Vus en 2017

Annotation :

J'aime beaucoup Johnnie To (The Mission, Exilé, Election I & II), et même en mode mineur, ça m'a fait plaisir de le retrouver. Il a une manière élégante de mettre en scène, fluide, où le Scope permet de bien se repérer dans l'espace.
Ici on est ouvertement dans un polar différent, farfelu, mené par un ancien flic excentrique, aussi doué que perturbé mentalement.
Une figure centrale atypique et boufffonne (très bon Lau Ching-Wan). Il a aussi un côté touchant dans sa manière de s'enfoncer sciemment dans l'illusion (il préfere imaginer une version idéalisée de sa femme, constamment à ses côtés, plutôt que d'accepter que sa femme l'a en réalité quitté depuis longtemps).
L'autre grande originalité, c'est cette manière de jouer avec le Fantastique: le détective est le seul à percevoir que certaines personnes sont habités par une ou plusieurs personnalitées (un enfant apeuré, un gros gourmand, une femme d'affaires très sûre d'elle etc). Cela amène un découpage très ludique entre la réalité et les visions, où tout le groupe se relaie à tour de rôle selon la situation. C'est un peu Sense8 avant l'heure...
Malheureusement, le reste ne suit pas, le potentiel n'est pas bien exploité, l'intrigue policière est convenue, mal articulé. Reste beaucoup d'idées (chouette mexican stand-off final, où les miroirs révelent les personnalités), et ce fameux Mad Detective, assez charismatique et autre pour apporter du piquant, du charme au métrage.

Annotation :

Tourné avec des bobines 35MM qui durent 20mn, le film se construit sur cinq actes, cinq plans-séquences qui profitent donc des 20mn octroyés par le 35MM. En soi, l'ambition conceptuelle de Too Late est excitante, mais le film a en plus bien d'autres qualités.
Ecrit et réalisé par le même mec, on sent que c'est un auteur avec une voix particulière qui est aux commandes, sûr de lui et joueur.
En collant au plus près les personnages, en essayant de retirer un maximum des séquences sans couper, le film génére un je-ne-sais quoi d'inédit, d'électrique. L'intimité, le rapport entre les persos est palpable.
On note une ou deux petites tricheries ici et là, mais seulement quand c'est pertinent de briser la continuité formelle et d'apporter un peu de découpage pour mieux raconter l'histoire.
L'histoire en elle-même est continuellement surprenante. Ces cinq actes ne sont pas présenté dans l'ordre, et cette structure narrative insolente à la Tarantino nous invite à raccorder les piéces du puzzle de manière ludique.
Cerise ultime sur le gâteau, Too Late reprend les archétypes du Noir (détective borderline, femme fatale, bad guys forts en gueules) mais à sa sauce, peaufinés, présentés avec plus de complexité et de résonnance que d'habitude.
Partant d'un jeu sur la forme et le genre pour déclarer sa flamme au celluloid, on aboutit à une histoire touchante d'humanité. Coup de coeur.

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Christopher Smith est vraiment un réal intéressant (Creep, Triangle, Black Death) et on sent qu'il aime se lancer des défis, qu'il cherche à revisiter les genres avec une approche neuve, un angle particulier. Avec Triangle c'était le film d'horreur qui se voyait déconstruire par des paradoxes temporels ingénieux, ici c'est le Néo-Noir qu'on explore à travers deux timelines:
Option A) le héros accepte une proposition.
Option B) le héros refuse la proposition.
Une belle promesse de Cinéma, le montage astucieux jonglant entre les deux timelines de manière astucieuse et prenante. Au coeur de ce projet bicéphale, les Split-Screens, qui ont donc le rôle crucial de rendre évident la séparation entre les persos, entre les timelines, entre les choix. C'est stylisé et ça a du sens.
Et puis...le soufflet retombe. Le scénario se fait trop manipulateur et trompeur, les promesses conceptuelles sont mises de côté (pour ne pas dire purement évacuées), le tout pour une conclusion assez décevante.
Dommage, parce que formellement ça a vraiment une pure gueule. Christopher Smith sait très clairement où poser une caméra pour avoir un cadre affuté, la composition des cadres est toujours bluffante. Les mouvements de caméra sont à la fois dynamique et très esthétique, élégant.
Finalement, c'est assez logique qu'il soit difficile de départager la poire en deux avec Détour:
Option A) manipulateur et hésitant, Détour ne se révéle pas à la hauteur de son concept.
Option B) plaisant et plein d'envie, Détour est une enthousiasmante réussite formelle.

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A bien des niveaux, Moonlight est une réussite éclatante.
Tout concorde, la finesse de l'écriture, la justesse des acteurs, réalisation et photographie très sophistiquées. Avec ces ralentis qui magnifient le moindre geste, cette soundtrack si ample et opératique, on peut légitimement penser à du Wong Kar-Wai, qui se verrait déplacé dans un contexte typiquement américain.
La présentation en trois chapitres (l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte) est très juste et a une véritable qualité littéraire.
C'est un tour de force de rendre palpable comme cela toute la complexité d'un personnage principal aussi mutique, renfermé sur lui-même. La tension des non-dits, des frustrations, du désir trop longtemps refoulé est amenée de manière digne et pudique.
Evitant les écueuils habituels, Moonlight n'est jamais mièvre ou misérabiliste mais se révêle au contraire comme une oeuvre humaine et poétique.

Annotation :

La foi et ses épreuves incessantes, le dialogue conflictuel avec Dieu, le rapport à l'autre qui se veut compatissant mais qui se voit écrasé par des circonstances cruelles...on sent que c'est un projet qui touche intimement Scorsese et qu'il ne fera aucune concession. Tant mieux. Si le film est austère et éprouvant, il est aussi profond, grave, habité.
On est loin du rythme nerveux et endiablé de d'habitude, mais c'est une des qualités de Silence: voir à quel point Scorsese peut s'imprégner d'un cadre autre, d'une culture aussi spécifique que celle du Japon et en même temps rester fidèle à lui-même.
Les plans se font plus long, les cadres sont composées de manière très rigide, en ça on sent l'influence d'un Kurosawa ou d'un Kobayashi. Et en même temps, si sollenité formelle il y a, Scorsese reste un anticonformiste, et certaines idées de découpage, un ralenti anxyogène ici ou là, des mouvements de caméras qui se font soudain amples à un moment clé, sont vraiment bien senties et audacieuses.
Amusant de noter qu'après avoir régurgité ses modèles Japonais, Scorsese finit son film sur une citation bien plus américaine, avec cette exemple parfait d'audience camera qui ne dépareillerait pas dans le Citizen Kane d'Orson Welles. On ne se refait pas!
Thématiquement, c'est du costaud, le genre où on a envie de laisser au film le temps de murir dans la tête, pour bien savourer toute la richesse du propos.

Annotation :

Très bon Chabrol, à l'efficacité simple mais vraiment affuté. Tout est là, le cadre provincial en apparence tranquille mais bouleversé par une terrrible violence, un suspens Hitchcockien qui rend ambigue les personnages et fait douter le spectateur.
L'air de rien, la mise en scène est très bien pensé, découpée avec intelligence et savoir-faire. Pas un bout de gras dans le scénario, compact et reserré. Ce qui permet à Chabrol de beaucoup faire passer par l'image.
Il y a quelque chose d'électrique entre Jean Yanne et Stéphane Audran, de la tension sexuelle, un peu de romance et pas mal de soupçon.