Anthologie annotée (au futur) des plus grands styles du XXème et pourquoi ?

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Déclaration d'amour à la vitesse et aux mécaniques rutilantes des auto, ce début de XXeme siècle est placé sous les auspices de la technique.

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Phrases à rallonge de Proust, circonvolutions interminables et périphrases impressionnistes, de sa mémoire fétiche, souvenirs contemplés depuis le lit de sa chambre. A noter que cette déconstruction du langage s'accompagne d'une recomposition, et que, d'opus en opus, le style proustien, dans La Recherche, s'affirme plus sérieux et adulte

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Parce que l'avant-garde en a fini avec le beau style, le rayon de lune romantique assez ressassé, a libéré les puissances du langage, en dynamitant la part bourgeoise de la littérature qui définissait le XIXeme.

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Prémonitoire, ce récit anticipe sur la monstrueuse rationalisation donneuse de mort. Une machine détruit des corps, se détruisant par la même. Présage de l'état nazi. Un tournant du XXeme siècle, qui déterminera bien des voeux de silence.

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Syntaxe idiosyncratique, figures d'accumulation et rupture du continuum espace-temps, font de Kafka l'inventeur du style moderne, sous influence bureaucratique (puisque c'est bien connu, le boulot du K était d'être dans un bureau!). Cauchemar de la raison.

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Vraiment audacieux pour l'époque, le style Dos Passos donne ses lettres de noblesse à la littérature américaine, son entrée dans le XXème. Plein de points virgules comme autant de reflections, de quoi ? peut-être de luminaires, peut-être de bruits, de croisements, de heurts et d'interférences, à l'image de la vie citadine qu'ils traduisent sous forme d'une petite musique, un jazz métallique et endiablé.

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L'écorce solide qui entoure le style d'Etre et Temps d'une aura mystérieuse, confine à la théologie sans en être ("Le temps s'écoule et tombe" Grégoire de Nysse), à la théorie du langage en étant philosophie et touche au plus concret de l'étant sans trahir son secret. Un style qui se décortique. Influence majeure du XXeme siècle, pour la littérature qui nous intéresse. Ainsi que parole poétique à part entière.

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La sophistication de Mort à crédit pousse un cran supplémentaire ce qui avait été accompli dans le Voyage : travail sur la ponctuation et choix des mots puisé dans l'argot, Céline a tout de l'auteur urbain, observateur des révolutions de la grande ville, son lot de misères neuves. Séminal, ("Je suis le Père Sperme" dira-t-il), on en retrouvera des traces jusqu'aux beatnik et à Salinger (plus loin).

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Funèbre selon Pound, apres-moderniste, l'acte de naissance du post-, Joyce répond à Ezra dans des pages truculentes, de sa verve fécale, sa gerbe, sa verge...

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Je ne devais pas être assez mur, quand il m'est des mains, tombé. Parce qu'en relisant des passages cette soirée, estomaqué, je suis, par le style.

Est-ce qu'il ne s'agirait pas du plus grand livre jamais écrit de main britannique ? A suivre

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Un tohu-bohu verbal, tout l'être tendu vers un Autre, ce vaste Inconnu comme la mer...

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Bégaiements de la parole enfantine qui se heurte sur les marches de la croissance, végétalement.

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Aragon fait ce qu'il veut et c'est réussi, la syntaxe est hors normes, la construction du roman l'assimile davantage à une ode consacrée au peintre moderniste, symbiose entre Matisse et son biographe, critique et ami. N'en reste pas moins des zones d'ombre dans la vie comme dans le style, par pudeur, qui suggèrent plus qu'elles ne disent.

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Quoi qu'on pense de Deleuze et Guattari, et des dérives délétères engendrées par le courant prétendument deconstructionniste et proto-woke, ce ne sont pas des déconstructionnistes au même titre que Derrida (dont j'apprécie malgré tout le travail, qui doit beaucoup à Blanchot), ni Foucault (qui lui est beaucoup dans une démarche de soupçon systémique, limite paranoïaque). Deleuze qui aimait se qualifier de métaphysicien, surplombe d'un vol d'aigle, la pensée de la deuxième moitié du XXeme siecle, il n'y a guère que Heidegger avec lequel s'engage un dialogue : grosso modo le passage difficile de L'Anti-Oedipe à Mille Plateaux, de la deterritorialisation absolue à la reterritorialisation partielle, qui ait une égale importance - qui était déjà deconstructionniste en un sens - par herméneutique et réaction. Car il a réussi à penser conséquemment un déterminisme absolu, les valeurs capitalistes comme récit (Baudrillard n'est jamais loin), et libéré véritablement les potentialités du langage. Se lit comme comme un poème exaltant la Vie.

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Deleuze est le chaînon manquant qui permet de faire dialoguer Heidegger et Derrida, et la figure de ce dialogue c'est peut-être le paradoxal Nietzsche.
On peut lui reprocher son caractère abscons (c'est ne rien comprendre), sa trahison des pensées auxquelles il se réfère (c'est assez vrai), mais on ne peut pas dire qu'il ait compté beaucoup de philosophes en estime - Héraclite (qu'il ne trahit pas, pour le coup), Spinoza (qu'il développe), Nietzsche (qu'il dévoie), il resta fidèle à ce triangle d'or.

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Avec sa manie de ne pas terminer ses phrases, William Gaddis renouvelle la manière d'écrire. Les phrases sont ici des tronçons de phrases amputées de leurs dernières expressions, comme une hésitation d'être, à lier, pour les théologiens en herbe, à l'ouvrage le Courage d'être de Paul Tillich des plus justes, concernant les remèdes à l'angoisse existentielle et à l'inhibition augustinienne.

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Comment ? Hemingway ? Êtes-vous sûr monsieur Pikbilis ? Oui, parce qu'Hemingway est un représentant d'une nouveauté propre au XXeme siècle, et en cela inaugure une forme de littérature en sous régime : le refus du style, privilégiant un style plat, au lyrisme sec. Bref, il fallait l'évoquer. Car la littérature ne s'écrira plus jamais comme avant.