène et la fluidité de ses combats tout en voltige. S'il n'est pas essentiel à voir, il est une étape intéressante de son évolution artistique pour tout amateur du réalisateur.

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Deuxième film, et Hark se montre encore plus hystérique qu'avec Butterfly Murders. Il va même jusqu'à pousser jusqu'à ses retranchements le mix comédie/horreur, faisant autant rire que ce qu'il peut dégoûter avec l'ultraviolence de ses cannibales aux pratiques très peu suggérées. Les combats, qu'on n'attendait pas aussi nets, commencent à faire ressortir le génie chorégraphique du metteur en scène, qui s'en donne à coeur joie dans l'invention de nouvelles façons de filmer les affrontements, et de positionner sa caméra dans les airs quand ses personnages bondissent comme sur des trampolines. Fascinant et beaucoup plus maîtrisé, Histoires de cannibales engage le meilleur pour la suite.

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Avec Zu, les guerriers de la montagne magique, Tsui Hark préfigure ses futurs excès visuels avec un sens de la folie et du chaos inégalables. Parfois jusqu'à l'overdose, le montage faisant, à quelques exceptions de voltige prêts, qu'on ne comprend plus grand chose à ce qui se passe à l'écran. A cela prêt que l'amoncellement des couleurs, de ses décors à la géométrie variable, de ses personnages à la personnalité complètement déséquilibrée font de ce premier Zu l'un des grands sommets de l'absurde chez Hark, qui trouva bien du mal à reproduire cette recette savamment pensée. Jusqu'à ce qu'arrive The Blade et son chaos salvateur.

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Premier grand film d'arts martiaux de Tsui Hark, Il était une fois en Chine mêle avec brio l'engagement politique d'une nation pas encore indépendante mais toujours bouleversée par les stigmates de l'influence occidentale, au génie visuel et narratif de son réalisateur surdoué. Toujours plus audacieux, Hark trouve en la personne de Jet Li le collaborateur parfait pour ses cascades et pour rôle du maître Wong Fei-hung, collaboration qu'ils continueront pour une certaine quantité d'autres films. Le premier volet de la saga se permet même un regard désillusionné sur la technologie et l'apport de l'occident au pays, le tout dans une conclusion épique mais sans la saveur d'héroïsme attendue : la faute à un sacrifice en forme de rédemption, représentatif de la dureté discrète du cinéma de Tsui Hark.

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Si Hark perpétue sa tradition de comédie d'arts martiaux, il la transpose ici dans un contexte américanisant à la fois son intrigue et ses enjeux, coupant le réalisateur de sa folie habituelle. L'oeuvre qu'il signe, heureusement marquée du sceau de son grand talent, prend des allures de téléfilms de Van Damme ou Seagal n'ayant aucune autre ambition que celle de proposer des combats très bien filmés, et une modernisation douteuse et stéréotypée de son magnifique Il était une fois en Chine. Difficile d'y dénicher ses inventions visuelles habituelles. Mais on y verrait presque, en cherchant peut-être un peu trop loin, les prévisions de son arrivée désastreuse en Amérique, qui marqua une collaboration honteuse avec un Van Damme sous cocaïne.

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Avec The Blade, Tsui Hark pousse à fond l'esthétique du chaos au cinéma : ses lumières d'enfer, son montage et sa mise en scène anarchique mais jamais bordéliques en font une expérience sans précédent, inimitable et viscérale, où l'hystérie des personnages et la violence de son esthétique représentent le chaos d'Hark de sa façon la plus aboutie et profonde. Le parallèle fait avec la religion catholique l'inscrit d'autant plus dans une mythologie monothéiste et étrangère que ce guerrier solitaire semble n'appartenir à aucune culture, entrant en résonance avec la dimension christique et sacrificielle de sa destinée. Hark réalisant le film le plus abouti, tragique et puissant de sa carrière.

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C'est le scénario ici qui s'approche du chaos, sans pour autant que Tsui Hark n'y soit pour quelque chose, Double Team étant l'un des plus mauvais films de sa carrière. Jamais maîtrisé, il ne propose rien d'autre que la mise en avant inévitable de l'égo surdimensionné de Van Damme, au point qu'Hark abandonne toute tentative de développement de ses thématiques habituelles. A part, peut-être, quelques expérimentations ralentis et 3D douteuse seulement observables pour les idées qu'elles lui laisseront au moment de retourner à Hong-Kong de façon fracassante, avec l'explosif et destructeur Time and Tide.

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Double Team ne suffisait pas. Piège à Hong Kong s'imposait comme une nécessité pour que Tsui Hark puisse enfin prendre sa revanche sur un premier tournage en Amérique désastreux et tenu de main de tyran par un Jean Claude Van Damme sous C. Et pour son dernier film au pays de l'Oncle Sam, Hark n'y va pas de main morte en plaçant toutes les critiques qu'il avait à faire à l'époque sous le coude de l'interprétation afin de ne pas être inquiété par le message qu'il passe. Le volet de sa carrière qu'on pourrait considérer, avant de le voir, comme l'un des plus bêtes et mauvais, serait-il finalement l'un des plus libérateurs pour son auteur (avec Time and Tide), puisqu'il est l'annonce rassurante de son retour en terre natale, et de son règlement de compte camouflé avec ceux qui tâchèrent sa carrière de prestige par un film si mauvais que Double Team? Tsui Hark, où comment préserver sa carrière du chaos en l'acceptant en son sein, pour mieux le façonner et le balancer à la gueule d'un public qui n'a jamais été prêt de le recevoir si violemment.

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Film de la libération pour Tsui Hark, qui revient donner des cours de mise en scène et de narration éclatée aux nouvelles têtes du cinéma d'Hong Kong érigées comme nouvelles stars. Lui, le vieux de la vieille qui imposa à son pays le chaos total comme exutoire à la violence, signe ses retrouvailles avec son public natal par une oeuvre dans laquelle il déverse toutes ses obsessions, ses thématiques et tics de mise en scène en les poussant toujours au limite de l'imagination. Le résultat, complètement barré et audacieux comme très peu d'autres films d'action, à ceci de déroutant qu'il devient complètement imprévisible u bout d'une demi-heure, alors qu'on commence à peine à se faire aux personnages ainsi qu'à imaginer la piste dans laquelle l'intrigue veut nous mener. Désarçonnant à plus d'un titre, il se paie le luxe d'enrichir la réalisation d'Hark en la forçant presque constamment à la voltige : l'art de Tsui Hark n'aura jamais été aussi inventif, révolutionnaire et libéré de toute pesanteur. Il s'affranchit des règles de la physique en même temps qu'il renvoie au bac à sable les ptites têtes nouvelles du métier, celles qui ont involontairement profité du départ des légendes pour tenter de les égaler. Hark, dernier défenseur d'une époque prolifique pour le cinéma de genre hong-kongais, prouve une nouvelle fois que c'est dans les meilleurs plats, qu'on sert les meilleures tartes.